Conteuse depuis 30 ans, Marie Tomas voulait se rendre utile pendant le confinement. Tous les jours, elle investi la cage d'escalier de son immeuble pour raconter des histoires. Une façon de rompre la solitude et de créer du lien entre des voisins qui ne se connaissaient pas vraiment.
Elle fait du bruit avec un instrument de musique, ça résonne dans tout l'immeuble, j'ouvre la porte, je m'installe et les histoires commencent -Yann, 6 ans et demi
C'est devenu un rituel pour Yann, 6 ans et demi. Chaque soir à 17 heures il écoute avec attention les histoires de Marie, assis devant sa porte avec sa petite soeur.
Mes jolies Dames, Mes jolis Messieurs, il y a un oiseau, le plus beau des oiseaux, l'oiseau est dans l'oeuf, l'oeuf est dans le nid, le nid est dans l'arbre, l'arbre est dans le bois, le bois est là-bas. Savez-vous ce qu'il y a dans cet oiseau ? Il y a un coeur, le coeur est dans l'oiseau, l'oiseau est dans l'oeuf.... - Marie Conteuse
Et ça repart... Enfants et plus anciens reprennent timidement les paroles. Ce soir, c'est un conte pour enfant qui est au programme et la séance se terminera avec un chant. Yann, invité à chanter Au Clair de la Lune, se prête volontiers au jeu.
"Mes histoires sont finies. On va se quitter. Faites attention à vous, bon courage et à demain !" lance Marie avant de regagner son appartement, remballant sa chaise et divers accessoires.
J'ai préparé un mot et je l'ai déposé dans la nuit
"Au début du confinement, je me suis demandée ce que j'allais pouvoir faire pour me rendre utile et pour ne pas sombrer dans la solitude, parce que souvent les personnes vivent seules ici et moi aussi d'ailleurs" explique t-elle.
Passionnée par les contes depuis trente ans, l'idée de les faire partager s'est rapidement imposée.
"Le soir où je me suis décidée j'ai préparé un petit mot que je suis venue déposer dans la nuit, devant chaque porte, où j'invitais tout le monde à venir écouter un conte tous les jours à 17 heures dans l'escalier".
Marie a précisé qu'il n'y avait aucun risque, qu'elle prendrait toutes les précautions nécessaires. "Il suffit d'ouvrir la porte et d'écouter" a t-elle écrit.
Depuis le 25 mars, les portes s'ouvrent en effet. Et les voisins écoutent, certains en retrait, d'autres installés sur le palier.
"Ca nous a rassemblé un peu. On se parlait dans l'immeuble mais pas plus que ça. Et c'est un grand plaisir de sortir, ça donne le moral, ça permet de penser à autre chose" confie l'une des résidentes, spectatrice assidue.
La morale des contes pour passer le douloureux cap du coronavirus
"Tous les contes merveilleux, et certains font peur avec des monstres et des dragons, nous disent que les épreuves ont une finalité et une réparation. Au bout, il y a forcément un mieux, forcément. Il faut juste accepter les épreuves et trouver les moyens de les dépasser" nous rappelle Marie, le coronavirus en arrière-pensée.
"Les contes transmettent ce genre de message, pas de manière explicite bien-sûr. Mais ils sont là pour nous apaiser, nous réconforter".
L'artiste, qui avait préparé ses histoires pour les 15 premiers jours du confinement, compte bien s'organiser pour faire perdurer ces parenthèses apaisantes jusqu'à ce qu'à la fin.
"C'est très humble et très modeste mais j'espère qu'avec ces moments partagés on gardera du lien".