François Moncla s'est éteint à 89 ans, dimanche 28 novembre 2021 à Pau. Double champion de France avec le Racing et la Section Paloise, triple vainqueur du tournoi des 5 nations, il était aussi militant communiste, antiraciste et pacifiste. Retour sur une vie hors norme.
Un roc. C'est le mot qui revient lorsque ceux qui l'ont connu parlent de lui, que ce soit le président du Racing 92 lui rendant hommage hier, ou d'anciens joueurs de la section paloise tels que Jean Paul Basly. Et il faut bien avouer qu'en présence de François Moncla, on ne pouvait manquer d'être impressionné par la solidité qui se dégageait de lui. Aussi bien dans le jeu que dans la vie, mélange de force, de conviction, de sobre et brutale honnêteté...
Décidément oui, un roc, comme arraché à la montagne béarnaise de Louvie Juzon où il a grandi. C'est d'ailleurs dans sa vallée d'Ossau qu'il découvre le rugby, d'abord à Louvie, puis à Arudy. Ensuite à 17 ans, c'est le départ pour Paris, le jeune François intègre l'école d'Electricité de France où il fera sa vie professionnelle. Sur place il est vite repéré par le Racing club de France, un coup de maître de la part des dirigeants : François Moncla va faire venir avec lui un certain Michel Crauste puis un certain Arnaud Marquesuzaa... Le RCF se retrouve alors avec une équipe junior de rêve : le béarnais Moncla, le landais Crauste et le basque Marquesuzaa vont faire les beaux jours du club de Seine et Marne avec à la clé un titre de champions de France en 1959.
Capitaine d'un XV de France mythique
"François les bas bleus" crève alors l'écran en championnat, et les portes du XV de France s'ouvrent à lui dès 1957. Il va y vivre des moments historiques : le premier d'entre eux en Afrique du Sud en 1958. Une tournée héroïque dont les français sortiront victorieux et invaincus. Mais au delà de la réussite sportive, le troisième ligne aile ossalois reviendra de ce voyage marqué par l'aprtheid. Déjà militant communiste et syndicaliste à la CGT, cette politique racialiste le révolte et il la combattra.
Autres moments historiques avec le XV de France : les trois victoires au tournoi des 5 nations en 1959, 1960 et 1961. Les deux dernières se font sous son capitanat, et là encore les bleus sortiront invaincus de la compétition. De son expérience internationale, François Moncla parlait avec simplicité et humour. Alors que nous lui demandions ce qu'il pensait de ces équipes britanniques, il nous répondait en 2016 "Les anglais ne valent rien, les écossais sont sympas, les irlandais sont méchants... mais les gallois sont comme nous".
Retour en Béarn
Côté club, François Moncla finit par avoir le mal du pays : à l'issue de la saison 1959 et après neuf ans au Racing, il rentre en Béarn pour signer à la Section Paloise. "Je ne voulais pas m'incruster en Seine-et-Marne parce que notre terre me manquait. Cette terre sur laquelle on est heureux de pouvoir marcher...". Comme ceux du Racing avant eux, les dirigeants de la Section Paloise réalisent une excellente affaire : leur nouveau troisième ligne va les mener à un titre national en 1964, leur dernier Bouclier de Brennus. Mais l'aventure ne s'arrête pas là puisque il deviendra ensuite entraîneur puis président du club, et verra entre autres évoluer des joueurs comme Robert Paparemborde, un autre ossalois.
Regardez l'émission Viure al Pais Aquitaine de 2018, avec un portrait de 6 minutes de François Moncla (à 17:08) suivi par une interview de Jean Paul Basly, centre de la section paloise qu'il entraînait dans les années 70.
Moncla le militant
Si la vie de François Moncla a été marquée par le rugby, elle l'a tout autant été par son militantisme au parti communiste et à la CGT. Comme nous l'avons dit plus haut, il a été l'un des premiers français à dénoncer l'apartheid, mais il a aussi lutté contre les privatisations et pour le désarmement nucléaire... fait étrange, durant sa carrière professionnelle il avait décidé de cacher son appartenance au parti communiste, ne la révélant que plus tard. Une décision prise à l'époque, avec en tête un souvenir d'enfance marquant. "En 1942 ou 1943, quand Pétain avait fait interner les communistes, j'ai vu le père d'un ami du village partir entre deux flics, les menottes au poignets. Je devais avoir 12 ou 13 ans... J'ai demandé à mon père : "Qu'est-ce qu'il a fait ?" Papa m'a répondu "C'est parce qu'il est communiste". Cette réflexion a fait son chemin, et je n'ai pas voulu déclarer que j'étais engagé au parti communiste avant le jour de ma retraite. Je ne voulais surtout pas que mes enfants en subissent quelque conséquence que ce soit".
Discret ou au grand jour, l'homme aura milité tout au long de sa vie. En 2014 il faisait encore partie de la liste du Front de Gauche aux élections municipales de Pau... En 2016 Olivier Dartigolles, alors porte parole du PCF et conseiller municipal de la ville lui avait d'ailleurs consacré un livre, "François Moncla : récits de vie et d'ovalie".