Le roman du palois David Diop continue de faire grand bruit, à l'étranger désormais. Après avoir reçu le Prix Goncourt des Lycéens en 2018, il vient de remporter le prix de la fiction de l’année d'un prestigieux journal américain, le Los Angeles Times.
Quand David Diop, écrit son deuxième roman, très inspiré des lettres de poilus, il souhaite donner la voix à un jeune tirailleur sénégalais balancé sur "la terre de personne". Alpha N'Diaye, prend vie sous la plume de l'écrivain pour raconter l'enfer des tranchées et la perte de son "plus que frère", qui le marque à jamais.
Un personnage universel dans l'enfer de la guerre
Le livre raconte alors, dans une oralité écrite, le long voyage intérieur de ce soldat enrôlé dans le fracas de cette Première Guerre mondiale, tout comme 200 000 autres combattants africains, dont 30 000 ont péri sous les tirs d'obus et les coups de baïonnettes.
Ce récit-confession avait déjà séduit les lycéens au point de lui attribuer le Goncourt des lycéens en 2018, il leur est désormais enseigné.
Dans Frère d'âme il n'y a pas de temps ou de lieu car je voulais me concentrer sur la voix intérieure du personnage. C'est peut-être ce qui a fait que le texte a pu être apprécié dans des contextes sociaux, politiques et culturels différents...Cette voix intérieure n'est jamais entendue des autres en temps normal, sauf en cas de lapsus.
Traduit dans 15 langues
C'est une deuxième vie pour le roman de l'écrivain palois David Diop, après sa traduction en anglais. C'est d'abord le journal anglais The Time qui le remarque, dès sa parution, et en fait le livre du mois de novembre.
Je suis très heureux de le voir traduit, je ne m'attendais pas à ça en l'écrivant. Ce sont des choses qu'on n'imagine pas. J'ai eu la chance de rencontrer de nombreux traducteurs, notamment l'allemand. Ce sont des moments très touchants. Je pense aussi à ma traductrice en chinois, bien que d'un point de vue culturel ce pays soit éloigné du nôtre, elle a fait un travail remarquable et d'une grande sensibilité. Dans le roman, j'ai fait en sorte que le récit soit en français, mais que le lecteur comprenne que le personnage ne parle pas en français mais en Wolof, sa langue maternelle. Cette langue a un rythme particulier qu'il fallait pouvoir rendre
THE TIMES BOOK OF THE MONTH
— Pushkin Press (@PushkinPress) November 5, 2020
At Night All Blood is Black by David Diop (tr. Anna Moshovakis) is OUT TODAY.@TheTimesBooks https://t.co/MTsCSpD4Zx pic.twitter.com/q4FHNnvZZY
Et depuis le 19 avril, "At Night All Blood is Black" est le grand lauréat du prix de la fiction de l'année du Los Angeles Times
C'est toujours un très grand plaisir de recevoir un prix. On a toujours l'impression de continuer à le voir libre. Je vois que ce livre est lu dans tant de langues désormais, lu et apprécié. Je ne m'en lasse pas
Wonderful feeling yesterday to see my novel awarded the @latimes #41st book prize for the best fiction novel. Most grateful and thankful to my translator Anna Moschovakisfor her magic work on #AtDarkAllBloodIsBlackhttps://t.co/0bpMSPwBZ1
— David Diop écrivain (@DDiop_ecrivain) April 19, 2021
Sur sa page twitter l'écrivain se réjouit d'un tel prix "Merveilleux sentiment hier de voir mon roman récompensé par le prix du livre @latimes # 41e pour le meilleur roman de fiction. Très reconnaissant à ma traductrice Anna Moschovakis pour son travail magique sur Frère d'âme".
L'avis des libraires en Aquitaine
"En 2018, je l'avais classé coup de coeur de la librairie. Dans le style d'écriture, je le trouve très original avec ses phrases comme des formules incantatoires, que je trouve très belles. Et cette histoire de tirailleurs sénégalais est assez méconnue pour qu'on ait envie de s'y intéresser", souligne Carole Teltier, de la librairie Montaigne à Bergerac.
"En même temps, ce livre parle de la guerre et de la façon dont on utilise les "gens de peu", mais aussi de cette histoire des colonies. Il touche aussi au mot FRERE et ce n'est pas anodin en ce moment" estime Laurence Pauliac, de la Librairie Livresse à Villeneuve-Sur-Lot, en Lot-et-Garonne.
"Pour mon coup de coeur en 2018, j'avais écrit : Un chant obsédant, lancinant, un brin candide, contrasté par les affres de la guerre. C'est vraiment le style très travaillé qui fait la force du roman, et bien évidemment le sujet bouleversant au plus près des combats. C'est logique que ça parle au monde, car c'est sur la guerre, et sur le fait d'envoyer des soldats à notre place, qui n'ont rien demandé et qui se battent pour une cause qui ne leur appartient même pas" remarque Cécile Odorico, de la Librairie le Passeur à Bordeaux.
L'idée du chant, d'obsession de la litanie et d'un jeu de répétition en Français sur le thème de la guerre. Ca me semble être une synthèse très juste de mon livre
Pour Jérôme Rivière, de la Librairie l'Escampette à Pau,"on a trouvé remarquable à la librairie, la liaison entre une langue classique et une langue orale africaine. Je serai curieux de voir comment sort ce mélange des genres en anglais. Et le thème de l'aculturation est tellement universel". Son collègue Clément Oria ajoute :"moi, c'est la psychologie du personnage qui m'a le plus marqué, son dilemme intérieur."
Pour découvrir le livre, voici ses premières pages :
Archives vidéos : reportage réalisé par France 3 Pau, en 2018, à la veille du Goncourt