Ce samedi 7 septembre, la vallée d’Aspe en Béarn a été particulièrement frappée par des pluies orageuses qui ont entraîné des coulées de terres et des inondations. Le phénomène, s’il marque par ses conséquences, n’est pas pour autant exceptionnel.
Dès vendredi 6 septembre, le Haut-Béarn et en particulier la vallée d’Aspe, dans les Pyrénées-Atlantiques, était balayé par de fortes pluies. Un épisode orageux qui a engendré des coulées de terre, des effondrements de routes et des inondations dans les habitations de quatre villages de la vallée.
Que s’est-il passé ? Le phénomène peut-il se reproduire ? Olivier Cabanne, prévisionniste à Météo France et Aurélien Ribes, chercheur au CRNM (centre national de recherches météorologiues) ont répondu à nos questions.
Que s’est-il passé en Vallée d’Aspe ?
Pour les prévisionnistes, la situation de ce week-end est, en apparence, plutôt banale. “C’est une situation orageuse d’inter-saison relativement classique, générée par les remontées orageuses venues d’Espagne, vers le sud-ouest”, détaille Olivier Cabanne.
Un orage de fin d’été qui va pourtant se retrouver “coincé” par le relief montagneux des Pyrénées. “Cette goutte de froid était stationnaire et a donc alimenté des bouffées orageuses sur les crêtes frontalières toute la journée de vendredi ”, précise le prévisionniste. Parmi ces crêtes, la vallée d’Aspe particulièrement touchée par des pluies diluviennes.
Si dans les plaines, il a plu environ 40 mm, sur ces crêtes, par endroit, il est tombé jusqu’à 200 mm de pluies en moins de 24h. C’est l’équivalent d’un mois de pluie.
Olivier CabannePrévisionniste chez Météo France
Ces pluies orageuses se sont donc “enchaînées” toute la journée du vendredi, d’abord le matin, puis dans la nuit, jusqu’à 7 h ce samedi. “Elles ont été très localisées sur la vallée d’Aspe et Gavarnie, deux régions qu’on a vues particulièrement touchées par les dégâts, précise Olivier Cabanne. Sachant que la zone avait déjà conu plusieurs épisodes orageux conséquents, les 29 et 31 août, puis début septembre.”
Leur force et leur quantité ont ensuite provoqué des crues majeures sur certains cours d’eau qui ont débordé, entraînant, du fait du relief, le charriage de sédiments et de roches en très grandes quantités. Pour autant, le prévisionniste l’affirme : “il n’y a pas eu de vents pouvant provoquer ces éboulements ou l’arrachage de la végétation. Ce sont les pluies, puis les cours d’eau et leur courant particulièrement puissant qui ont provoqué l’arrachage des roches et des sédiments.”
Peut-on y voir une incidence du changement climatique ?
Ces précipitations “extrêmement” fortes sont particulièrement étudiées dans les champs de recherches sur les changements climatiques. “Depuis des années, les rapports du GIEC annoncent que des climats plus chauds vont entraîner des épisodes de fortes précipitations. Les changements climatiques renforcent ces phénomènes de quelques pourcentages d’intensité, et augmentent leur récurrence”, indique Aurélien Ribes.
Pour autant, si la récurrence est directement induite par les changements climatiques, le chercheur précise que ces phénomènes existaient déjà avant. “Les coulées de boue, les glissements de terrain sont aussi des risques inhérents au relief montagneux qui, avec de fortes précipitations, accroit le débit des rivières qui charrient beaucoup de sédiments, de pierres et de sable”, illustre Aurélien Ribes.
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“C’est déjà arrivé”, ajoute de son côté Olivier Cabanne. Pour le prévisionniste, ces phénomènes arrivent “tous les dix ans” dans les Pyrénées. “Après, sur la vallée d’Aspe précisément, ça fait peut-être 50 ans”, détaille-t-il.
Ces épisodes vont-ils se multiplier dans les prochaines années ?
Dans la vallée d’Aspe, de nombreux habitants évoquaient un phénomène inédit. S’il faut remonter plusieurs décennies à cet endroit, ces crues sont relativement récurrentes. “Si on prend un village donné, il ne faut pas s’attendre à ce que ce type d’événement arrive chaque année. Ces événements vont localement rester rares, mais le seront un petit peu moins”, indique Aurélien Ribes.
Pour le chercheur, les occurrences de ces phénomènes vont largement dépendre du réchauffement climatique lui-même. “Selon l’impact que l’activité humaine va avoir sur le changement climatique, ce dernier va plus ou moins renforcer ces pluies orageuses”, explique Aurélien Ribes.
Si de tels dégâts resteront relativement rares, les pluies torrentielles, elles, ont déjà augmenté la cadence. “On le constate dans n’importe quel milieu, en montagne comme en plaine. Il y a d’ailleurs différents marqueurs comme les inondations en Belgique en 2021 ou encore le Pas-de-Calais cet hiver”, indique Aurélien Ribes.