Lors du conseil municipal de Pau, le lundi 16 décembre, le nouveau Premier ministre a réaffirmé sa volonté de rester le maire de la Ville. François Bayrou a même défendu le cumul des mandats pour répondre à "la fracture" entre les "cercles de pouvoir" et les citoyens.
"Qu'est-ce que vous faites là monsieur Bayrou ? Vous n'êtes pas à votre place", tance l’élu d’opposition de la Gauche démocratique et sociale Tunday Cilgi. Deux jours après le passage dévastateur du cyclone Chido sur l'île de Mayotte, le bilan s’alourdit de jour en jour : des dégâts considérables et une vingtaine de morts, un chiffre encore imprécis, bien en deçà de la réalité des victimes.
Pourtant, en pleine crise humanitaire sur l'archipel, François Bayrou, tout juste nommé Premier ministre, a choisi d’être présent au conseil municipal de Pau ce lundi 16 décembre, où il exerce toujours en tant que maire. "C'est une faute politique, accuse l'opposition. Votre première mission, monsieur Bayrou et monsieur le Premier ministre, c'est de prendre l'avion, d'aller à Mayotte, ne serait-ce que de façon symbolique."
Réparer la fracture
Dans la salle de la mairie de Pau, soudainement placée sous les objectifs d'une dizaine de caméras de journalistes, François Bayrou reste inflexible. "Je ne le fais pas pour mes intérêts, car je renonce à mes indemnités. On peut être à la fois à Pau et à Paris, c'est ce que j'ai fait toute ma vie", martèle le chef du gouvernement. Si en 2014, le cumul d'une fonction de ministre avec un mandat parlementaire a été réglementé sous la présidence de François Hollande, aucun texte n'oblige à ce jour un Premier ministre de démissionner de son mandat de maire.
Si vous abandonnez les responsabilités de la base, vous vous trouvez isolé et oublieux car vous n'avez pas l'aiguillon des citoyens qui vous rappellent qu'ils existent, vous êtes devenu coupé.
François BayrouPremier ministre et maire de Pau
"Exercer deux mandats, ça veut dire quelque chose, avance François Bayrou. Je veux ouvrir ce débat. La vie quotidienne des Français était plus présente dans le débat à l'époque où les élus locaux pouvaient exercer des responsabilités nationales, c'était un système plus humain." Pour le Premier ministre, rester maire de la ville de Pau tout en étant à la tête du gouvernement permettrait de réparer une "fracture" entre "les concitoyens et les cercles de pouvoir".
Ouvrir le débat
François Bayrou restera donc maire de Pau. "Ils ont le sentiment qu'on ne les voit plus, qu'on ne les entend plus, c'est un des graves accidents auquel nous sommes confrontés, argue-t-il. Vous avez vu ce soir la vie d'un conseil municipal, c'est chaud, il y a des débats très importants qui concernent par exemple la création d'une maison amenant des médecins au centre-ville et c'est éclairant et humain."
Du côté de l’opposition locale, les avis divergent. Patrice Bartolomeo, ancien Gilet jaune rescapé de la liste citoyenne aux municipales en 2020, reconnaît la démarche du Premier ministre : "C’est un choix difficile, mais qu'il a fait en pleine conscience. J’ai vu le travail accompli par François Bayrou, et même si je suis dans l’opposition, je pense que le travail est intéressant, car c'est un travail de retour vers les gens, les citoyens."
En revanche, pour le reste de l'opposition, la décision de rester à la tête de la ville de Pau est une erreur. Lors du conseil municipal, plusieurs élus ont exhorté François Bayrou à "démissionner de l'un des deux mandats". "Je respecte l'aboutissement personnel. Mais je ne peux pas être d'accord, intervient l'écologiste Jean-François Blanco. Vous êtes Premier ministre, ce n'est pas compatible avec l'exercice des responsabilités de maire. Vous devez vous consacrer à temps plein à la France."
Les Palois et Paloises ont besoin d'un maire à 100 %. Il y a tant à faire avec la crise économique, les plans sociaux qui s'annoncent, le désordre climatique...
Jérôme Marbotélu socialiste à la mairie de Pau
Invité sur France 2, le patron des socialistes, Olivier Faure, a aussi taclé cette "obsession pour le cumul des mandats". "Aujourd'hui, la question est celle du pouvoir d'achat, de l'accès aux soins, de l'hôpital public, de l'école, a-t-il ajouté. Le Premier ministre s'égare quand il évoque ces sujets et je souhaite qu'il revienne aux considérations qui nous sont rappelées en permanence par nos concitoyens."
Un nouveau gouvernement cette semaine
Le Premier ministre va même encore plus loin et souhaite que les ministres de son futur gouvernement, qu'il souhaite composer "cette semaine", aient "un ancrage local". Ce mardi 17 décembre, François Bayrou devrait poursuivre ses consultations avec les différents partis d'opposition. Après l'extrême droite, le centre, les socialistes et la droite lundi, le nouveau Premier ministre reçoit les représentants des écologistes, du MoDem, d'Horizons, les indépendants de Liot, les communistes, et l'ex-LR Eric Ciotti désormais allié du RN.
Accusé de négliger la crise humanitaire à Mayotte, le Premier ministre a assuré vouloir se rendre sur place prochainement "sur le thème de la reconstruction". "On a reconstruit Notre-Dame en cinq ans, comment fait-on pour reconstruire une île qui a été rasée par un cyclone ? Nous avons voté à Pau une subvention, j'espère que les autres villes de France vont suivre."