Delphine Labails se met en retrait de sa fonction de maire de Périgueux, pour plusieurs mois. Dans un communiqué, elle désigne "les effets d’un épuisement professionnel conséquent, qui met en danger à la fois sa santé et son équilibre familial". Son opposition dénonce des dysfonctionnements importants dans sa façon de gérer la ville.
Elle se dit épuisée par le combat politique "qui, hélas, reste plus difficile et éprouvant quand on est une femme". Delphine Labails décrit les raisons de sa décision dans un communiqué "surprise" publié dans la soirée de vendredi 13 décembre. Ce n'est pas une démission, indique l'élue, mais un retrait de son mandat pour plusieurs mois.
"Je m'y suis épuisée"
La maire de Périgueux a décidé de se retirer "en conscience et en responsabilité" pour plusieurs mois. " Chaque jour, chaque heure, chaque seconde depuis 2020 a été employée à changer la vie des habitants et à faire de Périgueux une ville plus solidaire, plus attractive et plus écologique. À cette tâche, je m’y suis épuisée".
Aujourd’hui – sans crainte de le rendre public – je ressens les effets d’un épuisement professionnel conséquent, qui met en danger à la fois ma santé et mon équilibre familial.
Delphine Labails,Maire de Périgueux
Son entourage évoque un burn-out lié à plusieurs projets qu'elle mène depuis son élection en 2020. L'élue serait actuellement en arrêt maladie.
"Elle ne va pas très bien, indique son premier adjoint, Emeric Lavitola qui s'apprête à reprendre les rênes de la mairie. Être élue, c'est concilier toutes les difficultés personnelles et professionnelles. Elle est en épuisement et se consacre à sa santé et à ses proches."
Sa gouvernance centralisée mise en cause
"À titre personnel, je lui souhaite de reprendre pied." Antoine Audi n'est pas surpris par la décision de Delphine Labails. "Depuis des mois, les observateurs, collaborateurs et les personnes qui assistent aux événements publics, ont pu constater des signes de fatigue", affirme l'élu d'opposition, ancien maire, battu en 2020 par Delphine Labails.
Pour l'ancien maire de Périgueux, la tâche est "foisonnante, mais pas compliquée quand on a une expérience de management et que l'on sait déléguer".
Ce qui transpire, c'est que Delphine Labails ne déléguait pas beaucoup et qu'elle s'intéressait à tous les détails.
Antoine Audi,Ancien maire de Périgueux et élu d'opposition
"Elle parle aussi de combat dans son communiqué, mais gérer une ville ce n'est pas un combat : on est dans la construction justement. Elle s'est effectivement épuisée. Elle a été une opposante âpre entre 2014 et 2020, toujours dans le combat", se souvient Antoine Audi.
"C'est toujours en tension avec elle"
Sur cette question de gouvernance très centralisée, François Carême, ancien adjoint EELV, abonde. C’est à cause de cela qu'il a démissionné au printemps dernier. "Delphine Labails ne sait pas déléguer. J’étais mal à l'aise, elle ne me faisait pas confiance, je n'avais aucune autonomie en tant qu'adjoint. Elle ne sait pas gérer les relations humaines, c'est toujours en tensions et c'est de notoriété publique." L'élu démissionnaire s'étonne que "son entourage n'ait pas réagi avant".
François Carême annonce qu'il assistera au prochain conseil municipal. "Son retrait est-il provisoire ou définitif ?" Une question que l'ancien adjoint ne manquera pas de poser à l'équipe de la majorité qui récupère une situation explosive.
Elle a été poussée au retrait, selon les rumeurs de gens bien placés.
François Carême,ancien adjoint EELV à la ville de Périgueux
Un audit défavorable tenu secret
Delphine Labails s'est-elle retirée d'elle-même ou bien a-t-elle été poussée par son équipe ? L'élu d'opposition s'interroge ouvertement en précisant que le taux d'absentéisme est très important à la mairie. "Il y a eu trois directeurs généraux des services techniques en quatre ans, cela interroge un peu effectivement. Delphine Labails est quelqu'un qui est dans l'émotion."
De son côté, Antoine Audi évoque par ailleurs le résultat d'un audit organisationnel que Delphine Labails aurait eu entre les mains, il y a une dizaine de jours. "80 salariés, sur les 600 temps pleins que compte la ville, ont été interrogés sur les conditions de travail. Cet audit pointe du doigt, apparemment, sa gouvernance", avance Antoine Audi tout en reconnaissant ne pas avoir lu le document. "Personne n'était au courant, cela n'a jamais été évoqué en conseil municipal alors que cet audit effectué par le cabinet Synopsis RH a coûté 40 000 euros aux contribuables !"
Antoine Audi participera au prochain conseil municipal mercredi 18 décembre et entend bien demander à voir le rapport soi-disant accablant.
Une pression importante sur le personnel
Michel Cadet, élu d'opposition de droite et vice-président aux finances de la ville dénonce également la situation. "En tant que médecin généraliste, je compatis par rapport à sa souffrance. J'ai beaucoup d'empathie pour elle. C'est un job difficile. Le seul reproche : elle a beaucoup concentré sur elle une charge très importante. Elle ne délègue pas", regrette, lui aussi, l'élu d'opposition qui s'inquiète aussi de l'impact de sa gestion sur les personnels de la ville.
"Les retentissements sont énormes sur le personnel. Cette année, il y a 37 jours d'arrêt maladie par agent sur une année, contre 23 jours quand elle est arrivée. La pression est importante. Et il y a 6 000 jours d'arrêt longue durée. Et sur un arrêt de travail longue durée, la part du burn-out est importante. L'audit réalisé sur les conditions de travail est très défavorable. Nous réclamons ce rapport !"
Une situation financière "hors de contrôle"
Autre élément qui a pu jouer dans sa mise en retrait : la gestion "hors de contrôle" des finances de la ville. "J'ai alerté depuis plusieurs mois sur le budget de Périgueux", assure Michel Cadet. L'élu détaille les comptes de la ville : "le budget est de 80 millions d'euros, les investissements entre 8 et 12 millions et les emprunts entre 0 et 4 millions selon les années. Mais en 2024, les investissements passent à 27 millions et les emprunts sont de 15 millions ", s'inquiète-t-il.
Les budgets de Périgueux explosent. La durée pour rembourser notre endettement est passé de six à douze ans. Périgueux est à deux doigts d'être mise sous tutelle !
Michel Cadet,élu d'opposition à Périgueux
Selon lui, la maire Delphine Labails et ses adjoints n'ont jamais vraiment communiqué les coûts de plusieurs gros chantiers comme celui du stade, de l'école André-Boissière ou encore de la future salle de musiques amplifiées. " Les travaux ont été mal évalués. C'est opaque, commente-t-il. Il y a un gros problème de maîtrise des dépenses publiques et une sorte de fuite en avant de la maire".
"Opportunisme politique"
Une situation financière que Michel Cadet a portée à la connaissance de la chambre régionale des comptes et du préfet en septembre dernier. "On va dans le mur, conclut-il. Pour moi, ses adjoints sont aussi tous responsables de la situation financière municipale, ils ne pouvaient pas ne pas savoir."
Je trouve globalement certains propos et positions insupportables, c'est indigne au regard de l'engagement global et nécessaire des élus.
Émeric Lavitolapremier adjoint à la mairie de Périgueux
Le premier adjoint, Émeric Lavitola, a promis de répondre aux questions lors du prochain conseil municipal mercredi 18 décembre. "Il y a un certain nombre de dossiers que j'ai pu observer, je crois qu'avec l'ensemble des élus de la majorité, on est en capacité de poursuivre l'œuvre accomplie d'ici 2026", assure-t-il. Toutefois, l'adjoint dénonce "l'opportunisme" de l'opposition. "Vous avez une maire qui se met en retrait, est-ce que c'est le temps de faire un procès ? Je ne pense pas", rétorque-t-il, critiquant "les ambitieux qui manquent d'humanité".