Pays basque : "la victoire des nationalistes n'est pas seulement électorale. C'est une victoire des idées"

À Ciboure, Urrugne ou encore Biriatou, le vote nationaliste pour des listes de la gauche abertzale a connu une forte progression lors des élections municipales. Le résultat d'un travail de fond sur plusieurs années, et d'une stratégie de rassemblement particulièrement efficace. 

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Il a 32 ans, et vient de remporter l'élection municipale de Ciboure au Pays basque. Eneko Aldanat-Douat est désormais le nouveau maire de Ciboure, commune de 6 400 habitants jouxtant Saint-Jean de Luz.
Mais la tête de liste " Ziburu Bizi "est aussi le nouveau visage d'un mouvement qui ne cesse de prendre de l'ampleur au Pays Basque : le vote nationaliste. Comme Ciboure, les communes de d'Urrugne, Ustaritz, ou Itxassou ont porté à leur tête des listes représentant la gauche abertzale.
 

Une percée remarquée

Au premier tour, Saint-Pierre d'Irube, Biriatou à la frontière espagnole, ou encore Baïgorry avaient déjà opté pour ce choix. Partout sur le territoire, des listes de sensibilité abertzale ont obtenu des scores plus qu'honorables. 
Une tendance qui n'a rien de surprenant, estime Eguzki Urteaga, professeur de sociologie à l’Université du Pays Basque, et auteur de L'essor du vote nationaliste basque, publié aux éditions L'Harmattan.
"Ces résultats sont cohérents avec l'évolution du vote nationaliste basque ces quinze dernières années, estime le chercheur. On a pu le voir déjà en 2014, avec des communes comme Ustaritz qui, déjà à l'époque, avaient voté pour un maire nationaliste".
Bruno Carrère, maire sortant et tête de liste Ustaritz Bai, a été largement réélu au deuxième tour de l'élection municipale ce dimanche 28 juin dans la commune de 6 800 habitants.
 

"Malgré la faible participation le vote nationaliste a progressé au Pays basque en pourcentage, mais également en nombre de voix, précise Eguzki Urteaga, qui estime que l'abstention a joué en la faveur des abertzale : une plus forte participation aurait sans doute été le synonyme d'une mobilisation des non nationalistes".

Diffusion des idées

Comment expliquer ce succès ? Selon le sociologue, la progression de ce vote est la résultante d'un travail sur du très long terme. 

Depuis les années soixante, les nationalistes ont toujours été très présents et actifs dans les entreprises, les syndicats, les associations…
Progressivement, leurs revendications se sont étendues à l'ensemble de la société basque et à la classe politique locale.

Eguzki Urteaga, sociologue

La question basque au centre des débats

Le résultat : soixante ans plus tard, les idées et thématiques des abertzale régissent les agendas politiques. Et l'appui des nationalistes devient indispensable à quiconque souhaite être élu localement. 
Soutien à la langue basque, défense de la culture, mise en place d'un processus de paix, création de la communauté de communes du Pays basque en 2017… , autant de thématiques qui ne font plus polémique. "C'est plus qu'une victoire électorale, c'est une victoire des idées", abonde Eguzki Urteaga.

Des listes ouvertes, "qui brassent large"

Si le phénomène a d'abord concerné le Pays basque intérieur et rural, il s'étend désormais. Ainsi Urrugne , près de 10 000 habitants, a voté ce dimanche pour la liste de Philippe Aramendi. Une liste rassemblant écologistes et abertzale, une association devenue des plus communes. 
"La majorité de ces listes présentent une tête de liste nationaliste, et un socle élargi, allant de la gauche à l'extrême gauche. Ecologie, Insoumis, socialistes… la plupart des listes sont ouvertes, diversifiées et brassent large", explique Eguzki Urteaga. 
 

Leur volonté est de dépasser les thématiques propres aux nationalistes. Leur offre ne se résume pas aux questions identitaires, de la langue basque, ou de la culture. Il y a tout un travail qui a été fait sur des thématiques essentielles : l'environnement, l'économie, la mobilité, l'urbanisme…

Les nationalistes proposent une offre globale qui vise à répondre aux préoccupations des électeurs basques. C'est ce qui explique leur succès.

Eguzki Urteaga, sociologue

 

Le BAB ne prend pas


Seul le BAB, les communes de Bayonne-Anglet et Biarritz semblent encore résister à l'appel nationaliste. À Biarritz, la liste "Euskal Herrian, Vert et solidaire" (Euskal Herria Bai, Europe Écologie Les Verts et les Insoumis), s'est alliée avec Guillaume Barucq. Avec ses 26,3%, elle est arrivée bien loin derrière la candidate LR Maïder Arosteguy (50,2% des suffrages)
À Anglet, c'est l'élu de droite Claude Olive qui s'est imposé dès le premier tour. Il n'avait pas d'adversaire abertzale face à lui.

Aucune alliance non plus à Bayonne avec le candidat socialiste Henri Etcheto, à qui les détracteurs reprochent un manque d'engagement sur la question de la culture et de la langue basque. Et c'est sur son adversaire centriste, le maire sortant Jean-René Etchegaray, que se sont reportées une partie des voix nationalistes : Jean René Etchegaray a été réélu le 28 juin avec près de 54% des voix. 

"Première force de gauche"

Quels enseignements tirer de ces élections municipales ? Pour Eguzki Urteaga, cet engouement n'a rien de passager. 
" Les idées nationalistes sont désormais diffusées dans la société, et le vote va s'implanter durablement. Ce vote progresse lentement, mais sûrement. 
Historiquement, le Pays basque est dominé par le centre droit. Désormais, les partis nationalistes se substituent au PS et deviennent la première force de gauche".



 
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