C'est la première attaque en France d'une ourse lâchée en octobre. Les services de l'Etat confirment son implication. Les éleveurs de brebis du secteur de Larrau se disent inquiets pour les estives dans quelques semaines. Le ministre de l'Agriculture les soutient.
Une brebis a été retrouvée morte cette semaine par un éleveur dans les Pyrénées-Atlantiques. Elle serait vraisemblablement la première victime en France de l'ourse slovène Claverina, introduite en octobre dans les Pyrénées françaises.
Les services de l'Etat sont catégoriques. Le ministre de l'agriculture, en déplacement à Pau, a appelé toutes les parties - pour et contre la réintroduction de l'ours dans les Pyrénées - à se parler, tout en exprimant clairement son choix : Didier Guillaume a assuré les éleveurs de son soutien.
Entre le prédateur et l'éleveur, je choisis l'éleveur, toujours. Et c'est dans cette direction qu'il faut travailler. L'éleveur c'est aussi l'avenir de notre biodiversité et de notre alimentation.
Les éleveurs "très inquiets"
Les éleveurs de Larrau, en Haute-Soule, se posent des questions. L'éleveur concerné Jean-Marc Bengochea, est aussi le maire de Larrau. " Des questions vont se poser pendant la saison d'été. Au-delà de la prédation de l'ours, ce sera les dérochements. Comment on va trouver les cadavres ? Comment on va être indemnisés ou pas du tout ? On ne sait pas.
Les mesures de protection ne seront pas adaptables à ce qui se fait en Béarn ou en Ariège. Vu que les troupeaux sont beaucoup plus importants. Sur les 3000 hectares de la commune de Larrau, on a déjà 14 000 brebis !
" Combien de brebis tuées par des chiens ? "
Ce n'est pas l'avis de Gérard Caussimont du FIEP ( Association de protection des ours et pour la cohabitation avec le berger. ) Dans les trois vallées béarnaises, il totalise 80 000 brebis. Inquiet de ce dénigrement permanent autour de l'ours, Gérard Caussimont fait le constat :
Combien de brebis tuées par des chiens ? Là, on a un dommage causé par l'ourse en six mois, depuis son introduction. Cela concerne un animal non gardé de moyenne montagne.
De plus, " A cette époque de l'année, les animaux sortent du sommeil hivernal. Ils ont vécu sur leurs réserves et peuvent ressentir le besoin de protéine. L'occasion a dû se présenter de bêtes à la portée de l'ours. "
Gérard Caussimont comprend l'inquiétude légitime. " Mais de là à en faire des affaires d'Etat, c'est scandaleux." " Ces trois dernières années, il n'y a pas eu de dommages sur les troupeaux, alors qu'on a deux ours mâles présents sur le territoire ( avant le lâcher des femmes en octobre NDLR ). " On ne parle jamais dans les médias des nombreuses attaques de chiens aux troupeaux, ni de la mortalité de 2 à 3% du cheptel en montagne pour chutes, pierres, maladies, etc. On ne parle pas non plus des dommages de centaines de milliers d’euros aux cultures par sangliers et cerfs payés par les fédérations de chasse."
Gérard Caussimont avance des solutions.
" Dans cette partie béarnaise, la tradition c'est d'avoir des chiens patous. Il y a des aides pour permettre aux éleveurs d'acquérir un chien patou et des aides pour les nourrir. Il y aussi des aides pour salarier un berger l'été. "
Des indices mis en avant par la préfecture
Des "traces de morsures (ont été) relevées" sur cette brebis morte découverte par un éleveur à Larrau dans les Pyrénées-Atlantiques alors que "les localisations GPS transmises par le collier émetteur de Claverina l'ont signalée dans la nuit du 29 avril au 30 avril à proximité immédiate" du lieu où la bête morte a été trouvée, explique la Préfecture des Pyrénées-Atlantiques dans un communiqué.
La sous-préfecture d'Oloron-Sainte-Marie a confirmé vendredi l’implication de l’ourse Claverina dans l’attaque d’une brebis à Larrau, dans la nuit de lundi à mardi. Certains indices valident cette hypothèse comme le diamètre des crocs, les hématomes sur le cadavre, et la localisation GPS de l'ourse Claverina.
Le sous-préet, Christophe Pécate, propose l'envoi de SMS pour prévenir de la géolocation des ourses et ainsi prévenir les éleveurs.
René Garat et Rémi Poissonnier ont rencontré l'éleveur et le sous préfet ce vendredi ►
Claverina sous surveillance
Claverina avait attaqué une brebis dans les Pyrénées espagnoles en novembre, selon le gouvernement régional de Navarre. Depuis son lâcher en Béarn (France) en octobre, elle a passé le plus clair de son temps de l'autre côté de la frontière, dans les provinces espagnoles d'Aragon -où elle a hiberné- et de Navarre.
Elle est revenue en France depuis le 19 avril, dans le cadre de "déplacements larges de découverte du territoire" qui montrent qu'elle "ne semble toujours pas fixée sur une zone particulière", selon la préfecture des Pyrénées-Atlantiques.
Sauvegarder l'espèce
Claverina et Sorita, un autre plantigrade slovène, ont été introduites en octobre dans les Pyrénées-Atlantiques afin de sauvegarder l'espèce, au grand dam d'éleveurs d'ovins locaux opposés à leur présence.Sorita a récemment donné naissance à deux oursons avec lesquels elle est sortie de son hibernation, dans les Hautes-Pyrénées.
Quarante ours bruns ont été décomptés dans les Pyrénées en 2018 mais ce chiffre peut être sous-évalué, selon le ministère de la Transition écologique.
Pour en savoir plus sur le bilan démographique de l'ours en 2018 dans les Pyrénées, voici le rapport de l'office national de la chasse et de la faune sauvage qui y est consacré ►