Il y a vingt-huit ans, le Béarnais fait pleurer la France du cyclisme. Au bout d'un incroyable effort solitaire, Gibus remporte la course d'une vie dans l'enfer du nord.
Il a grandi au pied de ses Pyrénées natales en s'imaginant à la place des champions qui ont tant fait pour la légende du Tour de France. Pourtant la sienne, le gamin de Lembeye l'a écrite à l'autre bout du pays, dans l'enfer du nord.
Paris-Roubaix, la boue, la souffrance, les pavés, là où on voit la différence entre les gamins et les hommes. "Dans cette course, il n'y a pas de place pour la peur" dit-il souvent.
Paris-Roubaix, l'amoureux transi
267 kilomètres d'enfer, à tenter de contrôler le vélo secoué dans tous les sens, à fendre la foule qui se presse au bord de la fameuse longue ligne droite de la trouée d'Arenberg avec ses pavés qui vous sautent à la gueule. Il faut être un peu maso pour aimer ça. Alors il doit l'être. Car son amour de toujours se refuse à lui.
En ce 12 avril 1992, c'est la quatorzième fois qu'il tente sa chance, depuis 1978.
A plusieurs reprises, le coureur béarnais s'est classé dans les dix premiers : 2ème, 4ème, 7ème, 8ème. Mais il lui a toujours manqué un petit quelque chose pour franchir la ligne au vélodrome de Roubaix le premier.
Le doyen du peloton à l'attaque
Le papi de la troupe a encore des cannes. Avec son mental, son expérience et son tempérament de feu, Gibus sent que c'est son jour. Cette quatre-vingt-dixième édition est pour lui. Il est prêt physiquement et mentalement, après avoir couru le Tour des Flandres et celui du Pays Basque. Duclos se sent pousser des ailes et il a soif de conquête.
Avec l'aide du triple vainqueur du Tour de France
Avant la course, il met au point sa stratégie avec le directeur de son équipe Z. Et tout se déroule comme prévu. Le papi du peloton bénéficie du renvoi d'ascenseur d'un certain Greg Lemond. L'américain n'a pas oublié que deux ans plus tôt lors de l'étape Tarbes-Pau du Tour de France, le Béarnais fait demi-tour pour aller chercher son coéquipier en grande difficulté et dans sa roue, le futur vainqueur de la Grande Boucle revient sur les favoris. Sans cet acte héroïque de Gibus, il n'aurait probablement pas gagné le Tour en 1990.
Alors lors de ce Paris-Roubaix, Greg Lemond a l'occasion unique de renvoyer l'ascenseur. Il surveille tous les favoris de la course et évite les échappées.
46 kilomètres pour l'éternité
A moins de cinquante kilomètres de l'arrivée, lorsque Gilbert Duclos-Lassalle, personne ne le rattrapera. Pourtant, c'est dur, terrible même pour les jambes après déjà plus de deux cents kilomètres de course. Mais le papi du peloton, porté par une foule incandescente vole. Derrière, l'allemand Ludwig ne peut pas revenir.
Lors du dernier kilomètre, il peut savourer.
Le public du vélodrome est debout. Le gamin de Lembeye franchit la ligne d'arrivée en tête. Cette fois-ci, c'est fait, il a enfin gagné Paris-Roubaix.
A peine descendu de vélo, il tombe dans les bras de sa femme Maïté.
Il peut savourer sa magnifique performance :
"C'est l'apothéose. C'est la plus grande course d'un jour. Quand on gagne ici, on marque le monde du cyclisme"
Rebelote l'année suivante
Un an plus tard, on prend le même et on recommence.
Paris-Roubaix se donne une deuxième fois à lui. Mais le scénario est complètement différent. Après la victoire en solitaire, c'est au sprint et pour huit centimètres qu'il s'impose pour la deuxième et dernière fois dans l'enfer du nord.
Porté par l'élan de 1992.