Trois femmes et cinq hommes devraient s'affronter lors du scrutin des régionales, fin juin. Qui sont-celles et ceux qui briguent la plus vaste région de France ? Pour quelles priorités s'ils accédent au pouvoir ?
C'est une élection inédite à plus d'un titre pour piloter le plus grand territoire du pays et ses nombreux atouts. Transports, entreprises de pointe, tourisme, éducation, patrimoine naturel, littoral, la Nouvelle-Aquitaine affiche une grande richesse. C'est la première région agricole et forestière de France, la première destination pour les touristes français. Elle s'appuie sur un potentiel littoral exceptionnel, c'est le premier bassin ostréicole de France.
C'est enfin la région française (hors Ile-de-France) en pôle position pour l’investissement en recherche et innovation. Elle revendique des filières d’excellence : aéronautique, numérique, matériaux avancés, croissance bleue, bois et industrie papetière, agroalimentaire et agriculture, chimie verte et éco-procédés, photonique, santé, tourisme, silver économie, cuir, luxe, textile et métiers d’art.
De beaux atouts pour la région Nouvelle-Aquitaine dont le pilotage est aujourd'hui disputé par huit listes présentes dans cette campagne.
Le président Alain Rousset repart pour un cinquième mandat
Le Président sortant, le socialiste Alain Rousset, est à la tête d'une liste composée de socialistes, communistes et radicaux de gauche. Depuis 2015, c'est donc à lui et son équipe qu'est revenue la mission de réunir les trois anciennes entités : Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes. Il n'a eu de cesse de parcourir cette nouvelle région administrative durant ces six dernières années.
A 70 ans, Alain Rousset affiche un parcours politique ancré à gauche, au parti socialiste. Il a été député de la Gironde, maire de Pessac, importante commune de l'agglomération bordelaise. Il a été le patron de l'association des Régions de France. Il est un fervent défenseur du tissu industriel, tourné vers les technologies et la recherche. Il connaît bien le monde de l'entreprise pour y avoir travaillé.
Lors de son élection de 2015, il a fait équipe avec les écologistes pour emporter la région. Par la suite, les rapports se sont tendus au fil des désaccords sur certains dossiers comme la création des bassines, ces réserves d'eau pour l'agriculture ou encore sur la création de la Ligne à Grande Vitesse.
Dans sa lettre de candidature, le président candidat à sa succession livre ses priorités ainsi résumées.
La transition écologique est une chance pour notre économie, notre industrie, notre agriculture, j’en ai l’intime conviction. La Région continuera à tout mettre en œuvre pour faciliter la transition et le développement des entreprises et de l’agriculture, pourvoyeuses d’emplois et de vie : infrastructures, moyens de transport, recherche, formation… L’attractivité d’un territoire, ce sont ses paysages, ses forêts, ses rivières, ses services publics, son dynamisme culturel et artistique mais aussi la façon dont on anticipe l’innovation. Cette passion du changement, ces transformations qui portent du sens, notre société les demande et les attend.
Le Rassemblement National et une tête d'affiche renouvelée
Lors de notre sondage France3/ France Bleu réalisé début mai, le Rassemblement National se situe en deuxième position des intentions de vote des électeurs néo-aquitains. Il prend ainsi la place de la droite si l'on se réfère au dernier scrutin de 2015. Pour autant, il est au même niveau, 24%.
La liste est portée par Edwige Diaz, jeune Girondine de 33 ans. Son territoire d'origine est le sud-Gironde, en l'occurrence Salles où elle a monté une entreprise.
Lors des municipales, elle a tenté une implantation dans le nord de la Gironde à Saint-Savin mais n'a pas réussi son pari. Elle incarne, tout comme son collègue et tête de liste du Lot-et-Garonne Sébastien Delbosq, la génération montante du Rassemblement National. Même les réseaux sociaux.
Elle sillonne depuis des semaines les territoires pour porter le discours propre au parti de Marine Le Pen. Elle fait "le lien entre immigration massive et insécurité" comme on peut le lire sur sa page Facebook.
Elle développe aussi lors de ses déplacements le discours sur la ruralité
Le localisme - produire, consommer, embaucher et recycler local - est la clé de voûte du soutien à la ruralité.
La jeune femme est déjà conseillère régionale depuis 2015. A plusieurs reprises, elle s'est exprimée pour la défense des agriculteurs, la lutte contre les éoliennes et l'application de la préférence nationale. Ainsi, sa liste s'est-elle rapprochée du Centre National des Indépendants et des Paysans qui défend ces mêmes valeurs. Comme Edwige Diaz l'avait prôné lors de sa campagne des municipales dans le Nord-Gironde, elle vise le "désenclavement des milieux ruraux par une amélioration du réseau routier.»
Une ministre à la conquête de la région pour la majorité présidentielle
La Landaise Geneviève Darrieussecq porte ses habituelles couleurs centristes du Modem et représente ainsi une liste incarnant la majorité présidentielle. Elle argumente cette participation à la bataille des Régionales par "un attachement charnel à cette région." La ministre et ses colistiers proposent un nouveau cap et de tourner la page des années passées à gauche pour la région. Elle a un espoir pour y arriver " Nous sommes la seule offre politique dans cette élection qui peut parler de rassemblement". Elle revendique au sein de sa "Team Darrieussecq", un panel allant "de la gauche progressiste jusqu'à la droite constructive. "
La sexagénaire, médecin de profession, fait partie du gouvernement depuis 2017. Son titre actuel : Ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants. Ancienne maire de Mont-de-Marsan, elle connaît les dossiers militaires. La préfecture landaise accueille un important contingent de militaires au sein de la Base aérienne 118, premier employeur de la ville
Parce que la Région a des leviers puissants mais mal connus, pour améliorer notre quotidien (emploi, transports, lycées, formation professionnelle, universités etc.) mais que son fonctionnement actuel est trop centralisé et trop décalé avec la réalité des territoires.
Elle affiche ses priorités au fil des déplacements de la candidate "l'emploi, la formation pour les jeunes néo-aquitains et l'innovation." Sa carrière d'élue a commencé en 2004 dans l'enceinte du conseil régional, déjà à l'époque présidé par Alain Rousset. Les deux personnalités politiques se connaissent donc bien.
Les Républicains revendique les valeurs de la droite et du centre
Nicolas Florian a bien réfléchi avant de s'engager comme tête de liste pour représenter la droite et son parti Les Républicains. Il a finalement dit oui. Il a dû d'abord se remettre de son échec aux municipales de Bordeaux en juin 2020. Il n'a réussi à conserver le fauteuil détenu par Alain Juppé durant 25 ans. La vague verte a emporté ses espoirs. Bordeaux et Poitiers en Nouvelle-Aquitaine, sont toutes deux dirigées par des équipes écologistes.
La priorité du mandat est l'aménagement à l'échelle du territoire Nouvelle-Aquitaine.
Sa devise : Accompagner-Protéger-Orienter. Nicolas Florian et ses colistiers s'engagent sur un maillage pour les déplacements professionnels, pour l'accès à la culture, l'accès à la santé. Pour ce faire, ils entendent développer les réseaux routiers et ferroviaires. "amener à passer d'un TER à un RER qui maille l'ensemble du territoire." argumente-il. Il vise "la qualité des produits savoir faire et relation humaines".
Il revendique les "valeurs de la droite et du centre" c'est-à-dire pour l'ancien maire de Bordeaux la responsabilité, la liberté et la protection qui passent par la sécurité et la santé.
Il s'appuie sur des personnalités issues des Républicains et à la tête de collectivités importantes de la région comme la maire de Biarritz Maider Arostéguy ou encore Yves Foulon à Arcachon, mais aussi Pascal Coste, président du Département de la Corrèze.
Mais la bataille version 2021 est rude car le dernier sondage réalisé par France3/France Bleu place la liste en quatrième position. Et ça ne fait pas de bien au moral quand on rappelle que la chef de file de la droite en 2015, Virginie Calmels, était arrivée deuxième. Mais ça, c'était avant la présence de l'actuelle majorité présidentielle dans la campagne des Régionales.
Les écologistes battent la campagne depuis des mois
A leur tête, le Girondin Nicolas Thierry, EELV et actuel vice-président à la Région. Il suit de près les questions de biodiversité. Originaire de l'Entre-deux-Mers, il confie que "C’est ici, sur ces terres rurales que j’ai forgé mon rapport au vivant."
Il a rejoint le mouvement écologiste dans les années 2000.
Il est le premier à être entré dans la course aux régionales, à la mi-octobre 2020. Les écologistes, à la lumière des résultats des élections municipales, ont senti un mouvement dans la société. Notamment dans les grandes villes. Lyon, Strasbourg, Tours, Poitiers et bien sûr Bordeaux sont devenues des villes écologistes en juin 2020. Un vote donc très urbain. Pourquoi pas la région qui a vu ses deux plus grandes villes se mettre au vert ?
Pour se faire, les écologistes doivent se démarquer de leur partenaire de ces six dernières années : Alain Rousset et ses élus. Il a donc fallu mettre en exergue les sujets qui fâchent comme la promotion des bassines, les fameuses réserves d'eau revendiquées par une partie des agriculteurs. Les Verts globalement font part de leur impatience à voir la région passer à la vitesse supérieure sur les priorités écologistes.
Il y a urgence à transformer notre région pour tirer les leçons de la crise. Relocaliser nos services publics, notre alimentation, favoriser le transport du quotidien, soutenir les emplois et la formation d’avenir.
Portés par les municipales, les écologistes ont affiché une certaine déception lors des résultats des intentions de vote du sondage le plus récent. Ils sont crédités de 10 % des voix. Avec une marge d'erreur possible. Donc peut-être en capacité ou pas de se maintenir. Mais quel choix feront-ils alors que le RN talonne la liste d'Alain Rousset pour le premier tour, toujours selon le sondage France 3/ France Bleu.
Une première pour la France Insoumise
C'est forcément une première pour le parti de Jean-Luc Mélenchon. En Nouvelle-Aquitaine, la tête de liste est Clémence Guetté, issue de la Vienne. C'est la moins connue de toutes les têtes de liste, d'après notre sondage de début mai. Elle est appuyée dans cette campagne inédite par Loïc Prud’homme par ailleurs député de Gironde, dans le secteur de Bègles, agglomération bordelaise. Le seul député élu dans l'ouest de la France. Le parti de Jean-Luc Mélenchon espère donc beaucoup de ce secteur. Le programme de ses partisans est affiché sur leur site.
S’engager au maintien et à la création d’emplois en refusant l’utilisation d’argent public sans contreparties des entreprises. Employer les moyens de la Région pour rétablir les services publics dans les territoires ruraux, notamment un service de transport ferroviaire répondant aux enjeux d’aménagement du territoire et de transition écologique. Assurer un accès inconditionnel à la santé et l’éducation, partout dans la Région.
Ils se positionnent clairement comme opposants à la politique conduite ces dernières années par Alain Rousset. Ces colistiers s'engagent. "Ces objectifs se traduisent concrètement par une stratégie politique de liste commune, construite pour diriger la Région, qui s’engage à ne faire aucun accord politicien avec la liste PS du libéral Macron-compatible Alain Rousset".
Dans le dernier sondage, ils sont crédités de 5 % des intentions de vote.
La ruralité en mouvement avec le conseiller régional Eddie Puyjalon
Eddie Puyjalon n'est pas inconnu de l'hémicycle régional même si sa popularité est très faible d'après le dernier sondage Ipsos. Alors pour gagner en écho médiatique, il revendique dès qu'il le peut durant cette campagne le soutien de Jean Lassalle et son mouvement Résistons ! Pour preuve, la tête de liste départementale dans les Pyrénées-Atlantiques n'est autre que le frère du député béarnais.
Eddie Puyjalon siège actuellement à la tête du groupe politique "Le mouvement de la ruralité". Il est issu des rangs de "Chasse pêche nature et tradition", CPNT. Il s'oppose clairement à la politique régionale menée par l'équipe du patron socialiste Alain Rousset, et ses alliés écologistes, cibles de toutes ses critiques.
Comme le nom de sa liste l'indique clairement pour le cru 2021, il se revendique du monde de la ruralité et s'engage à le défendre. Il partage les valeurs des agriculteurs, sylviculteurs, éleveurs qu'il met volontiers en avant.
Le milieu rural a besoin de retrouver tout son sens avec une agriculture avec un élevage, avec des territoires qui ne sont pas envahis par des éoliennes inadaptées et des panneaux photovoltaïques sur les plus beaux lacs landais, girondins de la Nouvelle-Aquitaine.
Il déplore "le dogmatisme des écologistes" comme sur le dossier de la gestion de l'eau pour une partie du monde agricole conventionnel. Sa liste recueille 2 % des intentions de vote lors de notre sondage France 3 / France Bleu, daté de début mai.
Lutte Ouvrière toujours dans la course
Elle est conduite par Guillaume Perchet, 50 ans, électronicien à Mérignac, en Gironde. Il est militant de Lutte ouvrière depuis le début des années 90. Fidèle aux idées de Lutte Ouvrière, il oppose les entreprises aux travailleurs. Il a pour cheval de bataille" L’incurie d’un gouvernement, la faillite d’un système". Il reconnaît que les problèmes qui traversent la société ne sont pas d'ordres régionaux mais relèvent d'une organisation à l'échelle d'un pays, voire plus sûrement à l'échelle du monde. Pour autant, il voit des accroches régionales.
" Dans la région, l’aéronautique regroupe des dizaines de milliers de travailleurs. Eh bien, pour le patronat de ce secteur, pas question de voir ses profits amputés même en temps de crise. Il mène la guerre aux travailleurs pour la leur faire payer. Selon l’INSEE, plus de 2500 emplois ont disparu en Nouvelle-Aquitaine en un an dans la sous-traitance. Airbus et Dassault, les principaux donneurs d’ordres, dont les actionnaires ont accumulé des fortunes pendant des années, se servent de la crise pour réorganiser leur filière aux dépens des travailleurs. Ils ont reçu des milliards d’aides de l’État. Et le Conseil régional a fait la seule chose qu’il sait faire, il en a rajouté des millions. Mais pour des milliers de travailleurs, c’est le chômage.
Le ton est donné. La liste est créditée de 1% des intentions de vote selon notre sondage réalisé début mai.