La crise sanitaire et le confinement ont provoqué des annulations en cascade. Avec le déconfinement, est-ce que, à un mois des vacances scolaires, les gîtes, campings et hôtels vont parvenir à sauver leur saison dans notre région ? Enquête.
« J'ai à nouveau le sourire », confie Laurent Falcon propriétaire d'un gîte à Lavaud à la limite de la Creuse. Ici, l'annonce du déconfinement est une bénédiction, car les clients appellent à nouveau. « Pour le moment, j'ai ma saison qui est complète», se satisfait-il. Son gîte se trouve à l'entrée du village d'où l'on aperçoit les Monts d'Ambazac. Nous sommes dans une ancienne ferme limousine réaménagée sur un terrain de 600 m2, et estampillée Gîte de France. Le propriétaire redouble d'efforts de communication pour faire revenir ses clients. « Juin est calme, mais il y a la période du 4 juillet au 15 septembre qui est réservée. Ça s'est bien rempli depuis la semaine dernière. C'est la première année qu'il y a autant de réservations par des touristes. Jusque-là la clientèle pour la période de septembre c'était des entreprises. Mais cette année, c'est essentiellement des touristes. » Cette maison semi-indépendante est en mesure d’accueillir jusqu'à huit personnes, avec piscine chauffée. « On a à nouveau le sourire, car on a anticipé. J'ai communiqué sur le fait que mon gîte est désinfecté régulièrement en suivant les recommandations des Gîtes de France et du gouvernement. C'est ventilé pendant 10 à 12 heures, tout en faisant le ménage régulièrement, et en désinfectant le mobilier de la piscine. Ça rassure les clients, ils sont prévenus en amont. » L'homme est intarissable sur les qualités de son gîte et on le comprend. Car les temps sont durs pour tout le monde.
Une embellie qui n'est pas pour tout le monde
Au camping de la Lande situé à Nexon, « tout n'est pas loué en juin, parce que les gens sont encore assommés par la crise sanitaire », se désole Pierre Nicolaï, responsable du camping. Son camping compte quarante-cinq emplacements pour camping-cars, tentes, ou caravanes et quinze chalets locatifs. Pour l'instant il n'y en a qu'un de loué, et « nous n'avons aucune certitude pour le mois de juillet, mais ce qui est rassurant, c'est qu'il y a beaucoup d'appels. Les gens s'interrogent sur la question de savoir s'ils peuvent prendre des congés ou pas. Juin pour nous sera très compliqué». Pour l'instant, au camping de la Lande, « nous avons juste un couple de retraités arrivés dimanche pour voir leurs petits enfants à Limoges ». Bien maigre pour envisager l'avenir. Néanmoins, « On est une région où le tourisme vert a le vent en poupe, donc autant de raisons d'espérer », se convainc le professionnel du tourisme.
En Corrèze, un optimisme relatif.
« Sur l'agglomération de Brive, on comptabilise, dix réservations par jour pour les campings que nous avons en gestion, se félicite Aurélien Charpille, le directeur de Brive Tourisme. Sur le mois de juin, sur le week-end du 22 par exemple, c'est rempli au Lac du Causse. Le mois de juillet risque d'être plus calme ». Au sujet de l'origine des vacanciers, il nous précise qu'ils sont essentiellement des habitués, qui viennent de la région lyonnaise, de l'Ouest de la France ou encore du Nord.
« Ce qui est rassurant aussi, c'est que dans la semaine, on a pas mal d'entreprises qui réservent, et qui du coup nous soutiennent économiquement, car il y a des chantiers dans le secteur du lac du Causse. Sur le lac, les activités comme les paddles, l'aviron, ou encore le kayak devraient attirer du monde. La baignade est autorisée, mais on recherche des surveillants de baignade sur l'été, dès qu'on en aura recruté, les gens pourront à nouveau se baigner. La saison reprend donc tranquillement, et elle sera plutôt satisfaisante en juin. Juillet sera compliqué on le sait, mais août devrait être à la hauteur. »
Une reprise en demie teinte
« Après le 2 juin, explique Christian Graffeuil, président de la fédération des campings du Limousin, les campings ont rouvert, certains gestionnaires ont pris l'initiative d'aller chercher des clients, d'autres plus prudents sont en phase d'attente, car ce qu'il faut savoir, c'est que les assurances ne nous accompagnent pas. On a un protocole assez contraignant, qui implique l'achat de produits de nettoyage, avec l'embauche du personnel supplémentaire pour faire face. »
En Limousin, l'accueil de touristes dans les campings s'avère plus compliqué pour certains professionnels, car on n'a pas de structures importantes en matière de campings, la moyenne c'est soixante-dix emplacements. Il s'agit de structures familiales essentiellement, qui sont dynamiques, qui veulent faire découvrir leur territoire. Mais aujourd'hui ce qui est à craindre, c'est qu'en permettant la réouverture des campings, l’État va nous couper les aides, ça va nous mettre dans des difficultés insurmontables. »
Sur les réservations, « il y a eu beaucoup d'annulations sur mai, juin, juillet. Les clients sont très inquiets. Ils nous appellent pour savoir quand ça rouvre, ils nous posent des questions sur les conditions sanitaires, auxquelles on ne peut pas toujours répondre, parce qu'on n'a pas forcément les réponses. Ils sont nombreux à se demander s'ils peuvent venir sans risques. On tente de répondre au mieux, en étant rassurants, mais la situation est déprimante », avoue le professionnel.
« La saison va se faire dans nos départements, mais elle sera concentrée sur la période du 15 juillet au 20 août. Et puis, j'ai peur que nos clients nous demandent des remises insensées. » Sans oublier les questions très terre à terre, du style : « comment on va organiser les concours de pétanques tout en faisant respecter les gestes barrières, comment garantir l'ambiance de la soirée aux abords des bars ? ».
Une différence de traitement ?
« L’État nous a imposé une fermeture administrative au-delà du déconfinement, contrairement aux gîtes et à l'hôtellerie » explique Christian Graffeuil qui trouve cela injuste. « On a navigué à vue. La ligne de conduite a été compliquée à suivre pour tout le monde, et nous a placés en mauvaise situation financière alors que les campings représentent plus de la moitié des nuitées de vacances en France. C'est une profession qui attend les directives. L’État a passé le relais aux préfets, on est dans la phase d'attente d'une réouverture ».
Ce qu'il faut savoir, c'est que la fermeture administrative des campings a été levée depuis le 2 juin, sauf que « nos structures dépendent de ministères différents avec chacun leur protocole. On en saura davantage le 22 juin, avec le discours du 1er ministre ».
« La majorité va certainement rouvrir au 20 juin, mais aujourd'hui on a zéro visibilité. On a une clientèle qui a envie de venir en vacances mais elle est frileuse, elle appréhende encore, elle doute. »
La clientèle étrangère a annulé beaucoup plus que la clientèle française, pour la bonne raison que les frontières sont fermées. « Je pense que ça va s'assouplir d'ici le 15 juin, mais pour nous ce sera trop tard, regrette le président de la fédération des campings du Limousin, car ils auront réservé ailleurs. L'Italie a rouvert ses frontières, comme l'Autriche, la Croatie, l'Espagne. »
Pour lui, « Mai juin c'est là que l'ambiance est la plus agréable. Avec les annulations, financièrement on a perdu à peu près 20% du chiffre d'affaire de l'année 2020. Ça fait mal parce que les structures du Limousin ont du mal à investir, elles sont fragiles financièrement, et les assurances ne nous accompagnent pas, car pour elles on fait un métier à risque » s'agace-t-il.
Quid des Gîtes de France ?
La saison touristique pour les gîtes de France durant la période de confinement a généré plein d'incertitudes. « On a annulé près de 20.000 nuitées dès l'annonce du confinement mi-mars, car cette période incluait les vacances de printemps et les ponts de mai qui sont très favorables à une fréquentation des gîtes pour notre département, confie Marie Dumaître, directrice des Gîtes de France de la Haute-Vienne. Mais, heureusement, dès l'annonce de la possibilité de se déplacer au-delà des 100 km, on a très vite senti frémir la demande de location pour juillet/août, et cette tendance s'est amplifiée dès le 11 mai. On a été assailli de demandes, on a traité deux fois plus de contrats. On a engrangé 4 fois plus de volume d'affaire. Ce sont des hébergements majoritairement avec piscine, avec l'arrivée prochaine d'une clientèle nouvelle qui cherche une destination grand espace à la campagne, pour se consoler de l'impossibilité d'aller à la mer. Les touristes qui réservent, et qui nous appellent ce sont essentiellement les vacanciers venus de la région parisienne, les gens qui viennent de Nantes, de l'Ouest de la France et du Nord, de Lille par exemple. Au 8 juin, on vient donc de vivre deux semaines avec un nombre de demandes bien supérieur à celui qu'on a enregistré habituellement à la même période les années passées ». Une tendance qu'on aimerait voir perdurer. Néanmoins, il y a 20 à 25% de retard de réservation, « il ne faut donc pas que les demandes cessent car sinon on ne rattrapera pas les pertes sèches ».
Engagement pour une sécurité maximale
« On a mis un protocole sévère pour que le client soit en confiance, et pour que chaque propriétaire qui a ouvert sur juin, juillet et août s'engage à faire une désinfection de sorte qu'il n'y ait aucun risque pour le client suivant. Sur les huit semaines d'été, un gîte peut accueillir huit clients différents. S'il y a croisement de clients, on exige au Gîte de France que les propriétaires fassent une désinfection pour écarter tout risque. Tous les adhérents s'engagent à désinfecter eux-mêmes, en enlevant tout ce qui est superflu dans les maisons à louer. Elles sont vidées pour pouvoir faire le nettoyage plus facilement soit par les propriétaires eux mêmes ou en faisant intervenir une entreprise de nettoyage privée. » Quant aux propriétaires qui ne peuvent assurer ce service de nettoyage, « on leur recommande de fermer et de ne pas accueillir de touristes, on ne veut surtout pas faire prendre des risques à des clients. C'est notre protocole très strict, lourd, mais c'est à cette seule condition que la sécurité sera garantie. Certains de nos adhérents, complète Marie Dumaître, ont même fait le choix de s'accorder une semaine de carence entre deux clients avant de relouer, une solution radicale, comme cela on est certain que les germes ne se propagent pas ».
Sur l'accusation de différence de traitement entre les campings et les gîtes, la directrice des Gîtes de France Haute-Vienne se défend de tout favoritisme de la part de l’État. « Les gîtes n'étaient pas fermés, certes mais ils ne pouvaient accueillir que des personnes en déplacement professionnel, donc l'accusation de différence de traitement, n'est pas recevable. La fermeture administrative pour les campings obéissait davantage à l'interdiction de se rassembler à plus de dix personnes ».
Dans son argumentaire pour convaincre les touristes de venir, Marie Dumaître confie que les gens demandent souvent si, en cas de problème, ils peuvent être remboursés, « bien évidemment oui », s'engage la responsable des Gîtes de France de la Haute-Vienne.