Saint-Denis de la Réunion, 11 octobre 2016, une commission d'experts consacrée à la migration forcée vers la métropole de mineurs réunionnais entre 1963 et 1982 a déjà comptabilisé 2.150 enfants déplacés d'office pendant cette période, selon les premiers résultats présenté mardi à la Réunion.
Composée de trois universitaires et d'un inspecteur général des affaires sociales, la commission, créée en février par l'État, "a deux ans pour étudier et rendre un rapport sur ce pan méconnu de l'histoire de La Réunion", a indiqué lors d'un point-presse en préfecture, le sociologue Philippe Vitale, président de cette instance.
"Depuis neuf mois que nous travaillons, nous avons trouvé une différence notable sur le nombre de Réunionnais transplantés dans l'Hexagone de 1963 à 1982. De 1.615 (chiffre habituellement évoqué, issu d'un rapport de 2002, ndlr), nous en sommes aujourd'hui à 2.150", a indiqué Philippe Vitale.
L'objectif principal de la commission est d'établir un listing nominatif des enfants déplacés, souvent vers des territoires ruraux tels que la Creuse, désertés par ses habitants.
Les experts souhaitent approfondir la connaissance historique sur cet épisode afin de le diffuser plus largement. Ils espèrent également établir un tableau précis des populations concernées et indiquer les décisions et actes expliquant le transfert de ces jeunes Réunionnais, effectué sous l'impulsion de Michel Debré, alors député de La Réunion.
Philippe Vital rappelle que certains enfants "sont partis à 4 ans et n'ont plus jamais remis les pieds sur l'île, ils n'ont plus de traces de leurs familles et ne connaissent pas leur histoire". Une meilleure prise en charge des dossiers de ces ex-mineurs déplacés est aussi prévue afin d'améliorer leur accès et leur hébergement à La Réunion. La commission compte auditionner "ceux et celles qui ont vécu ce triste épisode de l'humanité" car "expliquer n'est pas excuser", a nuancé Philippe Vital.
L'expression "enfants de la Creuse" désigne les enfants et adolescents réunionnais retirés à leurs familles et envoyés d'office dans 26 départements métropolitains, dont la Creuse, le Tarn ou la Lozère. Certains de ces enfants ont ensuite été adoptés sans que leurs parents aient renoncé à leurs droits parentaux. Beaucoup ont été utilisés comme main d'oeuvre bon marché par leurs familles d'accueil, d'autres ont subi des agressions sexuelles.
En 2002, l'un d'eux, Jean-Jacques Martial, a attaqué l'État français pour "enlèvement et séquestration de mineur, rafle et déportation". D'autres plaintes ont suivi. Elles sont restées sans suite à ce jour.
Le 18 février 2014, l'Assemblée Nationale a voté une résolution mémorielle qui reconnaît la "responsabilité morale" de l'État dans cette migration forcée.