A compter de ce mercredi 15 septembre 2021, l’obligation vaccinale contre le Covid-19 entre en vigueur pour les professionnels de santé. Plusieurs agents d’hôpitaux et d’Ehpad à Guéret et Brive, vaccinés et non vaccinés, témoignent et critiquent souvent la méthode.
Chloé (*) se dit déterminée et paye déjà le prix fort. Cette aide-soignante du centre hospitalier (CH) de Brive-la-Gaillarde n’a pas voulu se faire vacciner contre le Covid-19 et dit avoir refusé d’effectuer un test PCR dans l’instant au début du mois septembre, demandé par sa cadre de service. "J’ai demandé de le faire à la fin de mon service. On m’a dit de rentrer chez moi et que je serai suspendue, sans salaire".
Cette soignante ne se dit pourtant pas "anti-vax".
Je ne suis pas contre la vaccination en général. J’ai même fait tous les vaccins avant. Mais celui contre le Covid-19 me fait peur. Suis dans le doute par rapport aux effets secondaires et je ne veux pas mettre ma santé en jeu.
La suspension a été confirmée par le syndicat Force Ouvrière (FO) qui estime qu'une soixantaine d'agents sur 2 000 du CH ne sont pas vaccinés et la direction indique ce mercredi 15 septembre que "plusieurs suspensions" ont pu déjà avoir eu lieu dont celle d’un médecin contractuel. Pour autant, "près de 98 % du personnel a déjà une première dose" selon Michel Da Cunha, directeur adjoint en charge de la communication. "On veut faire preuve de pédagogie encore aujourd’hui mais il y a un cadre réglementaire. Les personnes qui ne souhaitent pas se faire vacciner seront suspendues, sans salaire."
En discutant avec Chloé, on sent que "l’obligation vaccinale" ne passe pas après tout le travail effectué depuis le début de la crise sanitaire et elle avance ses arguments.
Des agents qui se disent sous pression
"Je suis en colère contre le système et la manière de faire. On subit une pression, un chantage. C’est un manque de respect alors qu’on a beaucoup travaillé depuis mars 2020. Je ne suis pas plus contaminante que d’autres, en étant très prudente avec les gestes barrières. Et on me dit de rester chez moi".
Le sentiment est partagé par Barbara (*), infirmière en EHPAD en Creuse. Opposée à la vaccination contre le Covid, elle dit avoir subi des pressions de sa hiérachie.
"Aller au travail au pleurant, ce n’était plus une solution et je suis désormais arrêtée" dit-elle très émue. "Je n’ai pas confiance dans les vaccins actuels et j’aimerais qu’on respecte mon choix. Je souhaitais plutôt me faire vacciner avec Valneva (ndlr : entreprise française qui espère commercialiser son vaccin avant la fin d’année)" ajoute-t-elle.
Elle redoute désormais une suspension de son contrat. "Mon mari est aussi personnel soignant et opposé aux vaccins actuels. Il faudra pourtant que l’un de nous deux aille se faire vacciner pour ne pas perdre les deux salaires".
Craintes de vaccinés
Si les autorités de santé indiquent que le nombre de professionnels du secteur non-vacciné s’avère ultra-minoritaire, l’obligation vaccinale n’est pas partagée par tous les agents vaccinés.
Eglantine (*), infirmière au centre hospitalier de Guéret joue la franchise.
J’ai eu une dose mais je freine pour la deuxième. Mon mari a en effet été très malade et fatigué après la deuxième et ça m’inquiète.
L’agent ne préfère pas vacciner sa fille adolescente aussi pour l’instant. "Dans mon service, je pense qu’on est beaucoup à être contre l’obligation et nombreuses à le faire pour remplir le frigo" assure-t-elle.
A côté d’elle, Capucine (*), également infirmière précise avoir fait les deux injections pour les mêmes raisons. "Mais ce n’était pas mûri dans ma tête. Pour moi, on manque trop de recul" souffle-t-elle.
Des arguments que ne comprend pas trop Mathilde, technicienne de laboratoire à l’hôpital guérétois, vaccinée depuis janvier.
Pour moi, c’était logique. Il y a plus de bénéfices que de risques. C’est mon côté scientifique.
"J’ai voulu être vaccinée car d’une part je manipule des prélèvements à risque dont ceux du Covid et d’autre part car je suis à risque à cause de pathologies."
Mathilde pense là aussi que la manière de faire du gouvernement n’est "peut-être pas la meilleure". Toutefois elle considère que l’information est passée. "On a eu des campagnes dans les hôpitaux" dit-elle. "C’est le choix des collègues de ne pas se faire vacciner mais je pense que les patients viennent en confiance à l’hôpital. On leur doit d’imposer des personnels vaccinés. Les gens sont déjà méfiants vis-à-vis des maladies nosocomiales. On se protège et on protège les patients."
Pour la CGT santé en Creuse, l’obligation vaccinale peut accentuer les tensions déjà bien présentes à l’hôpital.
"Il ne faut pas sous-estimer l’impact sur le psychique des personnels. Vaccinés ou non. Cela va laisser des traces. Les agents étaient des héros et les non-vaccinés seraient des objets contaminants désormais" avance Nathalie Teste, secrétaire fédérale.
"L’absence des quelques personnels suspendus aura des répercussions et on va nous faire porter le chapeau sur la baisse de soins ou la fermeture de lits". "On peut sécuriser le système autrement" indique Emmanuelle Tschirhart, déléguée CGT au CH de Guéret.
La CGT et FO sont favorables à un vaccin mais opposés à la vaccination obligatoire. "C'est dramatique d'en arriver là et de suspendre des agents alors qu'on a moins de moyens. Il va manquer des soignants" assure Célia Legeard de FO santé Corrèze.
A Brive, Michel Da Cunha admet que les quelques suspensions ou démissions de personnels "vont compliquer l’organisation mais l’offre de soins sera là". Le directeur adjoint indique que le service de réanimation n’a pas actuellement de patients atteints du Covid mais "il y en avait huit il y a encore deux semaines dont des jeunes". "La population a fait un effort de vaccination et on voit les bénéfices".
Sans le dire, il semble attendre la même chose des personnels encore réfractaires à la vaccination.
(*) : prénom d'emprunt pour garantir l'anonymat requis.