Le magazine Enquêtes de région s'intéresse ce mois-ci aux migrants qui arrivent en Nouvelle-Aquitaine. A Treignac, la Fondation Claude Pompidou accompagne ceux qui sont mineurs, à la demande du département de la Corrèze et d'autres départements non dotés d'établissement d'accueil.
Obligation légale de prendre en charge les mineurs non accompagnésLes départements se doivent, depuis 2013, de prendre en charge les migrants mineurs. En Corrèze, c'est au Centre des Monédières que ces jeunes sont accueillis et accompagnés jusqu'à leur majorité, voire après, jusqu'à leur insertion professionnelle. Certains départements ne sont pas encore pourvus en établissements d'accueil. C'est le cas notamment de la Vendée. Ce département demande également à la Fondation Claude Pompidou d'accueillir des jeunes qui arrivent sur son territoire.
Un accompagnement au cas par cas
Le Centre des Monédières, appelé aussi "la Fonda" car les bâtiments appartiennent à la Fondateur Claude Pompidou, est une MECS, une maison d'enfants à caractère social. Créée en 1973 pour accueillir les enfants placés par un juge, ce sont les mineurs étrangers qui arrivent dans les années 80. Ils sont alors libanais, chinois. Aujourd'hui, ils arrivent de Guinée, du Mali, du Bengladesh, du Cameroun, d'Angola. L'une de nos équipes a passé trois jours en immersion dans ce centre.
Les jeunes désireux de préparer un CAP cuisine suivent la formation du lycée hôtelier, intégré au Centre. Ils sont 33 à avoir choisi la cuisine sur les 72 mineurs internes du centre des Monédières. Trois fois par semaine, le restaurant d'application ouvert au public les met à l'épreuve. Les qualités pédagogiques et humaines de leur Chef, Catherine Grosjean, permettent à ces jeunes originaires du Mali, du Bengladesh, du Pakistan, du Soudan... d'appréhender au mieux les spécificités de la gastronomie française.Oui chef ! oui chef !
L'un des jeunes confie :C'est pas toujours toujours choisi, ils n'ont pas un choix énorme, et la cuisine ça leur parle c'est familial, c'est culturel, c'est pour tout le monde pareil, on se rappelle de ses souvenirs d'enfance ... Peut-être aussi parce que je suis une femme, pas très jeune, je leur rappelle leur mère, leur grand-mère, etc et donc bonnant malant il y a plutôt des résultats intéressants
Le bureau de l'infirmière, au même étage que leurs chambres, a toujours porte ouverte. Marina Cloup précise qu'ils passent par une prise en charge médicale à leur arrivée, vaccination, bilan sanguin. Ils sont inquiets car ne comprennent pas le français ni ce qu'on attend d'eux. Une simple prise de sang peut les angoisser.C'est pas facile, mais je me sens bien, je mange je dors, ça va, je fais la formation ici comme je veux ça me plait... oui c'est beaucoup beaucoup de travail mais je m'en sors
Au niveau des pathologies, il y a beaucoup de troubles du sommeil, liés à leur parcours migratoire mais aussi aux conditions de vie dans leur pays. Certains arrivent à en parler, d'autres moins ou pas du tout. Pris en charge à partir de 14 ans, ce sont aussi les ainés - présents depuis 24 ou 36 mois - qui rassurent les jeunes arrivants. Une trentaine par an. Un chiffre en augmentation depuis que les départements ont l'obligation de suivre ces mineurs non accompagnés. Un parcours qui protège l'enfant jusqu'à sa majorité. Ensuite il devient expulsable. Valério Curia, directeur de l'établissement, souligne les difficultés pour obtenir auprès du pays d'origine un dossier complet, à soumettre ensuite à la Préfecture pour les titres de séjour.Ils ont tellement l'image de trafics d'organes ou de sang... il faut qu'on les rassure.
Ils doivent tout apprendre : le français, les codes de notre société, une formation...
Maitriser le français reste bien sûr la base. Avant être scolarisés au collège de Treignac ou dans les lycées des environs, les jeunes se familiarisent à la langue dans une classe d'accueil. Certains présentent de tels progrès en 2 ou 3 ans qu'ils préparent un diplôme national de compétence de langue.
Lucie Carpentier, enseignante, les accompagne au mieux
A l'obtention de leur CAP, les éducateurs maintiennent l'accompagnement jusqu'à la majorité. C'est le cas d'Ousmane, à 17 ans et 9 mois, il est aujourd'hui indépendant car il a trouvé un travail dans un restaurant à Brive, mais il reste toujours pris en charge financièrement. Il participe déjà partiellement à ses charges mais dans 3 mois, tout va changer.On les sent quand même assez submergés par un tas d'information, y en a qui sont en France seulement depuis quelques mois quand ils arrivent à l'école donc ils doivent comprendre le pays, préparer un examen et tous le problèmes administratif, donc ça fait beaucoup de choses à gérer
Au niveau des aides sociales financées par l'aide sociale à l'enfance tout va s'arrêter quand je vais avoir 18 ans, je me prépare en faisant des économies.
Stéphane Pradeau - Educateur au Centre des Monédières :
A l'inverse, le jeune peut devenir majeur alors même qu'il n'a pas fini sa formation. C'est le cas de ce jeune qui ne passera son CAP que dans trois mois. Légalement, il pourrait se voir notifier une obligation de quitter le territoire français. Jusqu'à présent, le département accepte de poursuivre au cas par cas, selon les résultats scolaires et le comportement, la formation pour 3, 6 ou 12 mois. Devant le coût important de ces prises en charge par le département, l'avenir peut être incertain. Pour Patrick Fournier - Educateur au Centre des Monédières, il serait regrettable d'agir autrement.La vie des jeunes à leur départ de l'institution se prépare bien avant leur départ. L'idée c'est d'associer le jeune aux différentes démarches qu'il aura à faire, donc au début on l'accompagne et puis petit à petit on lui laisse de plus en plus d'autonomie
Le football est bien sûr le lien entre ces différentes nationalités qui naturellement ont tendance à s'organiser par communauté. Les entrainements et les matchs sont des moments importants dans cette vie collective. Ils retrouvent aussi les autres membres des clubs de la région. Gérard Montille - Educateur sportif souligne l'importance de la participation de ces jeunes pour la vie de ces clubs en milieu rural.Ne remettons pas en cause (…) tout ce qui a été créé et mis en place et qui a coûté aussi de l'argent sur les deux années précédentes - et ce coût effectivement en terme d'échec et de retour à la case départ peut être catastrophique
On est bien content de les avoir parce qu'on en a besoin pour avoir nos clubs, sinon nos clubs n'existeraient pas.