Le valproate, médicament indispensable dans le traitement de l'épilepsie, a provoqué plus de 450 malformations chez des bébés exposés in utero en France, selon un rapport critiquant le "manque de réactivité" des autorités sanitaires et du laboratoire Sanofi. Une famille girondine témoigne.
Commandé par la ministre de la santé Marisol Touraine, le rapport évalue "entre 425 et 450 le nombre de cas de naissances d'enfants vivants ou mort-nés exposés in utero au valproate entre 2006 et 2014 qui sont porteurs de malformations congénitales", en extrapolant à la France entière des données obtenues dans la région Rhône-Alpes.
Selon l'Igas, il faudra toutefois attendre le mois de mai pour avoir une "mesure plus précise de l'impact des prescriptions de valproate sur la descendance des femmes exposées".
Dès le 1er mars, l'avertissement pour les femmes enceintes qui figurait déjà dans la notice du médicament va être inscrit sur la boite, a indiqué le directeur général de la santé, Benoit Vallet.
De lourds handicaps
Ce rapport et ses aspects juridiques ou administratives ne sembleront pas peser lourd face à la réalité quotidienne du handicap. Parmi les victimes, une famille girondine : les trois enfants souffrent de handicaps (parfois lourds) après un traitement à la Dépakine durant la grossesse de leur mère.Regardez le reportage de Gilles Coulon et Didier Bonnet.
Le valproate, médicament indispensable dans le traitement de l'épilepsie, a provoqué plus de 450 malformations chez des bébés exposés in utero en France, selon un rapport critiquant le "manque de réactivité" des autorités sanitaires et du laboratoire Sanofi. Une famille girondine témoigne.
Des risques connus
Incontournable pour certains patients atteints d'épilepsie, mais également utilisé pour traiter les troubles bipolaires, le valproate de sodium est présent dans plusieurs spécialités pharmaceutiques dont l'antiépileptique Dépakine,commercialisé en France par Sanofi depuis 1967, puis sous forme générique par d'autres laboratoires.
Il est sur la sellette depuis plusieurs années à cause de son risque élevé de malformation - de l'ordre de 10% - mais également d'un risque plus élevé de retards intellectuels et/ou de la marche ainsi que de cas d'autisme, qui peuvent atteindre jusqu'à 40% des enfants exposés.
Ces derniers risques ne sont connus que depuis les années 2000 alors que celui de malformations congénitales a commencé à filtrer à partir des années 1980.
Dans son rapport l'Igas note toutefois que "les alertes ont été, au plan français et européen" déclenchées davantage par les médias que par "une prise en compte des données de pharmacovigilance et des publications scientifiques".
Concernant le laboratoire Sanofi, le rapport note "une faible réactivité" entre 1995 et 2000 sur le risque de malformations congénitales.
Un arbitrage rendu au niveau européen en 2014 a conduit tous les pays européens à revoir leur condition de prescription du valproate pour "minimiser les risques".
Ce médicament ne doit plus désormais être prescrit aux filles et aux femmes en âge de procréer, ni aux femmes enceintes "sauf en cas d'inefficacité ou d'intolérance aux alternatives médicamenteuses".
Mais malgré les risques encourus, les autorités françaises n'envisagent pas pour l'instant de l'interdire dans la mesure où un arrêt ou un changement de traitement brutal peut, selon l'Igas "avoir des conséquences graves, voire mortelles, pour la mère et le foetus".
"Le valproate est un médicament de référence (nécessaire dans certains cas, ndlr) qui ne peut pas être supprimé comme par exemple le distilbène" a expliqué Benoit Vallet, en présentant le rapport de l'Igas.
"On a encore des efforts à faire" pour que les informations sur les risques "parviennent au médecin et à la patiente", a indiqué pour sa part le Directeur général de l'agence du médicament (ANSM), Dominique Martin. Il a souligné que "l'information devait être complète, y compris sur le risque non négligeable d'avoir un enfant autiste".
Il a indiqué qu'une réévaluation de tous les médicaments antiépileptiques serait achevée d'ici l'été.
Le rapport de l'Igas reconnait pour sa part que les prescriptions de valproate chez les femmes en âge de procréer (15-49 ans) ont baissé en France de 25% entre 2006 et 2014 : leur nombre est passé de 125.000 en 2006 à 93.000 en 2014, dont 37.000 traitées pour épilepsie et 56.000 pour des troubles bipolaires.
La baisse a été nettement plus faible pour les prescriptions de valproate dans ces derniers troubles qui représentent désormais la "majorité" des prescriptions, alors qu'il existe davantage d'alternatives.