François Hollande a reconnu dimanche "les responsabilités" de la France dans "l'abandon" des harkis au cours d'un hommage aux allures de pré-campagne électorale. Fatiha BENNAMAR, Présidente d'honneur de la GENAFRA (Génération Aquitaine des Français Rapatriés d'Algérie) est l'invitée du 19/20.
En Aquitaine, la communauté Harki est très présente notament en Lot-et-Garonne où le camp de Bias a accueillis jusqu'à 12 000 rapatriés venus d'Algérie dans les années 60. Et cette déclaration prend, ici, un écho tout particulier.
Cette reconnaissance était une première par son caractère solennel.
A Bordeaux
Alain Juppé, l'un des favoris de la primaire de la droite, célébrait cette journée d'hommage à Bordeaux dont il est maire.Il avait fait une déclaration en ce sens, la veille, sur son blog : "Oui, en 1962, la France vous a abandonnés. Le moment est venu de le reconnaître solennellement. Des milliers d’entre vous qui s’étaient engagés pour la patrie en laquelle ils avaient foi, pour la France que leurs pères, déjà, avaient souvent défendue les armes à la main, ont été massacrés. Ceux qui ont pu regagner le territoire national, ont été accueillis dans des conditions de grande précarité. Ce n’est pas aujourd’hui raviver des cicatrices douloureuses que de le reconnaître. Nous vous le devons, anciens des forces supplétives, nous le devons à vos enfants, à vos familles, tous Français à part entière".
À nos compatriotes Harkis. En 62,la France vous a abandonnés. Le moment est venu de le reconnaître solennellement.▶️ https://t.co/pdKBGKOPAR pic.twitter.com/c35SMjfAGI
— Alain Juppé (@alainjuppe) 25 septembre 2016
Entre reconnaissance et électoralisme
Candidat, François Hollande en avait fait la promesse, en avril 2012, tenue dès septembre de la même année mais seulement via un message lu par un de ses ministres. Encore chef de l'État mais alors complètement candidat, Nicolas Sarkozy avait lui aussi "reconnu" cette responsabilité française, huit jours avant le premier tour de la présidentielle 2012. Il avait été le premier président à se rendre aucamp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) où avaient été parqués plusieurs dizaines de milliers de harkis.
Mais dimanche, François Hollande a délivré son message dans la cour de l'Hôtel national des Invalides à l'occasion de la Journée nationale d'hommage aux harkis, instituée, a-t-il rappelé, par l'ancien président Jacques Chirac.
Je reconnais les responsabilités des gouvernements français dans l'abandon des harkis, les massacres de ceux restés en Algérie et les conditions d'accueil inhumaines des familles transférées dans les camps en France.
Le chef de l'État a été applaudi par les représentants des harkis présents.
Cette déclaration reprend au mot près sa promesse de 2012, manière pour le chef de l'État de montrer qu'elle est pleinement honorée... et de tenter de se réconcilier avec un certain nombre de harkis qui avaient protesté (accompagnés de nombreuses voix à droite) au printemps.
Le chef de l'État avait en effet choisi de commémorer la date du cessez-le-feu du 19 mars 1962 en Algérie au lendemain des accords d'Evian, une date qu'ils considèrent comme symbolique de leur abandon.
Après ces accords, 55.000 à 75.000 harkis ont été abandonnés en Algérie et victimes de sanglantes représailles de la part des nationalistes. Quelque 60.000 ont été admis en France.
Une communauté de 500.000 personnes
M. Hollande a souligné le caractère "symbolique" de sa déclaration, et insisté sur les actions déjà entreprises par ses prédécesseurs et lui même, notamment avec un plan d'action en 2014 comportant un volet "réparations".C'est qu'au sein de la communauté harkie, des voix s'élèvent pour que la France fasse un geste supplémentaire. "La France a une dette envers les harkis", avait ainsi déclaré en mars Hocine Louanchi, coordinateur du Rassemblement militant de la cause harkie et acteur d'une des premières révoltes harkies en 1975.
"Maintenant il est important que cette reconnaissance soit actée par une loi, qu'elle soit inscrite dans le marbre de l'Histoire de France", a réagi Mohamed Otsmani, délégué régional PACA du Comité de liaison national des harkis, qui représente 150.000 personnes. "La reconnaissance ne va pas sans la réparation", a-t-il insisté.
"Nous trouvons la paix des mémoires" avec la déclaration de François Hollande, s'est-il tout de même félicité.
Leurs demandes sont relayées dans la classe politique. Des députés de droite ont déposé en avril une proposition de loi prévoyant notamment que "la Nation s'engage à réparer les préjudices moraux et matériels subis par les harkis", 500.000 personnes avec les descendants.
Les harkis s'invitent dans la campagne
Dimanche aux Invalides, François Hollande a serré la main de nombre de candidats à la présidentielle, présents aux côtés des anciens combattants : Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-François Copé ou Marine Le Pen (FN).En visite auprès d'une famille de harkis en Camargue samedi, François Fillon a plaidé pour que l'on "répare" les injustices.
Bruno Le Maire a souhaité que soient "trait(ées) avec dignité les questions relatives à l'indemnisation".
Cette reconnaissance, "c'est tard, c'est mieux tard que jamais, c'est terriblement trop tard", a de son côté estimé NKM sur Radio J.
Alors que Nicolas Sarkozy est régulièrement accusé dans son camp de diviser, tandis que la droite et le FN vitupèrent régulièrement contre toute "repentance", M. Hollande a saisi l'occasion pour mettre en garde ses probables futurs adversaires: "La grandeur est toujours du côté de ceux qui réparent, plutôt que (de) ceux qui séparent."