Les Fonderies du Poitou, et tout particulièrement la partie Fonte, sont à nouveau dans la tourmente. La CGT a appelé les salariés à se mobiliser ce jeudi 4 juin face aux menaces qui pèsent sur l'avenir de l'entreprise et sur les emplois.
Un an après son rachat par le groupe britannique Liberty House, la situation est à nouveau très préoccupante pour les Fonderies Alu et Fonte, installées à Ingrandes-sur-Vienne, au nord de Châtellerault. Les deux entités ont été créées en 1981 par Renault dont elles sont restées des filiales jusqu'au début des années 2000. Le constructeur automobile français est encore aujourd'hui leur unique client.
Les salaires de juin seront payés
Le niveau d'incertitude sur l'avenir des sites, en particulier pour la partie fonte, est si grand que les syndicats avaient même redouter que les salaires de juin ne puissent pas être versés par leur employeur.
Ils ont été rassurés sur ce point lors d'un Comité Social et Économique (CSE) qui s'est tenu, hier mercredi 3 juin. Des propos repris dans un communiqué par Jonathan Levy, porte-parole, pour la France et le Benelux, de Gupta Family Group (GFG) de l'Indien Sanjeev Kumar, auquel appartient l'actionnaire Liberty House.
Il n'est pas question que les salaires sur l'un ou l'autre site ne soient pas payés en juin. Nous avons assuré les syndicats à plusieurs reprises que tous les salaires seront payés dans leur intégralité.
- Jonathan Levy, porte-parole de Liberty House
La viabilité de l'usine fonte en question
Le porte-parole de la direction s'est montré, en revanche, pessimiste au sujet de l'avenir de Liberty Fonderie Poitou (316 salariés), qui produit des carters en fonte à destination du diesel, tandis qu'il a annoncé un plan de diversification pour Liberty Alu Poitou (285 salariés), qui fabrique des culasses.
Jonathan Levy explique que la crise du Covid-19 et la chute du diesel ont plombé les commandes de "presque 75%".
La fonderie de fonte a souffert de commandes toujours faibles de notre principal client qui est lui-même confronté à un marché très difficile.
Guy Jansen, directeur des Fonderies du Poitou explique "qu'un protocole avait été signé avec Renault à hauteur de 55.000 pièces par an alors que la production ne dépasse pas actuellement les 15.000 pièces".
Des opportunités annoncées pour la Fonderie Aluminim
La direction se montre pessimiste sur l'avenir de l'usine Fonte dont "la viabilité" pourrait même être en danger à court terme, en raison notamment de l'évolution du marché automobile et du manque de "visibilité" dans ce secteur.
Nous sommes en discussion avec notre client et lui faisons comprendre l'urgence de la situation, mais l'industrie automobile se tourne vers les culasses hybrides en aluminium, ce qui a un impact profond sur le secteur de la fonte.
- Jonathan Levy, porte-parole de Liberty House
Si l'avenir est particulièrement sombre pour la Fonderie Fonte, déjà confrontées à de grosses difficultés depuis plus de dix ans, l'horizon pourrait s'éclaircir pour la Fonderie Alu. Le porte-parole du groupe a annoncé dans ce même communiqué un projet de nouvelle culasse et, à plus long terme, "un plan de diversification de 13 millions d'euros soutenu par notre actionnaire".
L'histoire est différente pour notre fonderie d'aluminium. De réelles opportunités existent toujours, tant en ce qui concerne le nouveau composant HR10 que nous nous préparons à produire qu'à plus long terme, nous avons un plan de diversification de 13 millions d'euros soutenu par notre actionnaire, conçu pour nous aider à évoluer avec les changements inévitables du secteur automobile.
- Jonathan Levy, porte-parole de Liberty House
Des accords pas respectés pour la CGT
Les syndicats ne partagent pas complètement l'optimisme affiché par le groupe propriétaire et se montrent inquiets sur les conditions de financement de ce plan de diversification. Jean-Philippe Juin, délégué syndical CGT pour Liberty Alu Poitou, affirme que Liberty House a démarché la région Nouvelle-Aquitaine et la Banque publique d'investissement. Mais pour lui "l'actionnaire reste en retrait" et il dit ses "craintes sur le très court terme" tant que les Fonderies dans leur ensemble dépenderont totalement de Renault.
On est dépendant à 100% de renault que ce soit la fonte ou l'aluminium, Renault est noter seul client. Le plan d'investissement Alu pour le moment c'est une culasse qui est développement mais les investissements ne suivent pas. L'actionnaire Liberty n'a pas apporté pour le moment les millions d'euros nécessaires. Ils nous promettent de l'argent, mais il n'y a jamais rien qui vient.Aujourd'hui, on est suspendus aux aléas de Renault et on se demande si on ne va passer à la trappe.
- Jean-Philippe Juin, délégué CGT de Liberty Alu Poitou
La CGT accuse l'entreprise, qui fait partie du Gupta Family Group (GFG) de l'Indien Sanjeev Kumar Gupta, de ne pas avoir respecté ses engagements, notamment de diversification. Jean-Philippe Juin, délégué syndical CGT pour Liberty Alu Poitou, rappelle qu'au moment du rachat, un accord prévoyait un socle de volume de commandes de la part de Renault et un effort de diversification de la part du groupe britannique. Selon lui, les volumes de commandes n'ont pas été respectés et la diversification n'est pas assurée.
Cette nouvelle culasse n'est pas une diversification car on reste encore 100% Renault et c'est un projet qui était déjà dans les cartons. La diversification, ça voudrait dire d'autres produits et d'autres clients que Renault. - Jean-Philippe Juin, délégué CGT de Liberty Alu Poitou
Jean-Philippe Juin, délégué CGT des Fonderies du Poitou
Les syndicats dénoncent par ailleurs le "manque de soutien financier" de la part de l'actionnaire Liberty face aux difficultés liées à la pandémie de Covid-19.
Les salariés bloquent les expéditions vers Renault
Le travail n'a repris que très partiellement sur les deux sites mais Liberty House annonce son intention "de reprendre les activités le 8 juin" pour la Fonderie Alu et d'adapter la production à l'évolution du marché automobile, se tournant vers les culasses hybrides en aluminium.
Ce matin, plus de 200 salariés étaient présents après l'appel à la mobilisation lancé par la CGT. Plusieurs actions ont été menées. Ils ont pénétré sur le site pour empêcher le chargement de camions.
Pour symboliser leur mécontentement et leurs inquiétudes, les salariés ont ensuite monté un mur avec des carters en fonte.
Un peu plus tard dans la matinée, le magasin de l'unité fonte destiné aux expéditions a été bloqué par un mur de carters et de palettes pour empêcher le départ des pièces chez Renault.
► Un CSE extraordinaire doit se tenir sur le site d'Ingrandes le 10 juin prochain.
Reportage de François Bombard, Thomas Chapuzot et Josiane Étienne :