Un an après la généralisation de la limitation de vitesse à 30 km/h à Poitiers, la ville dresse un premier bilan satisfait. Les automobilistes ont effectivement réduit leur vitesse. Mais il reste encore des progrès à faire. L'enjeu reste "d'apprendre à partager l'espace" en ville.
Les habitants de Poitiers s'habituent-ils à la nouvelle limitation de vitesse à 30 km/h généralisée à toute la ville, à l'exception de quelques portions de route ? Entre habitude de rouler à 50 km/h et volonté de garder sa liberté au volant, les usagers de la route dressent un bilan contrasté de la mesure généralisée depuis un an dans toute la ville.
"Je trouve ça excessif, confie une automobiliste. C'est quand même dur à maintenir quand on est en voiture. Et puis, pareil pour la consommation, on reste en seconde ou en troisième [vitesse] et ça consomme beaucoup. Je trouve ça absurde. Au final, les vélos vont plus vite que nous."
Les automobilistes doivent apprendre à partager l'espace.
Une cycliste à Poitiers
Une commerçante de l'avenue de la Libération aurait "préféré une limitation à 40 km/h", "plus facile à tenir" à ses yeux et, "pour que ce soit progressif". "Quand je suis sur la route, il faut tout le temps regarder le compteur !" Pourtant, elle fait partie de ces riverains certains de pouvoir "s'habituer".
Un peu plus loin, une cycliste reconnait avoir ressenti un réel "ralentissement" des automobilistes. Pour elle, l'enjeu est simple : "Les automobilistes doivent apprendre à partager l'espace."
Elle estime que si "les cyclistes ne doivent pas faire n'importe quoi avec les voitures, les voitures ne doivent pas non plus faire n'importe quoi avec les cyclistes et les trottinettes." D'ailleurs, elle affirme en avoir pris conscience lorsqu'elle circule à vélo dans les zones piétonnes de Poitiers. "Si je vais trop vite, j'effraie les piétons. Je ralentis et je finis par rouler au pas."
Alexis, un riverain croisé sur l'une des avenues les plus passantes de Poitiers, n'a pas constaté de changement en termes de circulation et de nuisances sonores depuis le passage à 30 km/h.
"Lorsqu'il n'y a pas de circulation la nuit, les gens ne roulent pas à 30 km/h de toute façon et quand il y a des bouchons, et bien, ils roulent quasi à l'arrêt, avec l'arrêt de bus un peu plus bas."
Lui verrait "plutôt un changement de la structure de la route, au lieu d'un changement de limitation de vitesse : une vraie piste cyclable protégée, moins de terre-plein central et un trottoir plus sécurisé pour les piétons si les gens viennent à rouler trop vite."
Une demande de se sentir en sécurité
La ville de Poitiers n'a pas encore présenté son bilan officiel. Il sera rendu public dans quelques semaines. En attendant, Amir Mistrih, adjoint à la sécurité, à la tranquillité publique et aux stationnements, reconnait que l'accidentologie n'a pas été le premier argument pour le passage à 30 km/h.
"C'était d'abord une demande des habitant.es qui se sentaient en insécurité avec les excès de vitesse dans la ville", explique-t-il. La démarche de la municipalité a été de faire en sorte que les habitants "se sentent à l'aise dehors, sur les trottoirs, avec leurs enfants, ou lorsque l'on se déplace en fauteuil..."
L'élu observe "qu'il y a un respect plus grand de la limitation de vitesse". Au vu du nombre d'opérations de contrôle de vitesse, la police municipale a pour l'instant peu verbalisé.
Les chiffres
D'une manière plus large, la Prévention routière observe que la réduction de la vitesse en ville vise à un meilleur partage de l'espace public, en rapprochant la vitesse des voitures de celle des vélos.
À 30 km/h un piéton a près de 90% de chance de survie en cas de collision avec un véhicule, et seulement 20% à 50 km/h
Prévention routière
Elle indique ainsi que "généraliser le 30 km/h n’est pas une contrainte, mais au contraire, la seule véritable solution à une meilleure cohabitation sur la route et dans nos rues".
L'association rappelle qu'à "30 km/h un piéton a près de 90% de chance de survie en cas de collision avec un véhicule, et seulement 20% à 50 km/h".
Dans la région, d'autres villes ont également franchi le pas, telles que La Rochelle, Angoulême et Niort dans son hypercentre.
Depuis 2016, de grandes métropoles ont choisi l'option du 30 km/h. Grenoble, la première. Puis, Angers. Et, trois ans plus tard, Lille, Nancy et Strasbourg, Montpellier et, plus récemment, Bordeaux, Metz, Nantes ou encore Rennes et Paris.
Reportage de Marie-Noëlle Missud et Luc Barré