L'Éducation nationale peine à trouver des contractuels pour remplacer les professeurs absents. Une enseignante vacataire témoigne du malaise actuel dans l'académie alors que le député Sacha Houlié alerte le ministre.
"J'ai appris le lundi à midi que je commençais le jour-même à 14h", lance Elisabeth*, une enseignante vacataire, pour résumer la précarité de l'emploi qu'elle occupe depuis deux semaines dans un collège de l'académie de Poitiers. "Je savais que j'aurais un travail à la rentrée, mais j'ignorais à quelle distance de mon domicile et quels niveaux (de classe)."
Pas question donc pour elle de consacrer la fin de l'été à préparer les premiers cours qu'elle donnera à ses futurs élèves, comme le font ses collègues titulaires. La rentrée s'est déroulée sur les chapeaux de roue, "à 45 minutes de voiture" de chez elle, ce qui constitue un progrès par rapport aux années passées : "La première année, on m'a envoyée à 1h35 de voiture de mon domicile, une autre année à une heure de voiture...", raconte-elle.
Mère célibataire, elle a dû organiser sa vie familiale avec un enfant en bas âge et un planning parfois peu engageant.
"J'ai découvert par exemple que j'allais me rendre dans mon établissement trois matinées par semaine juste pour une heure de cours", explique-t-elle. "Il faut donc que je m'arrange avec la nounou de mon enfant et faire les allers-retours, ça me coûte cher en kilomètres, surtout qu'il faut ensuite revenir l'après-midi."
J'ai commencé il y a deux semaines et on ne m'a toujours pas fait signer mon contrat de travail.
Vacataire dans l'Éducation nationale, ce n'est pas simplement remplacer les enseignants absents, c'est donc aussi "récupérer les heures de cours qui restent" car "les collègues s'arrangent pour que leurs heures soient le plus rassemblées possible. Pour les vacataires, rien n'est changeable." C'est aussi travailler à un salaire inférieur à celui des autres enseignants (environ 1.600 euros par mois). "Pour l'instant, on ne m'a toujours pas fait signer mon contrat de travail...", note-elle. "Comme les années passées, quand on me le fera signer, il sera anti-daté..."
Si son arrivée dans son nouvel établissement s'est déroulée normalement, elle note qu'elle "reste anonyme". "Parfois, le proviseur ou le principal ne prend pas le temps de nous présenter au reste de l'équipe."
Cette enseignante est devenue vacataire à la suite d'une reconversion professionnelle. "J'étais en doctorat à l'université. J'enseignais à des étudiants en master", explique-t-elle. "À la naissance de (mon premier enfant), j'ai dû me reconvertir car ma situation professionnelle de doctorante était tellement précaire... J'aurais pu passer les concours de l'enseignement, j'ai le niveau, mais je prenais le risque d'être mutée dans une académie loin de mon domicile, Paris par exemple. Et avec un enfant en bas âge, ce n'est juste pas possible." Elle fait donc le choix de rester vacataire mais sait que le moment approche pour elle de franchir l'étape du CAPES ou de l'aggrégation.
Parents d'élèves et député, mobilisés
En cette rentrée scolaire dans l'académie de Poitiers, il manque près de 150 enseignants. Le malaise est donc réel. À Poitiers, par exemple, les parents d'élèves du collège Henri IV tirent la sonnette d'alarme dans un communiqué où ils expliquent que "pour une même classe : pas de professeur de français, d'espagnol et de SVT", soit, selon eux, "un vrai emploi du temps de vacanciers pour les collégiens".
Les parents expliquent avoir proposé le nom d'une enseignante de français certifiée "en Lettres depuis plus de 20 ans". Désabusés, ils constatent que "le rectorat ne peut pas traiter la situation administrative de cette fonctionnaire de l'Éducation nationale".
Dans la Vienne, le député LREM Sacha Houlié vient d'adresser une question écrite au ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Il l'alerte "sur l'insuffisance du nombre de professeurs remplaçants dans certains établissements de l'académie de Poitiers en cette rentrée 2021-2022".
Dans sa circonscription, le député a listé des absences "dans les écoles maternelle de Nouaillé-Maupertuis, primaire de Ligugé ou encore le collège Pierre de Ronsard de Poitiers".
*Le prénom a été modifié à la demande de notre interlocutrice, pour préserver son anonymat.