Au Pont-Neuf, garder les commerces dynamiques tout en protégeant les cyclistes

Des commerçants et habitants du Pont-Neuf à Poitiers se sont rassemblés lundi 31 janvier 2021, place Radio-Londres, pour s’opposer à la circulation en sens unique sur le boulevard. Une mesure censée sécuriser les cyclistes, qui pourrait s’appliquer prochainement. A la place, l’Association des commerçants du Pont-Neuf propose une circulation limitée à 30 km/h dans les deux sens, la création d’une piste cyclable et la mise en place de radars.

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Ce lundi matin, une vingtaine de commerçants et riverains se sont réunis place Radio-Londres. Sous la banderole : « Le Pont-Neuf veut garder ses deux sens pour nous tous », les riverains échangent du café chaud, des gâteaux et des affiches, que l’on peut observer devant nombre de commerces :  « STOP au sens unique du Pont Neuf ». Le faubourg du Pont-Neuf, qui relie le campus et le CHU au centre-ville de Poitiers, connaît une circulation de plus en plus importante. Pour limiter le bruit, la pollution, et surtout l’insécurité pour les cyclistes, la mairie a expérimenté une circulation à sens unique en octobre 2021, qui pourrait devenir pérenne. Mais pour les manifestants réunis ce matin, cette mesure ne fait que déplacer le problème, quelques rues plus loin.

Repousser le problème aux rues adjacentes  

« Quand ils ont mis en place la circulation en un seul sens ; il y avait tellement de bouchons, je ne sais même pas si une ambulance aurait pu passer », se souvient Francis, riverain de la rue de la Pierre levée. Résultat, les automobilistes, empêchés de circuler sur le boulevard, ont emprunté les rues adjacentes : «  Mais c’est trop étroit, ils ne peuvent pas passer, les rues ne sont pas faites pour ça », observe ce retraité. Pour éviter les bouchons, il a adapté ses allers retours aux heures de pointe. Mais cela n’est pas possible pour tout le monde, note Anaëlle qui emmène ses enfants à l’école Paul Blé.

Théo Saget, conseiller municipal en charge de l'évaluation des politiques publiques reconnaît que certains endroits ont absorbé beaucoup de circulation, comme l’école Paul Blé, le boulevard Saint Cyprien ou encore les rues vers la prison. Pour les habitants du Pont-Neuf la circulation à sens unique a impliqué de faire des détours, pour rentrer ou sortir de chez eux : « je faisais 2,5 km en plus par jour. C’est comme si je roulais avec deux voitures et demi », observe le propriétaire de la pharmacie Oliveau. 

Pas de sens unique mais une circulation ralentie et une piste cyclable

Si la circulation à sens unique ne concerne concrètement que 700 mètre de faubourg, les commerçants ont observé une baisse de 20 à 40 % de leur chiffre d’affaire pendant la période d’essai, selon Stéphane Hamache, président de l’association des commerçants du Pont-Neuf. En sens unique, les automobilistes évitent de s’arrêter, la circulation étant encombrée.

Pour éviter des conséquences trop lourdes sur leur activité, les commerçants proposent de garder une circulation dans les deux sens, mais limitée à 30 km/h, installer un radar et créer une piste cyclable en supprimant vingt places de stationnement dans la montée du faubourg. Selon le pharmacien, « il y a des accidents quand il n’y a pas de circulation justement, car les cyclistes vont plus vite ».

Théo Saget, conseiller municipal en charge de l’évaluation des politiques publiques a également constaté que la circulation à sens unique a eu pour effet une accélération générale : « cyclistes et automobilistes roulaient plus vite, beaucoup de vélos prenaient le trottoir ». Pour Salem M’Rabet, président de l’association Vélo Taf, le sens unique a permis de protéger les cyclistes. 

« Aujourd’hui, si on revient sur la proposition qui a été faite, c’est une régression. En l’état actuel, les cyclistes passent par d’autres chemins car le faubourg n’est pas sécurisé ».

Salem M’Rabet, président de l’association Vélo Taf

L’association Vélo cité 86 est également pour une circulation à sens unique : «  on souhaite réserver la montée du faubourg aux vélos et aux bus ». Néanmoins, Salem M’Rabet a rencontré les commerçants et insiste : « Il n’y a pas de duel entre cyclistes et commerçants. On se rejoint sur l’idée d’aménagements forts pour sécuriser les cyclistes ».

Construire ensemble une politique publique globale

« On est tous sensibles à l’écologie, fait remarquer Anaëlle, propriétaire du commerce Bulle de bien naître.

« Il faudrait une vraie politique publique, avec une écologie sur le long terme, pas juste interdire la circulation, mais fédérer autour d’un projet qui inclus les vélos, protège les cyclistes. »

Anaëlle, propriétaire du commerce Bulle de bien naître

Elle regrette que les « commerçants passent pour des anti écolos » : « on emmène nos enfant à l’école à pied, on circule aussi à vélo ». Beaucoup ont observé que le débat sur la circulation à sens unique divise un quartier qui fonctionne « comme un petit village ». « A Poitiers, et particulièrement ici, il fait bon vivre, maintenant on sent monter des clans. Ce n’était pas comme ça avant », regrette Anaëlle. Salem M’Rabet, président de l’association Vélo Taf a rencontré les commerçants et comme eux, pense qu’il faudrait une « politique globale ».

"Ce n’est pas un duel entre commerçants et cyclistes. On est tous dans la même cité, on a tous les mêmes préoccupations".

Salem M’Rabet, président de l’association Vélo Taf

Garder le quartier dynamique tout en le sécurisant

« Le quartier a toujours été vivant, on ne veut pas qu’il meurt », soupire Bernard Beaudinière. Il vit rue du lavoir, une des rues parallèles au faubourg du Pont-Neuf. Accoudé à la boite aux lettres de la poste, sous son béret, ses yeux fixent la longue route du Pont- Neuf, qui relie le centre-ville aux CHU et au campus. « Ici, c’est une ville dans la ville. C’est la porte d’entrée de Poitiers, ça l’a toujours été ».

Ce retraité sait que beaucoup de personnes âgées vont chercher leurs courses en voiture, sur de petites distances. Le sens unique implique des détours qui pourraient les dissuader de continuer à vivre en autonomie. Bayach Moncef tient l’épicerie Epi Services, le long du boulevard. Il livre régulièrement des courses aux habitants âgés du faubourg. Pendant ces trois semaines d’essai, l’épicier a observé une forte baisse de fréquentation de son commerce et par conséquent de son chiffre d’affaires.

ça n’est déjà pas facile de rester ouvert jusqu’à très tard le soir. Si on applique le sens unique, je devrai me séparer de mon employé.

Bayach Moncef, propriétaire de l’épicerie Epi Services

 La mairie a recueilli plus de 350 propositions d’habitants du quartier du Pont-Neuf et environ 600 retours par mail et à la mairie. «  Toutes ont été étudiées par les élus », affirme-t-il. L’Expérimentation a confirmé que c’est un axe majeur pour les vélos et la circulation, avec 15 000 voitures environ qui passent dans les deux sens. Mais c’est aussi un axe important pour les vélos, avec 820 vélos qui passent habituellement. Lors de l’expérimentation du sens unique, la fréquentation des cyclistes a augmenté de plus de 30 %. Les conclusions de l’expérimentation seront rendues publiques le 28 février lors d’une réunion à laquelle les riverains seront conviés.    

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