“Ce que l’on fait n’a plus de sens” : des soignants témoignent de leurs conditions de travail à l'hôpital

Ce mardi 7 juin est une journée de mobilisation nationale pour l'hôpital public. Un appel entendu à Poitiers (Vienne), où les syndicats dénoncent les conditions de travail d'agents épuisés et le manque de moyens. Témoignages de soignants.

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Florent est aide-soignant depuis 2017. Il travaillait jusque-là dans les assurances et s’est reconverti pour être “dans l’humain” et se sentir “utile”. Après cinq ans au CHU de Poitiers, il ressent beaucoup de fatigue. “Je me rends compte que l’hôpital public est catastrophique”, déplore-t-il. 

"Je ne fais pas ce métier pour ça"

Ce mardi 7 juin, lui et ses collègues soignants ont répondu à l’appel de neuf syndicats et collectifs pour réclamer des hausses de salaires et d'effectifs. Florent insiste, ils se sentent “en souffrance”. “Ce qui me fait peur, ce sont les fermetures de lits. Rien que dans mon service, en gériatrie, on en ferme 11 cet été. On ne va pas avoir moins de malades pour autant !”

Aujourd’hui, ce qui est au cœur de l’hôpital public, c’est le pognon ! On ne peut pas mettre en opposition de l’argent et de l’humain, je ne fais pas ce métier pour ça.

Florent, aide-soignant au CHU de Poitiers

Les urgences, “révélateur du mal-être”

Faute de soignants, au moins 120 services ont été forcés de limiter leur activité ou s'y préparent, selon un décompte effectué par l'association Samu-Urgences de France, fin mai. Pour les syndicats, les urgences sont le “révélateur du mal-être” de l’hôpital, selon Catherine Giraud, secrétaire générale UD-CGT 86 et diététicienne au CHU de Poitiers. 

“On est sur le fil rouge en permanence avec des patients qui s’accumulent dans les couloirs et sur les brancards”, dénonce-t-elle. “Il y a un problème d’attractivité, il n’y a plus de sens au travail. On a l’impression d’être dans une usine où on court toute la journée, sans prendre le temps de communiquer avec les patients”.

Au CHU de Poitiers, elle assure qu’il existe “une pression managériale de la part de la direction”. L’UD-CGT 86 réclame l’arrêt des fermetures de lits. “Il faut rendre l’hôpital plus attractif avec de meilleurs salaires et plus d’effectifs.”

L'hôpital, "un château de cartes"

Certains craquent et quittent leurs fonctions. C’est le cas de Franck Texier, aide-soignant au centre hospitalier de Loudun pendant 38 ans. Lorsqu’il a commencé, sa motivation était celle de “rendre service à la population”, se rappelle-t-il. “On prenait en charge les patients de A à Z”.

Selon lui, les conditions de travail se sont dégradées en 2000 avec la fermeture de la maternité puis la fermeture de la chirurgie en 2006 et la dégradation des urgences en 2017. “L’hôpital, c’est un château de cartes. La première tombe et tout tombe derrière.”

On a le sentiment que ce que l’on fait n’a plus de sens. On travaillait avec envie, on avait des formations qui correspondent aux services. Aujourd’hui, on nous planifie comme des pions en gériatrie, en médecine ou aux urgences.

Franck Texier, ancien aide-soignant au CH de Loudun

Aujourd'hui, pour accéder au centre de soins non programmés (CSNP) de Loudun, la loi prévoit un appel au médecin régulateur via le 15 avant toute prise en charge. Chez les soignants, beaucoup sont inquiets que cette obligation ne s’étende partout pour filtrer l’accès aux urgences. 

Dans le Journal du dimanche, le député de Charente Thomas Mesnier, lui aussi urgentiste, défend l’idée. L’élu, membre de la majorité présidentielle et candidat à sa réélection, juge nécessaire de "se remettre en mode gestion de crise pour passer le cap de l'été", quitte à "recentrer" ces services "sur leur vrai métier, les urgences vitales". 

Un scénario "injouable" selon le président de l'Association des médecins urgentistes de France, Patrick Pelloux. Il prédit une explosion des appels vers des Samu "déjà débordés", avec un risque de perte de chance pour les patients.

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