11 % des logements français en seraient infestés, selon l'ANSES. Il n'y a pas qu'à Paris où les punaises de lit ont fait leur nid. Dans la Vienne, aussi, les professionnels de la désinsectisation multiplient les interventions contre ces petites bêtes qui ne transmettent pas de maladies, mais se nourrissent de notre sang.
C’est un appartement particulièrement encombré. Des sacs s’empilent dans les tous les coins. Anaël Gardes, aujourd’hui, intervient dans le logement d’une personne en grande précarité. Sa mission, éradiquer les punaises de lit qui ont pris possession des lieux. « Là, on a une juvénile au premier stade, celle qui bouge, là. » Ce spécialiste de l’éradication des nuisibles a soulevé le matelas et écarte les rebords d’une couture. La punaise de lit en question a la taille d’un pépin de pomme.
Ces insectes se réfugient dans tous les recoins, les interstices. Anaël Gardes retourne le lit et démonte les lattes du sommier. Plinthes, tuyaux, échancrures de portes, la petite bête adore les endroits cachés. « La femelle à reproduction traumatique », explique-t-il. « Quand elle subit un viol par le mâle. Et une fois fécondée, elle s’enfuit et change de cachette. L’infestation se propage. »
La première étape pour en venir à bout : désencombrer au maximum le logement : « Il faut qu’il y ait le moins de choses possible. Les textiles doivent être enfermés dans des sacs et traités à la machine à laver ou au congélateur. »
Bien penser aussi à évacuer les bibelots tout en les inspectant. Et gare aux livres ! La bestiole se réfugie facilement entre les pages. « C’est un travail très lourd », confirme Anaël Gardes. Et vient ensuite le traitement de fond : « On aspire pour enlever les punaises mortes, ensuite, on projette de la vapeur sèche ou on cryogénise. » À nouveau un coup d’aspirateur pour récupérer les cadavres et enfin arrive le traitement chimique. Mais ce n’est pas fini… « On reviendra quinze jours plus tard, après l’éclosion des œufs, car on n’est pas sûrs à 100 % d’avoir tué toutes les punaises du premier coup. »
Voyages et meubles d'occasion
Un chantier qui peut atteindre les 2 000 euros quand l’invasion est conséquente. De quoi faire frémir… « Il faut dédramatiser les choses », indique Estelle Perraud, cheffe du service de parasitologie et mycologie du CHU de Poitiers. « Les punaises de lit ne sont pas connues comme étant un vecteur de maladie. Le seul danger qu’elle représente, c’est la piqûre. Ce sont des insectes hématophages, c’est-à-dire qui se nourrissent du sang. »
Il n'empêche que les punaises de lit se répandent. Et l’hygiène du logement n’a pas forcément en cause. Même les grands hôtels sont touchés.
« On sait que depuis les années 2000, elles ont commencé à se disséminer dans toutes les grandes capitales », poursuit la professeure du CHU. « Elles ont deux modes de transport : elles sont capables de marcher un petit peu et de se rendre dans les bagages et les vêtements des gens. Ce qui les véhicule d’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre. Et leur autre moyen de diffusion, ce sont les vêtements et le mobilier de seconde main. Le fait de revendre des vêtements ou des meubles va propager les punaises. »
Et si un logement dans un bâtiment est traité et pas les autres, elles peuvent fuir dans ces derniers. Les punaises de lit ne sont pas un fléau moderne. L’insecte a toujours été là, à s’installer au milieu des humains. Mais aujourd’hui, on a banni les insecticides puissants - et toxiques - comme le DDT. Les nouvelles générations de produits chimiques sont plus douces avec l’environnement et la santé. Mais moins efficaces sur les punaises de lit. Et la petite bête en profite.
Et la terre de Sommières ?
Actuellement, la société d’Anaël Gardes a 30 chantiers en cours. Il est installé en Indre-et-Loire. Mais il intervient très souvent dans la Vienne. « Depuis janvier 2024, j’en suis à 280 infestations, rien que sur la région de Poitiers. » Contre 150 interventions en 2023.
Récemment, une étude scientifique a présenté la terre de Sommières comme un remède efficace contre l’insecte. Mais au CHU de Poitiers, on conseille encore d’attendre les études complémentaires avant de se précipiter à la droguerie du coin et d’en asperger son logement.