Coronavirus : le nombre de téléconsultations explose depuis le début du confinement

Des rendez-vous médicaux sans sortir de chez soi ? C’est le choix qu’on fait de nombreux patients depuis le début de l’épidémie. Une méthode qui rassure mais permet également aux plateformes d’e-santé de faire adopter cette pratique jusqu’alors très marginale.

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Livi, Maiia, Doctolib….Les téléconsultations ou consultations à distance avec un médecin viennent de voir leurs conditions d'exercice aménagées. L’objectif est de limiter le nombre de contaminations.
Et ça fonctionne. Leur nombre a explosé depuis le début du confinement remarque le Dr Yann Tierce, praticien sur Poitiers. Le 20 avril ce médecin a, par exemple, effectué 12 téléconsultations. "Les téléconsultations constituent désormais plus de 11% de l’ensemble des consultations contre moins de 1% avant la crise", a souligné la CNAM.

Une aubaine également pour les patients. Depuis le début de l’épidémie, certains n’osent pas sortir de chez eux, d’autres travaillent et n’ont pas le temps de se rendre au cabinet.

C’est super pratique, en plus on peut avoir le médecin qu’on veut et on est pas obligé d’avoir son médecin traitant.
- Charline Daubemont, patiente téléconsultante.

La jeune femme travaille dans la grande distribution et a réalisé sa première téléconsultation le 18 avril depuis son travail. Elle assure qu’elle en refera. D'autant plus que le prix d'une téléconsultation est le même que celui d'une consultation classique. 

Un phénomène majoré très nettement par l’assouplissement de la CNAM en matière de remboursement, note Philippe Boutin, membre de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). En effet, dans un décret du 10 mars, le remboursement de la téléconsultation par l’Assurance maladie ne sera plus conditionné par le passage par le médecin traitant. Les chiffres sont parlant. En février, la CPAM de la Vienne dénombrait 63 téléconsultations, 8.421 en mars. Au 21 avril, 14.096 téléconsultations ont été effectuées.

Nombre de téléconsultations dans la Vienne

Une pratique avec ses qualités…

Technologie oblige, la téléconsultation connaît un vif essor, notamment chez les moins de 30 ans, très demandeurs, remarque le Dr Yann Tierce. "Ils n’ont plus de temps, ne comprennent pas pourquoi il faudrait se déplacer et prendre un rendez-vous chez le docteur."
Charline Daubemont, 23 ans, le reconnaît, "On est tout le temps sur notre smartphone donc avoir un médecin en ligne et en visio, c’est parfait pour notre génération !"

L'autre avantage de la téléconsultation est celui de la rapidité du diagnostic. "Il y a deux ou trois jours, raconte-t-il, j’ai été face à un problème dermatologique. La personne a pris une photo et me l’a envoyé. J’ai envoyé la photo de la lésion à une collègue qui a pu poser un diagnostic. C’était très rapide."

Les rendez-vous sont plus courts, explique-t-il aussi. La partie administrative est écourtée. "Le patient ne perd pas du temps à chercher sa carte vitale, etc", le médecin n’a pas à examiner les malades mais cela lui demande d’être plus performant en interrogatoire.

On peut aussi se permettre de faire les consultations de chez soi, donc oui ça a des côtés pratiques, avoue le spécialiste.
- Yann Tierce, médecin généraliste

Margot Bayart, vice-présidente du syndicat de médecins MG France avoue ne pas avoir eu le choix concernant la téléconsultation. "C’était la meilleure façon de rester en lien avec nos patients et on avait nécessité de laisser les gens chez eux pour éviter la propagation du virus". En revanche, elle reconnaît que cette nouvelle modalité a permis la reconnaissance des consultations par téléphone, qui n’avait pas été reconnues comme tel.
Loin d’être une révolution la téléconsultation est un outil supplémentaire mais reste, pour de nombreux médecins, insuffisante. 

...Mais aussi ses défauts

"Il n’y a que nous médecins qui en voyons les limites. Autour de nous, tout le monde dit que c’est formidable", analyse le Dr Yann Tierce.
Des limites jugées importantes pour ce médecin généraliste. Pour lui, l’image amène peu d’informations.

Pour voir si les gens respirent bien ou non, c’est difficile de se faire une idée en vidéo. Quelqu’un qui a l’impression d’avoir du mal à respirer parce qu’il est en état de panique et quelqu’un qui respire vraiment mal, on ne le voit pas en vidéo.
- Yann Tierce, praticien sur Poitiers 

Un avis partagé par Charline Daubemont. "Le champ d’action du médecin est très limité, il ne peut pas nous toucher et faire un examen clinique approfondi". Elle affirme qu’elle reprendra un rendez-vous chez le médecin après la fin du confinement.

Pronée par le gouvernement, la téléconsultation intrigue mais effraie. Les médecins s’attendaient à une généralisation des rendez-vous à distance assure le docteur. Mais pour lui, la mise en place a été faite dans la précipitation. D’autant plus que la téléconsultation nécessite des équipements spécifiques et un accompagnement du médecin. Ce qui n’est pas toujours le cas.

Les entreprises nous ont laissé nous débrouiller. Ils nous ont donné deux tutoriels et c’est tout.
- Yann Tierce, médecin généraliste

Alors que dans son communiqué, Doctolib montre que, sur sa plateforme, les utilisateurs sont de tous les âges : "13,5% ont entre 0 et 17 ans, 9% ont entre 18 et 24 ans, 24% entre 25 et 34 ans, 21% entre 35 et 44 ans et 15% entre 45 et 54 ans et 17,5 % ont plus de 55 ans. Depuis le début de l’épidémie, 34% des patients de plus de 65 ans qui ont pris un rdv sur Doctolib l'ont pris en consultation vidéo", Yann Tierce rapporte que la plupart de ses patients qui ont utilisé la téléconsultation ont moins de 30 ans.
Selon lui, "la barrière numérique existe toujours" et les personnes âgées "n’arriveront pas forcément à s’y mettre".

Les utilisateurs de Doctolib sont de tous les âges

Vers une ubérisation du système de santé

L'épidémie de coronavirus bouscule les règles de fonctionnement du système de santé et profite aux plateformes de téléconsultations. En effet, grâce aux confinement, Doctolib, qui propose son service gratuitement à tous les médecins de France depuis le 5 mars, vient de dépasser la barre des 2,5 millions de rendez-vous pris en consultation vidéo.  Depuis 2019, l’entreprise Doctolib, le site de prise de rendez-vous à distance a étendu son activité, et propose la téléconsultation. Des activités qui prennent de l’ampleur et des entreprises qui augmentent les frais. Pour pratiquer la téléconsultation sur Doctolib, un médecin doit payer 79 euros par mois.

C’est en partie ce qui inquiète Margot Bayart. Si elle comprend qu’il y ait des frais, elle craint que les entreprises ne profitent du contexte pour augmenter les tarifs. "Une fois qu’on a utilisé l’outil, il va y avoir une dépendance, s’il devient payant, les médecins vont continuer à l’utiliser, on est pieds et poings liés. C’est une opportunité pour eux que d’investir le marché actuellement, une occasion unique."

Selon elle, le décret du 10 mars et le fait que le gouvernement autorise la téléconsultation hors médecin traitant est une erreur.

On va vers une marchandisation de la médecine, explique-t-elle, convaincue. Qu’est ce qui nous dis qu’après le confinement on ne s’affranchira pas totalement du médecin traitant. Rien et au contraire. 
- Margot Bayart, vice-présidente de MG France

Pour cette professionnelle de santé, ces plateformes vont continuer de proposer des téléconsultations pour un oui et pour un non, et les gens suivront. "C’est un consumérisme, une désorganisation et un gaspillage d’énergie et d’argent. Le patient va avoir mal à la tête il va appeler telle plateforme car il est remboursé. Ce n’est plus de la médecine, c’est de la consommation de soin !" s’insurge-t-elle.

Les médecins attendent par ailleurs, beaucoup du gouvernement. C'est le cas de Margot Bayart. "On voudrait un dispositif fiable, simple, contrôlé, sécurisé et gratuit. Avec un cahier des charges avec des éléments d’ordre public, dans un intérêt public et qui soit développé au niveau national. Les prix vont certainement augmenter à la fin de la crise s’inquiète-t-elle. Et l’état n’a rien proposé."

Pour elle ce n’est qu’une question de temps pour que patients et médecins deviennent dépendants de ces plateformes et que ces dernières n’aient la mainmise sur la profession.
 

 
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