Des comptes fleurissent sur les réseaux sociaux pour dénoncer les incivilités des automobilistes garés en ville. Sur les trottoirs, hors des places de stationnement, sur les pistes cyclables… des habitants ont décidé de s’emparer du sujet à coup de photos provocatrices.
Stickers, mots sur le parebrise, photos prises en flagrant délit… tous les jours, des habitants de Niort et Poitiers interpellent des automobilistes sur le non-respect des règles de stationnement. Et assument leur côté provocateur. "Un jour, j’en ai eu marre de marcher à côté des trottoirs pour emmener mes enfants à l’école", raconte Laurent*, créateur du compte @86euros_ sur Twitter.
Depuis octobre dernier, le père de famille prend sur son temps libre pour mettre en ligne un à plusieurs posts, où ils dénoncent les incivilités qu’il croise quotidiennement sur ses trajets. "Je ne fais pas ça pour le plaisir, le but c’est de montrer que c’est tous les jours la même histoire." La plupart du temps, les plaques sont masquées.
Il le répète, le but n’est pas d’entamer une chasse aux sorcières, mais de dénoncer des comportements gênants. "Je ne suis pas anti-voiture, rappelle Thierry, créateur du compte GCUM_Niort, acronyme de "Garé comme une merde". Il faut faire la part des choses, ceux qui posent problème sont ceux qui ne laissent pas la place aux piétons sur les trottoirs."
Une cagnotte fictive
En France, l’amende pour stationnement gênant s’élève à 135 euros. Pour justifier leur démarche, les créateurs des comptes ont alors décidé de lancer une « cagnotte fictive » : en comptabilisant toutes les voitures garées en infraction sur leurs trajets quotidiens, combien de temps faudrait-il pour amasser 100.000 euros ? La réponse est rapidement tombée à Niort : il faudrait pas moins d'un mois.
Dès qu’on touche à la voiture on est les méchants.
Thierry*, internaute en colère
"Cet argent n’est pas réel, aucune amende n’a été envoyée à ces automobilistes, mais ça permet de chiffrer le phénomène", soutient Laurent*. Avec ce genre d’action, la visibilité de ces comptes augmentent, en même temps que le flot de commentaires, positifs comme négatifs. "Quand on touche à la voiture, on est les méchants", déplore Thierry*. Le père de famille ne compte plus le nombre de messages haineux qu’il a reçu depuis l’ouverture de son compte. "C’est aussi pour cette raison que je préfère garder l’anonymat. Ce compte doit rester séparé de ma vie personnelle."
Bien qu’ils gardent leur identité cachée sur Twitter, les deux internautes n’ont pas peur d’aller à la rencontre des automobilistes en infraction, s’ils en croisent sur leur chemin. "Je me souviens d’une discussion houleuse avec la propriétaire d’une voiture sur laquelle j’avais laissé un stickers. Pour elle, pouvoir se garer au plus proche de sa porte d’entrée était un droit, car elle payait des impôts", se souvient Laurent*. Des discours qui le laissent perplexe. "La voiture a sa place en ville, comme tous les transports. Mais l’espace doit être partagé avec les piétons, les vélos, les personnes à mobilité réduites…" énumère Thierry*.
La collectivité silencieuse
Même s’ils ont très peu de contact entre eux, les créateurs de ces types de comptes sont d’accord sur un point : difficile d’obtenir une réaction de la part de la mairie. "Je n’ai jamais eu de retour de la part du maire de Niort, affirme Thierry*. Un élu m’a seulement proposé de créer une association mais ce n’est pas mon objectif."
De son côté, Laurent* renchérit : "C’est dommage car ces comportements sont contradictoires avec la bataille de la mairie pour développer les mobilités douces." Pour les deux hommes, la municipalité et la collectivité ont un rôle à jouer dans la prévention des automobilistes. "Il faut rappeler aux gens que se garer sur un trottoir ou une piste cyclable c’est mettre en danger des utilisateurs fragiles", préviennent-ils.
Contactées, les municipalités de Niort et Poitiers n'ont pas souhaité s'exprimer sur le sujet.
De nouvelles actions
Les deux hommes savent que leur combat est loin d’être gagné et n’imaginent pas le voir s’arrêter de sitôt. "Je me doute que beaucoup critiqueront notre manière de faire, mais si cela peut amener à réfléchir une ou deux personnes, c’est déjà une victoire", souligne Thierry*.
Laurent, quant à lui, ne compte plus coller de stickers sur les voitures mal garées, ce qu’il juge "un peu trop provocateur avec le recul". Mais il réfléchit à d’autres actions, "plus visuelles", qu’il mettra en place dans les prochains mois… sans jamais dégrader les véhicules pointés du doigt.
*Les prénoms ont été modifiés.