Les panneaux photovoltaïques se multiplient dans les exploitations agricoles. Cette production d'électricité est censée contribuer durablement à leur installation, leur maintien ou leur développement. Le gouvernement entend encourager cette pratique qui commence à se développer dans nos campagnes.
Installer des panneaux photovoltaïques sur son exploitation agricole : c'est le fonctionnement de l'agrivoltaïsme, qui se développe dans les campagnes françaises, et notamment en Poitou-Charentes.
Dans sa ferme des Deux-Sèvres, Alain Gamin produit une cinquantaine de légumes, mais aussi de l'électricité depuis 2021. Les panneaux recouvrent sa vaste serre de deux hectares. Cette dernière a coûté deux millions d'euros, financés à 90 % par l'industriel. Le maraîcher y voit aussi des avantages : "Le principal intérêt, c'est, à cette époque, au printemps, pour avoir de la précocité sur des cultures que l'on faisait en plein champ, avec beaucoup moins de pénibilité au travail", explique-t-il. "Après, l'été, c'est de planter justement des cultures comme des tomates, des aubergines, des poivrons, et ne pas avoir à blanchir nos serres, car ici nous avons 50 % de surface couverte par les panneaux photovoltaïques qui nous font de l'ombre l'été."
Augmenter la part des énergies renouvelables est désormais inscrit dans la loi, et dans les campagnes, l'agrivoltaïsme est appelé à se développer. Il se prête particulièrement aux activités de maraîchage, de viticulture et d'élevage ovin. Ce bouleversement, défendu par la majorité de la profession, inquiète aujourd'hui la Confédération paysanne. "Le risque, c'est que finalement, l'élevage ou les cultures, qui au début sont prévus sous ces panneaux, finalement soient abandonnés et qu'on ne se retrouve plus qu'avec ces panneaux et rien en dessous", alerte Élie Pontonnier, maraîcher et membre de la Confédération paysanne.
Sur ses modalités d'application, des zones d'ombre doivent encore être éclaircies par décret. Face aux incertitudes, la méfiance a gagné certains territoires. En Occitanie par exemple, le parc naturel régional du Haut Languedoc vient ainsi d'interdire toutes les installations jusqu'en 2027.
Des projets et des règles
Dans la Vienne, non loin de la centrale nucléaire de Civaux, l'agrivoltaïsme intéresse des agriculteurs de Valdivienne, où un projet d'envergure a ainsi vu le jour. "On est tous déjà en train de chercher des moyens de diversification", indique Simon Bourdin, agriculteur. "Maintenant, le projet ça fait deux ans, on est une dizaine qui est bien établie, donc il y aura certainement du maraîchage, il y a un groupe collectif ovin, il y en a qui vont faire de la grande culture individuelle."
Dans ce groupe, Thomas Rogeon, lui aussi agriculteur, se veut optimiste : "Avec les aléas climatiques qu'on a depuis quelques années, ça peut nous aider dans le maraîchage, juste pour éviter les gros coups de chaleur ou même des fois les effets de grêle ou les effets d'aléas climatiques."
Dans la commune, les réunions publiques se sont succédé ces derniers mois, et du côté de la mairie, le dossier est suivi avec beaucoup d'attention. La maire de Valdivienne, Claudie Bauvais, souhaite l'assurance "que cette terre reste bien agricole, qu'elle ne devienne pas industrielle, qu'on puisse toujours faire de l'agriculture parce qu'il faut bien nourrir tout le monde", s'inquiète-t-elle. "Ce qui nous fait peur, c'est l'impact visuel, parce que quand on propose sur notre commune, au départ 500 hectares, vous vous rendez bien compte que c'est énorme."
Dans les prochaines années, les projets devraient se multiplier, et un décret est attendu pour encadrer ces installations. Il devrait fixer des conditions claires, telles que l'obligation de conserver une activité agricole prédominante, mais aussi l'interdiction de dépasser 40 % de la surface agricole recouverte de panneaux ou d'observer une baisse de rendement supérieure à 10 %. En outre, il devrait être interdit d'installer ces panneaux directement au sol.
"Sur tout ce qui est surface naturelle, nous, on ne voulait pas aller là-dessus, on ne veut pas déboiser, on ne veut pas toucher ces zones-là, donc on a choisi de travailler plutôt avec les agriculteurs," souligne Joëlle Tarico, cheffe de projet agrivoltaïsme chez GLHD. "Les surfaces agricoles parce qu'il y a une synergie qui se met en place entre les panneaux et l'agriculture."
À Valdivienne, le dossier est encore en phase d'études. Dans le département, six projets ont été autorisés et 29 sont encore en cours d'instruction. C'est le pari que beaucoup entendent relever dans les prochaines années.