Les habitants de Saint-Savin (86) ont reçu, il y a quelques mois, un détail des analyses faites sur l'eau potable circulant dans la commune. Ils ont ainsi découvert que la teneur en atrazine-déséthyl, une molécule dérivée d'un herbicide interdit depuis quinze ans, dépassait la norme qualité.
Dans le secteur de Saint-Savin, dans la Vienne, certains habitants s'inquiètent. L'eau potable du département fait désormais l'objet d'une dérogation sur six communes.
La préfecture de la Vienne a en effet autorisé à ce que les teneurs en atrazine-déséthyl, une molécule dérivée d'un puissant herbicide dont l'utilisation est interdite depuis 2003, excèdent le 0,1 microgramme par litre, normalement autorisé. Cette valeur reste toutefois inférieure au seuil des 60 microgrammes retenu par l'autorité sanitaire.
Il n'y a pas de risques sanitaires à 60 microgrammes par litremême si on consommait deux litres par jour de cette eau pendant 60 ans. Ceci dit, trouver des pesticides dans l'eau, ce n'est pas normal et donc ce 0,1 microgramme par litre avait été fixé pour ça, par précaution, assure Daniel Hébras, ingénieur Agence régionale de Santé.
Depuis qu'il a été informé de cette dérogation, Michel Rideau, habitant de Haims (86), ne boit plus l'eau de son robinet :
Quand on a reçu la facture, il y avait le détail des analyses et à ce moment-là, ça a fait tilt. J'ai dit qu'on arrêtait tout car j'ai ma santé et puis je pense aussi aux petits enfants à qui on ne peut pas donner ce genre d'eau quand ils sont en vacances ici.
L'atrazine est bien connue des chercheurs car, comme de nombreuses autres molécules, elle se retrouve longtemps après son utilisation. Interdite depuis 15 ans pour sa toxicité potentielle, elle s'ajoute à plus de 220 produits que l'on retrouve dans l'eau potable. Des substances dont les scientifiques ne peuvent, aujourd'hui, exclure totalement la dangerosité.
Le problème, ce n'est pas tant la quantité totale mais cet effet cocktail. On ne sait pas si l'ensemble de ces substances, avec lesquelles on est plus ou moins en contact, peut conduire à l'émergence d'une pathologie car on ne sait pas si leurs effets vont s'additionner ou se catalyser les uns avec les autres lorsqu'elles sont mélangées entre elles, alarme Jérôme Labanowski, chargé de recherche au CNRS.
Aujourd'hui, ce cocktail de perturbateurs endocriniens inquiète les chercheurs, les associations de médecins, de malades et aussi de citoyens. Regroupés dans le réseau environnement santé, ils appellent notamment à revoir les normes de l'Agence régionale de santé, établies il y a plusieurs décennies.
En attendant, face à cette pollution d'origine agricole, le syndicat d'eau a été sommé d'agir par la préfecture de la Vienne. Pour continuer d'utiliser l'eau du captage incriminée, il va falloir la mélanger avec une eau prélevée à quelques kilomètres.Elles sont obsolètes du fait de la connaissance de la perturbation endocrinienne. S'il y a de plus en plus d'articles scientifiques autour de ces sujets, ce n'est pas pour rien. Il faut qu'on remette à plat toutes ces questions, martèle Serge Robert, délégué Nouvelle-Aquitaine du Réseau Environnement Santé.
Dix kilomètres de canalisations devraient être installés. Coût total de l'opération : près de deux millions d'euros. Mais cette solution ne permettra pas de faire disparaitre les traces de centaines de molécules déjà présentes dans l'eau potable de Saint-Savin.On va mobiliser deux ressources d'un territoire voisin, le comité local de Nalliers-La Bussière. Sur ce territoire, on a deux ressources qui sont "indemnes" au niveau des pesticides donc on va pomper ces eaux pour les acheminer dans les réservoirs du comité local de Saint-Savin, précise Pascal Levavasseur, directeur ingénierie Eaux de Vienne.
À la suite de cette annonce, les agriculteurs du secteur ont décidé de réagir : ils veulent changer leurs pratiques. Et c'est ce que nous verrons mercredi 30 mai, dans le deuxième volet de notre enquête.