Festival. "Il y a 400 cycles menstruels dans une vie" : les Menstrueuses veulent faire parler des règles

Du 21 au 26 novembre 2023, le festival Les Menstrueuses s'empare du sujet des règles et propose plusieurs événements pour évoquer ses enjeux politiques, sociétaux, économiques mais aussi scientifiques. Une semaine pour faire connaître un sujet encore tabou.

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"Franchement, elle est mignonne, celle-ci", s'exclame une étudiante en médecine, en désignant une protection hygiénique lavable. Dans un des bâtiments de l'université de Poitiers (Vienne), elle vient de découvrir un stand dédié à la précarité menstruelle. "La précarité menstruelle, c'est choisir entre faire ses courses ou acheter des protections menstruelles", explique Michèle, accompagnatrice sociale au CCAS de Poitiers. 

Mais la précarité menstruelle n'est qu'un des nombreux sujets abordés pendant une semaine par le festival Les Menstrueuses. "Nous sommes bien parties du sujet des discriminations, mais nous voulions aussi créer un espace de médiation scientifique", explique Marion Coville, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication. "Je suis spécialisée dans les nouvelles technologies, et comme les règles, on considère que ce sont des sujets de niche qui concernent peu de personnes."

On part des règles pour parler d'enjeux sociétaux et pas seulement de physiologie.

Marion Coville

Maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication

Faire sauter les tabous

"C'est aussi pour ça que le festival a été monté avec deux scientifiques, Marion Coville et Stéphanie Tabois, maîtresse de conférences en sociologie", détaille Héloïse Morel, médiatrice scientifique à l’Espace Mendès France – Poitiers. "À l'université, il y avait déjà des distributeurs gratuits de protections menstruelles, mais les règles recouvrent des sujets très larges."

Est par exemple évoqué sur un des stands de l'université le syndrome du choc toxique, causé par le port de protections menstruelles internes, comme des tampons. Sur le stand du Centre d’Informations en Droits des Femmes et des Familles de la Vienne (CIDFF), les curieux peuvent resituer les différentes parties des organes génitaux féminins et masculins. 

Une démarche ludique à laquelle se prête de bon cœur Éliane Thiébaut, journaliste et autrice en 2017 du livre Ceci est mon sang. Petite histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font (La Découverte). Depuis six ans, "c'est spectaculaire, la façon dont c'est devenu un sujet considéré comme légitime", se réjouit Élise Thiébaut. "Quand j'ai sorti mon livre, les magazines féminins n'en parlaient que sur internet. C'est un sujet qui touche à la dignité et à l'intégrité de la personne. Mais on continue à le considérer dans la plus grande indifférence." 

Plusieurs supports pour toucher des publics variés

La journaliste suit le festival depuis sa création en 2021 et elle en est cette année la marraine. "C'est rare que j'apprenne des choses dans ce genre d'événements, mais aux Menstrueuses, j'apprends toujours quelque chose", se félicite-t-elle.

La dimension scientifique est donc pour elle un élément très important de la programmation. "Ce qui m'a touchée, ce sont les recherches scientifiques sur le sujet, pour sortir du sujet de société qui a déjà été traité ailleurs", poursuit-elle. "Il y a pourtant des cellules souches dans le sang menstruel. L'endométriose, le syndrome des ovaires polykystiques, restent sans traitement et mal diagnostiquées." 

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Avec le festival, on peut faire pression pour débloquer des crédits de recherche.

Élise Thiébaut

Journaliste et autrice

Elle tient à rappeler que les femmes "connaissent 400 cycles menstruels dans leur vie, soit 28 000 jours. Les règles sont un sujet politique qui n'a pas été pris au sérieux. Il faut créer un espace de conversation publique."

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Ce jeudi 23 novembre 2023, une journée de conférences est par exemple organisée à l'espace Mendès-France de Poitiers, sur le thème des "nouveaux essentialismes". "C'est vraiment la nouveauté cette année, la société est scindée par ces discours, sur le wokisme par exemple", précise Héloïse Morel. "Nous, on veut se poser pour réfléchir et analyser ces discours."

Le festival mélange les sphères scientifiques, sociétales et artistiques pour attirer des publics variés et créer la réflexion sur le sujet des règles. Ce jeudi 23 novembre, le public dans un des amphithéâtres de l'Inspé est néanmoins très féminin. Louis, auditeur libre à l'Inspé, est venu à la conférence "Tampons, serviettes, applications : une marchandisation des règles", presque par hasard. "C'est surtout parce que c'était dans les mêmes locaux", déclare-t-il. "Ma mère était sage-femme alors, vous comprenez..."

La conférence a été animée par la philosophe Jeanne Guien qui décrit les règles comme un "fait social total". "Les protections menstruelles sont des produits jetables, mis sur le marché pour répondre à la demande de femmes considérées comme passionnées d'hygiène et de beauté, et angoissées par leurs flux et leurs sécrétions", énumère-t-elle.

Vendredi 24 novembre 2023, une sortie de résidence artistique est présentée à l'espace Mendès-France de Poitiers. L'œuvre aborde les liens entre le corps, considéré comme monstrueux et le rapport au sang. D'autres événements sont prévus jusqu'au 26 novembre, notamment une soirée "Bloody boom", organisée au Confort moderne.

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