Inceste. Le combat d'une mère pour protéger sa fille : "Je me bats face à une justice qui préfère fermer les yeux"

Angelina Agius a fait appel du jugement des affaires familiales : elle refuse de remettre sa fille de 4 ans à son père. Il a été condamné à 18 mois de prison en juillet 2023. Il a été jugé coupable d'agression sexuelle incestueuse sur mineur, dans une autre affaire. La maman se sent seule et pousse un cri d'alarme pour la protection des enfants.

"Je me bats pour la sécurité de ma fille, face à une justice qui préfère fermer les yeux", s'indigne Angelina Agius. Cette mère se bat pour que son ex-compagnon, condamné pour des faits de violences sur sa fille aînée mineure, n'obtienne pas de droit de garde sur leur fille de 4 ans. "Je ne peux pas laisser ma fille à un prédateur", insiste-t-elle. 

La tragique histoire de cette mère débute le 7 janvier 2020. Ce jour-là, sa fille aînée alors âgée de 9 ans confesse que son beau-père, l'ex-compagnon d'Angelina, lui a "touché les parties intimes". À ce moment-là, Angelina n'hésite pas "une seule seconde" : elle porte plainte et quitte le domicile avec ses trois enfants – deux d'une précédente union et sa fille de 8 mois dont le père est donc l'homme accusé. 

"Cela a commencé à ses 6 ans, il lui disait que si elle en parlait, il me tuerait". Lors du jugement, en juillet 2023, l'homme a été condamné à 18 mois de prison, dont 9 mois de prison ferme avec bracelet électronique pour "agression sexuelle incestueuse sur un mineur de moins de 15 ans", selon les documents consultés. Verdict qui n'a pas encore été appliqué. "Il peut encore s'approcher de ma maison", s'inquiète Angelina Agius. 

"Je préfère prendre le risque d'aller en prison plutôt que de la mettre en danger"

Mais entre-temps, c'est une autre histoire qui se joue. Celle de leur fille en commun, aujourd'hui âgée de bientôt 5 ans. Son père demande un droit de garde. Et pour l'instant, la justice tranche en sa faveur. "À leurs yeux, ce n'est pas sa victime donc il n'y a pas de risque, ils privilégient le lien paternel avec l'enfant".
Parmi les documents consultés, une expertise psychologique réalisée sur le père indique que les faits pourraient se reproduire.

Selon le dernier jugement rendu, le 8 décembre 2023, par la juge aux affaires familiales, l'homme aurait un droit de visite pendant 6 mois, qui évoluerait sur un droit d'hébergement. "Ce n'est pas acceptable de ne pas prendre en compte les éléments qui montrent que ma fille est en danger avec lui", déclare la mère, très émue.

"La loi m'oblige à protéger mon enfant, donc je ne suis pas hors-la-loi". Pourtant, en refusant de présenter sa fille à son père, Angélina le sait, elle risque gros. "On m'a menacé de me mettre en prison", assure-t-elle, "mais, je n'ai pas le choix, je préfère prendre le risque plutôt que de la mettre en danger". Angélina a donc fait appel. "On me fait passer pour une folle qui voit le mal partout et qui manipule mes enfants. Je suis fatiguée de tout ça, je n'en dors plus, je veux juste la sécurité de ma petite". 

Si je lui confie ma fille et qu'il se passe quelque chose, on va me reprocher d'avoir offert une potentielle victime à un pédophile. Mais si je ne lui confie pas, on m'accuse de manipulation et de le priver de son droit de garde.

Angélina Agius

Mère de trois enfants

L'injonction paradoxale pour les mères, un frein à la protection des enfants

Selon Edouard Durand, magistrat et ancien président de la Ciivise, la commission d'enquête sur l'inceste, et indépendamment de cette affaire, il existe une "injonction paradoxale" pour les mères protectrices. "On leur demande de protéger leurs enfants et on les accuse de mentir ou de manipuler leurs enfants si elles dénoncent. Mais si elles ne font rien, on les accuse de complicité ou de négligence", déclare-t-il. Les mères sont en fait victimes d'un système judiciaire qui n'est pas adapté.

Si on veut renforcer la culture de la protection des enfants, il faut sortir de ces injonctions paradoxales et, évidemment, quand on est en présence d’un homme qui a déjà été condamné pour des faits de violences, c’est un indicateur très précis de dangerosité pour les enfants.

Edouard Durand

Magistrat et expert des questions de la protection de l'enfance

En 2021, la Ciivise, qu'il présidait, a préconisé le retrait systématique du retrait de l'autorité parentale dans le cas d'une condamnation. Après cette recommandation, Isabelle Santiago,députée Socialiste et apparentés, a fait une proposition adoptée au parlement. Il s'agit de la loi du 18 mars 2024, qui "devrait questionner le maintient de l'autorité parentale sur l'enfant victime ou sur les autres enfants".

" Le casier judiciaire qui démontre la culpabilité pour des faits de violences doit être pris en compte pour qualifier les capacités parentales et s’il s’agit de violences intimes d’autant plus. Protéger, c'est anticiper le risque. Quand un homme a déjà commis des violences sexuelles incestueuses, c'est un indicateur de risque", conclut Edouard Duran, auteur de "160 000 enfants : violences sexuelles et délit social". Pour rappel, en France, un adulte sur dix a connu l'inceste, selon les associations.

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