Auguste est étudiant à Poitiers. Il est aussi transgenre. Problème : son prénom de naissance (féminin) est utilisé par ses professeurs. Une situation qui lui pèse et qui l'embarrasse quotidiennement. Témoignage.
"Tous les jours, je vais en cours avec la peur d'être humilié." C'est par ces mots que Auguste, étudiant en troisième année de fac de psychologie à Poitiers, décrit son quotidien. Auguste, 21 ans, est transgenre, c'est-à-dire que son apparence et son mode de vie sont différents de son sexe de naissance. Autrement dit, Auguste est né avec un sexe féminin et, officiellement, est toujours une femme (son changement à l'état civil est en cours).
Sur les listes d’appel des enseignants figurent ses prénom et patronyme de naissance. Pour celui qui est devenu Auguste, il faut - trop - souvent expliquer, publiquement, qu’elle, c’est bien lui :
Alors oui, il y a des professeurs qui comprennent et qui, au cours suivant, l'appellent par son prénom d'usage, mais il y aussi ceux qui oublient. Auguste appréhende déjà la fin d'année et les partiels. Non pas pour les résultats mais parce qu'il sait qu'il va devoir s'approcher devant tout le monde dans l'amphi à l'appel de son prénom. "C'est un moment stressant et, encore une fois, humiliant. Je sais que je ne pourrai pas y déroger."Je dois sans cesse me justifier. C'est rabaissant. Je n'ai pas honte d'être transgenre mais je n'ai pas pour autant envie de le crier sur tous les toits.
"Faire bouger les lignes"
Auguste est actuellement en train de chercher un stage. Et là encore, ça coince. Son adresse mail universitaire qui est générique (prenom.nom@univ-poitiers.fr) reprend ainsi son prénom de naissance, et non son prénom d'usage. "Quand je rédige le mail, je me sens dans l'obligation de préciser que je suis transgenre parce que j'utilise le masculin pour parler de moi. Et bien sûr, ça crée une discrimination", raconte-t-il un peu désemparé. Et lorsque les cours sont terminés, là encore, pour simplement aller au cinéma et payer une place au tarif préférentiel, il doit présenter sa carte étudiante et donc, montrer patte blanche.Facebook Post – Untitled Design by mary.sohier
Dès son inscription à la faculté, Auguste a demandé à changer le prénom sur ses documents étudiants. Face à lui, une stagiaire qui demande alors à sa responsable de l'administration. Auguste se souvient de la réponse au mot près : "Elle n'a qu'à changer ses papiers d'identité si elle veut qu'on l'appelle comme ça." Un "elle" qui a "glacé" Auguste. "J'ai un ami transgenre qui a arrêté ses études parce qu'il ne supportait pas cette pression administrative. Ce n'est pas normal", ajoute-t-il. Et cette situation ne serait pas isolée. D'après Solidaires étudiant-e-s, une personne trans sur six (15 %) abandonnerait ses études à cause de problèmes d'harcèlement et d'humiliation.
Pour autant, Auguste se dit "motivé à faire bouger les lignes". D'ailleurs, dans certaines filières de l'université de Poitiers, l'administration aurait fait les changements nécessaires. Mais alors quelle est la position officielle de l'université ? "Il n'y en a pas, enfin pas encore", répond Yves Jean, président de l'Université de Poitiers. Je n'avais pas connaissance de cette situation. Une chose est sûre, je m'engage à prendre une position officielle dans les semaines qui viennent."
Des initiatives ailleurs
Certaines universités ont franchi le pas en France. C'est notamment le cas de Lille, Rennes 2 ou Tours. L'université François-Rabelais, en région Centre-Val de Loire, a fait les gros titres de la presse à la rentrée 2017 : elle s'est engagée à faciliter le quotidien des personnes transgenres. Désormais, les étudiants tourangeaux peuvent choisir un prénom différent de celui de leur état-civil. Et ce dès l'inscription à la fac.Listes d'appel, carte étudiante ou encore adresse mail universitaire... le prénom d'usage est apposé sur tous les papiers de l'étudiant. L'université est même allée encore plus loin en instaurant des toilettes non-genrées dans les différents sites universitaires. Des "progrès importants pour les personnes transgenres", d'après Auguste qui dit "oser rêver pareille situation à Poitiers." Réponse dans les semaines à venir...