Un local de rétention administrative ouvrira ses portes à Rouillé, dans la Vienne, au début de l'année 2025. Des étrangers en situation irrégulière pourront y transiter avant d’être expulsés ou conduits en centre de rétention. Une implantation qui fait réagir le maire de la commune et la Cimade, une association d'aide aux migrants.
Pour la commune, cette annonce est un vrai choc. Au début de l'année prochaine, l'ancienne gendarmerie de Rouillé, qui a fermé ses portes en 2018, va devenir un local de rétention administrative. Ces bâtiments sont destinés à recevoir de manière temporaire des étrangers en situation irrégulière en attente de leur transfert dans un centre de rétention administrative.
"L'État a choisi ce lieu et on ne nous a pas dit pourquoi"
Derrière ces grilles vertes, jusqu’à six hommes, étrangers et sans titre de séjour, pourront être détenus. Les autorités peuvent garder ces détenus jusqu'à quatre jours au maximum, avant un transfert ou une expulsion. Le maire de la commune de Rouillé dans la Vienne, Jean-Luc Soulard, avait un projet bien différent afin de réhabiliter cette infrastructure. "Il y a quelques années, ce bâtiment était une gendarmerie motorisée. La caserne est restée comme elle est. Il n'y a pas si longtemps, avec les communes rurales souffrant d'un déficit de gendarmes, on avait proposé d'installer une caserne sur ce lieu-là. Nous manquons de gendarmes, on a de la primo-délinquance, des incivilités, des cambriolages... Nous avons un vrai besoin."
Depuis la demande de permis, il y a des questions qui se posent et la population s'inquiète, tout en sachant que la commune n'a pas eu son mot à dire sur ce sujet.
Jean-Luc SoulardMaire de Rouillé (SE)
Même le maire de cette commune n'était pas au courant de l'existence de ces locaux de rétention administrative. "Je ne connaissais pas du tout. Depuis la demande de permis, il y a des questions qui se posent et la population s'inquiète, tout en sachant que la commune n'a pas eu son mot à dire sur ce sujet. C'est l'État qui a choisi ce lieu et on ne nous a pas dit pourquoi."
L'aménagement de ce lieu de transit, situé en bordure d'autoroute, a déjà commencé. D'après un courrier administratif reçu par Jean-Luc Soulard, "les modifications sont l'installation d'une clôture d'une hauteur de deux mètres, avec la création d'un portail et un remplacement de certains vitrages pour y faire un local de rétention administrative." Ce local doit être opérationnel pour le mois de janvier 2025. Puisque les locaux appartenaient aux Autoroutes du Sud de la France, la commune n'a eu aucun mot à dire sur ce sujet.
Rouillé, une commune avec un emplacement stratégique
La commune de Rouillé n'est pas choisie au hasard par l'État : la ville est un point stratégique précis entre le département de la Vienne et des Deux-Sèvres. Son implantation va dans le sens des objectifs du gouvernement en matière d’immigration : la France vise 3 000 places de rétention administrative d'ici à 2027. La région de la Nouvelle-Aquitaine compte actuellement 64 places : pour 2026, elle disposera de 190 places, soit le triple de la capacité actuelle.
Il s'agit de l'enfermement invisible. Tous les ans, on établit un rapport, mais le ministère de l'Intérieur ne communique jamais sur le nombre de personnes présentes dans des locaux de rétention administrative.
Guillaume MarsallonDélégué national de la Cimade en région Centre-Ouest
Spécialisée dans la défense des droits des migrants, l’association la Cimade dénonce l'opacité qui entoure la rétention. "Il y a de plus en plus de centres de rétention en France. Il s'agit de l'enfermement invisible. Tous les ans, on établit un rapport, mais le ministère de l'Intérieur ne communique jamais sur le nombre de personnes présentes dans des locaux de rétention administrative. C'est vraiment de l'invisibilité absolue, ce qui pose une vraie question en tant qu'État de droit", précise Guillaume Marsallon, délégué national de la Cimade en région Centre-Ouest.
Voir notre reportage :
La Préfecture n'a pas souhaité répondre à notre demande d'interview. Dans un communiqué, elle précise que 509 personnes ont fait l’objet d’une mesure d’éloignement cette année 2024 dans la Vienne, dont 99 ont été expulsées.