Pessac : polémique autour du projet de construction du futur centre de rétention pour étrangers

C'est un choix de la préfecture de la Gironde qui déclenche la colère dans un quartier pavillonnaire de Pessac près de Bordeaux. L'Etat veut y construire l'un des plus grands centres de rétention administrative de France, pour y accueillir des étrangers en situation irrégulière. Un collectif de riverains tente de se faire entendre. Une réunion publique doit se tenir ce 21 février à 19 heures.

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Ce centre devrait d'ici 2024 remplacer celui qui se trouve actuellement dans des locaux du Commissariat de Bordeaux. Le projet prévoit 140 places où seront retenus les étrangers en situation irrégulière en attente d’expulsion, dans un bâtiment où 210 fonctionnaires travailleront également pour encadrer cette population. 

Un projet qui devrait coûter 23 millions d'euros que les habitants du Monteil, une zone pavillonnaire dans la banlieue de Bordeaux et proche de la rocade, voient d'un très mauvais œil. Surtout qu'ils ne l'ont appris que récemment. Il prévoirait la construction d'un bâtiment en bordure de Rocade (sortie 13), entre l'avenue du Bourgailh et la rue Cicéron.

Déjà, le voisinage semble mobilisé. Il faut dire que les habitants du quartier du Monteil à Pessac, où se trouvent 124 habitations, n'ont eu connaissance du projet qu'il y a une dizaine de jours. Dès le vendredi 18 février, les habitants du quartier étaient spontanément descendus dans la rue pour protester. Ils s'inquiètent des éventuelles nuisances que cela pourrait occasionner, de la destruction d'un bois mais aussi de la dépréciation potentielle de leurs propriétés.

"On a fait construire nos maisons il y a 50 ans, c’étaient des bois, on était dans une résidence calme, sereine, gaie, et ça nous fend le coeur", dit Cathy Laporte, habitante du quartier. "Ce n’est pas honnête de nous mettre et la rocade, et cette construction au même endroit. Surtout qu’on n’a jamais créé des centres comme ça dans des terrains qui sont entourés de pavillons" affirme par ailleurs une voisine, Marie-Claude Letemple.

Plus largement, c'est un "déni de démocratie" que dénonce le comité du quartier par l'intermédiaire de son président Jean-Claude Juzan : "Nous ne pouvons pas admettre que les habitants ont été ignorés pendant toute cette période d’études qui a eu lieu depuis quelques années.”

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C'est un choix de la préfecture de la Gironde qui déclenche la colère dans un quartier pavillonnaire de Pessac près de Bordeaux. L'Etat veut y construire l'un des plus grands centre de rétention administrative de France pour y accueillir des étrangers en situation irrégulière. Un collectif de riverains tente de se faire entendre. Une réunion publique doit se tenir ce 21 février à 19 heures. ©France 3 Aquitaine

Reportage de Jean-Pierre Stahl, Pascal Lécuyer et Rémi Grillot

Mobilisé depuis le lancement du projet en avril 2020, le maire Franck Reynal regrette l'absence d'alternatives, l'Etat étant le seul décideur en la matière. "Estimant que ce n’était pas le bon lieu, je me suis mis en devoir de trouver une autre solution, mais elle n'a pu être retenue pour des raisons réglementaires, rappelle-t-il. L’Etat a confirmé son souhait d’implanter ce centre de rétention administrative sur Pessac, ce qui ne me ravissait pas mais ce dont j’ai dû prendre acte, puisque c’est sur un terrain qui appartient à l’Etat et que c’est une procédure purement étatique, dans laquelle le maire n’a pas à signer de permis de construire."

La préfecture inflexible

Depuis, d'autres terrains, d'une surface totale de 44 000 m², se sont libérés sur un bioparc entre Pessac et Mérignac, plus proches de l'aéroport. Le nouveau projet a été présenté par Franck Reynal et des collectifs d'habitants à la préfète Fabienne Buccio, le vendredi 18 février. "C'est une nouvelle voie qui me semble être adaptée, en tout cas en l’état de mes connaissances réglementaires et des études qui ont été menées jusqu'à présent", avance le maire.

Une voie que ne compte pas suivre la préfecture, qui reste sur sa position. "On bute sur les mêmes difficultés qu’on a examinées pendant six mois de façon très approfondie jusqu'à mars 2021, suite à quoi on a eu un échange de courriers qui a acté le fait qu’on ne pouvait pas construire sur ce site d’abord pour des raisons d'espèces protégées, affirme Martin Guespereau, préfet délégué pour la défense et la sécurité. Il y a aussi une route qui passe au milieu du terrain, des postes électriques sous terre, une ligne aérienne plus importante encore qui passe au-dessus... Il y a beaucoup de contraintes dans ce site."

Quid du fait de construire ce centre sur un site urbain ? "Ce n’est pas du tout le seul site à assurer ce genre de fonctions en zone urbaine, répond Martin Guespereau. Par exemple, nous avons un autre site à Hendaye qui est un CRA au milieu de maisons et de petits collectifs, où on retrouve tout à fait le même type d’ambiance."

Dans l'impasse, les habitants organisent une réunion publique à laquelle ils ont convié le maire, ce lundi soir à 19 heures à la salle de France, située rue Anatole France à Pessac. Ils poursuivront les débats et envisagent de monter un collectif.

Plus nombreux, plus longtemps

Il faut dire que le sujet est sensible. Le CRA de Bordeaux est trop petit. C'est d'ailleurs le plus petit de France, situé dans les sous-sols du commissariat central de Bordeaux. Il peut accueillir 20 personnes, pour une durée en moyenne de 13 jours.  
L'entrée en vigueur en 2019 de la nouvelle loi "asile et migration" visait à allonger la durée de rétention en augmentant le nombre de placements. 
Ces dernières années et notamment avec la crise sanitaire, les conditions de rétention, le nombre d'étrangers retenus, à Bordeaux et Hendaye, ont fait l'objet de critiques de la part de la Cimade (Comité inter-mouvements auprès des évacués, association de soutien au migrants). L'association disait avoir constaté en 2020 que cette "augmentation du nombre de personnes enfermées, couplée avec une durée de l'enfermement rallongée s'est soldée par davantage de violences, des actes d'automutilations, des actes de désespoir et également des émeutes et des altercations avec l'administration".

C'est quoi, un centre de rétention administrative ?

D'après le site du gouvernement, "la rétention administrative permet de maintenir dans un lieu fermé (le CRA) un étranger qui fait l'objet d'une décision d'éloignement, dans l'attente de son renvoi forcé. La rétention est décidée par l'administration. Elle peut être prolongée par le juge, lorsque le départ immédiat de l'étranger de France est impossible". Pour autant, cette rétention doit respecter un cadre : "elle ne peut pas dépasser 90 jours (sauf en cas d'activités terroristes). L'étranger retenu dispose de certains droits et peut recevoir l'aide d'associations".

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