Le chantier du château de la Mothe-Chandeniers, aux Trois-Moutiers (Vienne), est en suspens depuis quelques mois. À l'initiative de sa restauration via un financement participatif, l'entreprise Dartagnans cessera le 9 novembre toute activité liée au crowdfunding. Une situation qui interroge actionnaires et bénévoles.
Connu pour avoir lancé le projet de restauration du château de la Mothe-Chandeniers (Vienne), l'entreprise française Dartagnans met fin à toute activité liée au crowdfunding, autrement dit au financement participatif. Cette dernière a annoncé, via un communiqué, fermer le site dartagnans.fr et dartagnans-invest.fr. La société change définitivement de casquette et devient opérateur touristique.
Romain Delaume, co-fondateur et directeur de Dartagnans, donne quelques précisions sur cette nouvelle directive. Désormais, l'entreprise va gérer "l'entretien, les travaux, les évènements publics et privés, la programmation culturelle et la location des lieux, dans le cadre d’un mariage, d'un anniversaire ou pour des entreprises".
Il explique ce choix après avoir reçu l'étoile du guide vert Michelin. Mettant en avant le patrimoine culturel et naturel régional, Romain Delaume estime avoir "eu un vrai déclic". "Quand on multiplie les casquettes, on est moins pertinent : c'est pour cela que l'on préfère recentrer notre activité sur l’opération touristique".
Un chantier mis en suspens
Une question demeure. Qu'en est-il de l'avancement du chantier ? Au moment du lancement du financement participatif, en 2018, Romain Delaume dévoile que "plus de cinq millions d'euros de fonds propres, dont un million dédié à la sauvegarde et la restauration du château, ont été investis".
Cinq ans plus tard, cette bâtisse, appartenant aujourd'hui à plus de 30 000 actionnaires habitant le monde entier, dénommés co-châtelains, attend d'être réédifiée. D'autant plus que peu de travaux ont été réalisés au cours de l'année 2023.
Actionnaire du château de la Mothe-Chandeniers, François Hossin a "lâché les chantiers bénévoles" en janvier 2023. "Je me suis énormément investi dans l’aventure de ces chantiers, et impliqué fortement dans la vie de ce château", ajoute-t-il. "Au départ, nous étions trois responsables sur ces chantiers bénévoles. Un des responsables qui était parti, est revenu en voulant reprendre les choses en main, ça ne s’est pas très bien passé entre nous".
Les bénévoles se sont fâchés entre eux. Il y a même eu des plaintes et des mains courantes déposées à la gendarmerie.
Romain DelaumeCo-fondateur et directeur de Dartagnans
Face à cette impasse, la société Dartagnans avait "repris en main les chantiers bénévoles, le temps de deux week-ends depuis le début de l'année 2023", indique François Hossin. Une décision que lui et certains co-châtelains n'ont pas appréciée. "Dartagnans a autorisé des choses que nous n’avions pas le droit de faire. Certains avaient accès aux cuisines et à des lieux dans lesquels nous, bénévoles, n'avions pas le droit de pénétrer".
Romain Delaume estime que, lui et son entreprise, ne sont "pas là pour faire la police ou faire le juge. Ce groupe de bénévoles a décidé d’arrêter les chantiers, car ils se sont fâchés entre eux. Il y a même eu des plaintes et des mains courantes déposées à la gendarmerie". Il évoque même des agressions verbales et physiques.
Des bénévoles qui se questionnent
Architecte basé à Poitiers, François Hossin est présent sur le chantier du château de la Mothe-Chandeniers depuis plus de quatre ans. Au vu du ralentissement croissant de la mise en place de chantier, il a "commencé à douter" : "des décisions ont été prises sans que l’on ne soit au courant. J’ai mis quelques commentaires sur le site internet du château, géré par Dartagnans, ça n'a pas été très apprécié".
Une situation qui a récemment pris de l'ampleur. "Dimanche matin, on — François Hossin et quelques co-châtelains — a été viré des quatre sites internet des châteaux". En effet, tous les actionnaires ont accès à un espace qui leur est consacré.
"On est tous un peu sur le cul. Pas un mot de remerciement sur notre investissement... En plus, ils veulent nous fixer une interdiction de rentrer sur le château et sur le site. C’est une situation rocambolesque, explique François Hossin, quelque peu désemparé. Je suis blessé. La confiance, quand elle est partie, c'est fini. On ne va pas pleurer, mais on est déçu, on ne revivra plus les bons moments que l’on a passés, avec la communauté de gens que l’on a cultivée pendant quatre ans".
"En droit de savoir un minimum de choses"
Prochainement, l'entreprise Dartagnans va lancer sur les quatre sites dont elle est l'unique opérateur touristique — les châteaux de la Mothe-Chandeniers (Vienne), Ebaupinay (Deux-Sèvres), Vibrac (Charente) et Boulogne-la-Grasse (Oise) — la construction d'écolodges.
Des hébergements touristiques limitant leur impact environnemental. Un projet qui devrait voir le jour "d'ici à quelques semaines", précise Romain Delaume. Mais pour financer ces constructions, il faut de l'argent.
Romain Delaume nous envoie ses avocats.
François HossinActionnaire et ancien responsable du chantier du château de la Mothe-Chandeniers
Plusieurs co-châtelains, comme François Hossin, n'ont pas hésité à mettre la main au porte-monnaie. Ce dernier considère qu'il mérite plus de clarté, et de savoir où vont réellement ses liquidités. "J’estime que, lorsqu’on nous demande de l’argent pour faire un achat ou pour financer des travaux, on est en droit de savoir un minimum de choses. Ce n’est pas comme si on était actionnaire chez Total ou Apple".
Des débats houleux qui ont atteint un point de bascule entre les bénévoles de longue date et le groupe Dartagnans. "Il [Romain Delaume] nous envoie ses avocats", confie François Hossin. Simple dissuasion ou réelle menace, les travaux devraient cependant être "relancés, d'ici à 2024", souligne Romain Delaume, co-fondateur de Dartagnans.
