En Poitou-Charentes, le personnel politique réagit sans grand enthousiasme à la nomination du nouveau Premier ministre, le centriste François Bayrou.
"Pour tout vous dire, moi je souhaitais plutôt que ce soit Bernard Cazeneuve qui soit nommé à Matignon parce que je pensais qu'il fallait quelqu'un du centre gauche pour essayer de rassembler des socialistes jusqu'aux gaullistes."
La déclaration d'Olivier Falorni, invité ce 14 décembre dans le 19/20 sur France 3 Poitou-Charentes, a de quoi surprendre de la part du député de Charente-Maritime. Ancien cadre du Parti Socialiste, il a rejoint le groupe les Démocrates à l'Assemblée nationale après les élections législatives anticipées de juin dernier. Un groupe parlementaire centriste, composé essentiellement de députés du MoDem de François Bayrou.
"Mais François Bayrou est un homme d'expérience, c'est un homme de consensus, et j'espère sincèrement qu'il réussira", tempère-t-il aussitôt.
Olivier Falorni espère avant tout que le projet de loi encadrant la fin de vie, qu'il porte depuis des années, sera bien examiné à partir du 3 février à l'Assemblée nationale, comme prévu : "Je vais dire au premier ministre qu'il doit respecter ce calendrier".
"Le problème, ce n'est pas l'homme mais la politique qu'il va mener "explique René Pilato, député France insoumise, élu de la 1ère circonscription de la Charente.
Depuis l'officialisation de la nomination du centriste François Bayrou en tant que Premier ministre, les réactions fusent en Poitou-Charentes. Quel que soit le parti, le choix du président de la République ne semble pas susciter l'enthousiasme. "Macron ne répond pas à l'attente des Français. Cela fait maintenant depuis juillet que le gouvernement aurait dû être un gouvernement de rupture avec une politique de gauche" renchérit l'élu charentais René Pilato.
Le socialiste Fabrice Barusseau est déçu : "C'est un choix malheureusement cohérent avec tout ce que le président Macron nous a offert pendant 7 ans, c'est-à-dire "ma politique, rien que ma politique" puisque c'est l'un des plus fidèles du président qui est nommé."
Pascal Markowsky, le député Rassemblement National de la 4ᵉ circonscription de Charente-Maritime, s'étonne également de "ce choix (qui) ne marque aucune rupture avec la politique rejetée par deux fois dans les urnes". Dans son communiqué, il insiste : "François Bayrou doit comprendre qu’il n’a pas été nommé pour prolonger une politique macroniste sans majorité. Toute orientation qui ne prend pas en compte les 11 millions d'électeurs du RN mènerait à l’impasse et à l’échec."
Seul Nicolas Turquois, député Les Démocrates de la Vienne et proche de François Bayrou, ressent "de la fierté, de la satisfaction et un élément d'appréhension assez fort, car le pays est fracturé comme jamais".
François @bayrou #PremierMinistre. Lourde responsabilité que de prendre les rennes d'un pays fracturé comme jamais. C'est ensemble que nous devrons rechercher de façon permanente des compromis utiles à la France et aux Français. C'est la méthode du @MoDem depuis sa création. pic.twitter.com/9KeXSk4XWD
— Nicolas Turquois (@TurquoisNicolas) December 13, 2024
Quel programme ?
Plusieurs élus semblent se retrouver sur quelques priorités, comme la résolution de la crise budgétaire et le soutien aux agriculteurs. Nicolas Turquois, député Les Démocrates de la Vienne, explique toutefois que "la priorité, c'est l'apaisement et le dialogue. Il faut la méthode avant le fond parce qu'on ne pourra pas traiter le fond sans méthode".
Le député socialiste de la 3ᵉ circonscription de Charente-Maritime, Fabrice Baruseau, se veut constructif : "Nous serons force de propositions, dans l'opposition, mais nous ferons des propositions pour que ce budget soit acceptable pour l'ensemble des Français et, pour la suite, pour qu'une stabilité s'installe enfin pour sécuriser toutes nos politiques publiques et que le quotidien des Français soit améliorer."
Même avec méthode, il sera difficile pour le nouveau locataire de Matignon de réconcilier des partis qui divergent tellement sur les domaines où réaliser des économies. Le Rassemblement national pointe du doigt "l'immigration incontrôlée, les lourdeurs bureaucratiques, fraudes et une contribution excessive au budget européen".
La France Insoumise, par la voix de René Pilato, souligne sur "l'obsession de François Bayrou pour l'équilibre budgétaire". "Si cela passe, comme pour Michel Barnier, par des coupes budgétaires dans les services publics, cela ne passera pas auprès de la gauche et de l'opinion."
Vers une nouvelle censure ?
"Cette nomination ne répond pas à l'attente des Français et au vote de juillet 2024, donc on va rapidement avoir une situation de blocage et une motion de censure déposée par la France Insoumise" conclut René Pilato.
Macron persiste et signe
— René PILATO (@PilatoRene) December 13, 2024
Avec ce nouveau bras d'honneur fait aux électrices et électeurs.#MacronDémission
Ou#destitution
Bref, qu'il s'en aille ! https://t.co/h5OZRT2Owh
Les élus du Rassemblement national ont fait savoir qu'ils "jugeront sur pièces : la composition de son gouvernement et ses premiers actes détermineront notre position". Pascal Markowsky exige du gouvernement qu'il "renonce à la désindexation des retraites et honore les promesses faites aux agriculteurs pour 2025".
Dans un communiqué national, les socialistes ont annoncé qu'ils ne participeraient pas à un gouvernement Bayrou. Ils ne le censureront pas si ce dernier s'engage à ne plus utiliser l'article 49.3 de la constitution pour faire passer des textes de loi. "On est inquiet, mais on a envie d'avoir un peu d'espérance ; l'espérance d'avoir enfin un macroniste qui écoute la démocratie et les forces en présence pour amener le plus de positif possible aux gens" explique Fabrice Barusseau.
Nicolas Turquois, qui connaît le maire de Pau depuis 20 ans, veut aussi croire que l'expérience du Premier ministre, âgé de 73 ans, et sa personnalité permettront de sortir du blocage : "François Bayrou a montré par le passé qu'il pouvait soutenir François Hollande en 2012, car il trouvait que c'était un bon équilibre. Il a pu aussi parrainer Marine Le Pen aux dernières élections parce que c'était important et qu'elle représente un tiers des Français. Je pense qu'il peut avoir une forme de bienveillance au début. Après, est-ce qu'il saura trouver les mots dans la durée ?"