L’association E-sportive vient de conclure un partenariat avec le club de basket poitevin évoluant en ProB, pour enfiler le maillot du club lors des compétitions en ligne.
"Les Orks du Poitiers Basket" : les parents sont heureux de vous annoncer la naissance de leur rejeton. "On s'est unis avec l’association des Orks de Grand Poitiers pour créer une équipe de E-sport spécialisée dans les jeux vidéos de basket". En guise de cadeau de naissance, Adrien Tallec, le directeur administratif du PB86, amène "la marque Poitiers Basket", tandis que les Orks déposent au pied du "panier" leurs brillants résultats en compétition et leur savoir-faire à organiser et gérer une équipe de basket numérique.
Les rencontres se disputeront sur le jeu phare des parquets virtuels, NBA 2K. De son côté, la Fédération Française de Basket Ball (FFBB) qui se lance elle aussi dans l’E-sport, a préféré pour des histoires de droits (le jeu est protégé par la ligue américaine) se rabattre sur Rocket League, un des jeux les plus prisés du moment. Loin de la simulation réaliste que constitue NBA 2K, le jeu se pratique sur un terrain de football futuriste, les deux membres de chaque équipe pilotant une voiture ! Même si un mod (une déclinaison du jeu original) permet de remplacer les buts de foot par des paniers de basket, Adrien Tallec concède qu’on est quand même "assez loin" du parquet de Lawson-Body. "Mais le but c’est quand même de mettre quelque chose dans des filets".
En même temps, le terme d’E-sport désigne tout autant les jeux vidéo de sport que ceux de tir ou de stratégie. C’est la pratique compétitive qui fait foi, quel que soit le jeu. Et à Rocket League, les orks excellent : 4ème sur plus de 200 équipes
Une rencontre
Le rapprochement est né d’une rencontre lors d’un forum professionnel à la fac de sport de Poitiers où Pierre Mc Mahon, le président des Orks, était convié. "Je vous avoue que j’ai été surpris par l’invitation. Je me suis dit qu'en leur parlant de jeux vidéos, j’allais passer pour un OVNI. Et en fait pas du tout. Au contraire, il y a eu énormément de questions de la part des étudiants sur l’écosystème E-sportif. J’avais été très étonné et Adrien Tallec également, parce qu’il avait pu constater le réel intérêt des étudiants pour l’E-sport. On s’était dit sur le ton de la blague, qu’on allait créer un évènement ensemble, avec le PB".
C’est donc chose faite, avec la naissance des "Orks du Poitiers Basket". A moins que ça ne soit le "Poitiers Basket by Orks", le nom de baptême, différent selon l’interlocuteur, restant apparemment à négocier.
On est assez bousculés par le monde sportif qui veut à la limite s’intéresser à l’E-sport, mais qui considère que c’est pas vraiment du sport. Moi je pense au contraire que c’est une discipline qui a énormément de points communs avec le sport traditionnel. Il n’y a certes pas l’activité physique ni la dépense de calories, mais je rappelle que ça fait déjà plus de vingt ans que le CIO (Comité International Olympique) a reconnu les échecs comme étant une discipline olympique, et donc un sport.
D’autant que les Orks, dont plusieurs membres du staff sont issus du monde du sport (judo, basket, volley, entre autres), revendique une culture très sportive à la base. " L’encadrement des joueurs tel qu’on l’a mis en place, a toujours été très proche d’un management sportif traditionnel ".
"Les Orks entrent dans une nouvelle ère"
Un mode de fonctionnement qui devrait, dans le cadre du partenariat Orks/PB, trouver prochainement son prolongement naturel.
On en est vraiment qu’au lancement, mais à terme on aimerait qu’en plus des compétitions en ligne, on ait quelques évènements où l’équipe E-sport vienne dans la salle. Et pourquoi pas aussi travailler sur des stages qui allieraient à la fois du basket sur le terrain et de l’E-sport. Ça fait partie de nos projets.
De leur côté, les Orks, forts de l’expérience du club E-sportif étudiant qu’ils ont monté avec l’université de Poitiers, voudraient étendre la formule aux adultes les soirs de semaine, "comme dans le sport traditionnel", et aux jeunes, avec un encadrement le mercredi après-midi "comme dans le sport traditionnel, avec l’idée de cadrer la pratique en étant en contact avec les parents".
Dans beaucoup de foyers, on se rend compte que la console est une nounou qui évite que l’enfant ne fasse des conneries dans la rue. Sauf qu’il est tout seul dans sa chambre, avec le monde entier potentiellement. Quand il lance une partie de Fortnite (le jeu phare des adolescents), il y a 90 personnes qui peuvent lui parler, et tous ne sont pas des ados. Il faut absolument protéger les enfants avec une pratique encadrée et des contrôles parentaux paramétrés. Il y a donc une vraie pédagogie à faire avec les parents.
Un ancrage local
La démarche s’inscrit dans un véritable choix politique de l’association de s’ancrer territorialement. "On a pratiquement viré tous nos partenaires nationaux, pour ne garder que des partenariats locaux. Avec l’université, avec des commerces, des entreprises locales … C’est un choix qu’on essaye de pousser au niveau national auprès de la toute jeune fédération des associations E-sportives de France (créée il y a quelques mois et dont les Orks sont membres fondateurs), pour que chaque association fasse une démarche de territorialité". "Approchez vos villes, vos agglos, vos communautés urbaines et vos métropoles, pour dupliquer le modèle qu’on a développé à Poitiers". Pour que derrière on puisse mettre en place un championnat départemental, puis régional et jusqu’au niveau national".
Du côté du sport professionnel, on constate effectivement qu'une dynamique est en train de se créer, avec quelques clubs déjà très investis comme Chalon-sur-Saône ou le Paris Basket.
L’idée est en train de faire tache d’huile. De plus en plus de clubs de basket se rapprochent d’équipes d'E-sport pour qu’elles jouent sous leur couleurs et avoir une sorte de championnat virtuel. Mais pour l’heure la discipline n’est pas assez structurée. Il n’y a pas encore de calendrier établi des rencontres par exemple. Les matches se jouent quand les joueurs sont disponibles, en gros. Pour l’instant les clubs mettent une pièce pour voir. Pour exister dans ce milieu-là. Après ça viendra. Ou pas.
Les Orks de Grand Poitiers savourent le partenariat conclu avec le PB86. " Pour nous ça a un impact vraiment super, dans la mesure où c’est une reconnaissance du monde du sport traditionnel, de ce qu’on fait dans le monde du sport numérique".
Une fois que c’est dit, Pierre Mc Mahon reste pragmatique car ça n’est en réalité pas vraiment une première pour les Orks, qui ont déjà un partenariat avec le Poitiers Football Club. L’association entre clubs de foot et joueurs virtuels est en effet plus structurée et surtout plus ancienne qu’avec les clubs de basket. En 2015, le VfL Wolsburg, un club allemand, avait fait sensation en signant un joueur de FIFA (la référence des jeux vidéos de football) pour représenter leur club lors des compétitions en ligne. Il a depuis été imité par de nombreux clubs professionnels européens, donnant lieu à des compétitions internationales qui voient s’affronter la crème des E-joueurs, défendant les couleurs des plus grands clubs du football traditionnel.
Une audience du sport à la télé qui s'étiole
Pierre Mc Mahon se veut donc lucide sur le vent nouveau qui se lève sur le basket virtuel.
Les jeunes regardent de moins en moins le sport à la télé, mais suivent par contre les compétitions de jeux vidéos en streaming sur la plateforme Twitch. Et cette perte d’audience s’accompagne forcément d’une baisse des ventes du merchandising des gros clubs sportifs. Au final ça fait un gros trou dans la raquette, et le fait de pouvoir s’adosser à une équipe E-sportive, très communautaire et avec une grosse fanbase [les supporteurs inconditionnels], ça a permis au PSG par exemple, de vendre des maillots PSG/E-sport et ainsi de rattraper la perte économique constatée sur du produit foot traditionnel, . Aujourd’hui si le FC Nantes veut faire de l’E-sport à l’année, c’est aussi parce qu’il y a un intérêt économique. C’est des entreprises ces gros clubs.
Pour l’heure, les Orks veulent se concentrer sur les matchs de basket. En compétiteurs.
"Il n’y a aucun problème à ce que les grosses villes de Basket comme Limoges viennent nous affronter. On représentera le PB pour les battre. Peut-être pas sur le vrai terrain, mais sur le parquet numérique on a de quoi répondre !"
En foot, sur FIFA, les Orks ont gagné l’EFA Gold Cup, l’équivalent de la ligue 1. Et en basket, sur NBA 2K, ils viennent de remporter un gros championnat européen. "Ça veut dire qu’on apporte une visibilité au Poitiers Basket à un niveau européen, là où le PB86, dans sa discipline est en ProB."