La famille Getu, d’origine éthiopienne, est menacée d’expulsion, au plus tard vendredi 10 décembre. Entre courriers à la préfecture et manifestations, les habitants de Saint-Genis-de-Saintonge (Charente-Maritime) restent mobilisés pour qu'elle puisse rester.
« Je n’ai aucune information sur ce qu’il va se passer ensuite », soupire Wondwosen Getu, ce père de famille éthiopien, arrivé en Charente-Maritime il y a trois ans avec ses deux enfants, âgés de 9 et 11 ans, aujourd'hui sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ainsi que son logement, au plus tard le 10 décembre.
Des recours juridiques épuisés
« Il y a eu des demandes faites pour obtenir des papiers, mais elles ont toujours été refusées », déplore Aurélie Pascault, infirmière et habitante de la commune. Wondwosen Getu est sous le choc de devoir quitter la commune dans laquelle il vit depuis trois ans.
Preuve de son intégration, près de 150 habitants ont participé à un rassemblement en soutien à sa famille, le 3 décembre dernier.
Pour les habitants, la demande d’expulsion est incompréhensible : « Soit on lui dit oui, on t’accueille, soit non, mais on ne laisse pas les gens créer des liens, forts, devenir amis. C’est une déchirure autant d’un côté que de l’autre », s’indigne Aurélie Pascault, infirmière et habitante de la commune.
L’incompréhension est à leurs yeux d'autant plus forte que l'expulsion est prononcée « en plein hiver ». « Ça nous rebelle! », poursuit Aurélie Pascault.
Impliqué dans la vie locale
« Financièrement, Monsieur Getu n’a plus aucune aide. Pour les courses, les fournitures scolaires, l’alimentation, pour pouvoir subvenir à ses besoins », poursuit-elle.
Le comité de soutien décrit un père de famille très impliqué dans la vie locale. Empêché de travailler car sans-papiers, Wondwosen Getu donne de son temps bénévolement à l’école et à la cantine. « Il est un acteur très présent. Il encadre les enfants aux sorties scolaires, il emmène ses enfants à la médiathèque, vient aux matchs de foot… »
La famille ne sait pas si elle va se retrouver à la rue vendredi matin
Raphaël Gérard, député LREM de Charente-Maritime
Au fil des différents recours, le député La République en Marche Raphaël Gérard écrit une première fois au préfet, puis à la ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa. La réponse est « sans appel ».
« C’est une pression sur la famille qui ne sait pas si elle va se retrouver à la rue vendredi matin, si les gendarmes vont arriver et les mettre en centres de rétention (CRA). C’est angoissant pour la famille, irritant pour les gens qui les soutiennent », regrette le député.
Des droits de l’enfant menacés
François Lemore, président du comité anti-expulsion de Saintes, s’indigne du « non-respect » des droits de l’enfant dans ce type de situation. Un cas loin d’être isolé en Charente-Maritime, selon lui : « Beaucoup d’enfants se retrouvent à devoir quitter leur appartement avec leurs familles. Ils ne vont plus à l’école, alors que l’école est obligatoire, que l'on soit français ou étranger. »
« Je suis inquiet, surtout pour mes enfants », confie Wondwosen Getu. S'il parle peu français (il s'exprime dans un dialecte éthiopien ou en anglais), il emmène ses enfants à la médiathèque afin qu’ils puissent apprendre un maximum. Tous les deux parlent allemand, français, et la langue de leurs parents : « Depuis six ans, malgré tout ce qu’ils ont pu subir, ils ont une force de caractère », soutient Aurélie Pascault.
Celle qui aide les enfants Getu dans leurs devoirs et leur apprentissage du français depuis trois ans est bouleversée. « Le plus dur, c’est émotionnellement. Dire à ce père : 'Est-ce que vous avez des valises, parce qu’il faut vous tenir prêt ?' » Prêt à partir seul et laisser ses enfants ? Hors de question, a répondu Wondwosen Getu. «Ils ont déjà perdu leur maman, c’est pas la peine qu’ils perdent leur papa ».
On veut que cette famille reste ici, qu’elle soit régularisée. Si on lui donne les papiers, tout est organisé au niveau de la commune, on l’accueille les bras ouverts.
Aurélie Pascault, habitante de Saint-Genis-de-Saintonge
De son côté, le député Raphaël Gérard, estime que s'il ne s’agit pas de remettre en cause la décision de l’OFPRA, il convient d’interroger tout un système qui laisse le temps à des familles comme celle de Wandwosen Getu de s’installer durablement dans des communes et à qui l’on demande ensuite de partir du jour au lendemain : « À partir du moment où une famille est intégrée dans une communauté, avec des enfants scolarisés, fondamentalement, ça ne va pas changer le sort du pays s'il l'accueille et éventuellement s'il accueille la mère dans un second temps ».
Pour le député, il est insensé de demander à une famille « qui a réussi à s’installer durablement dans la vie quotidienne d’une commune, de retourner dans un continent en train de s’enflammer avec le nouveau variant Covid et dans un pays duquel on est en train de rapatrier nos propres ressortissants français. »
Aurélie Pascault l’affirme : « On est touchés de plein fouet, on veut que cette famille reste ici, que le père soit régularisé. Si on lui donne les papiers, tout est organisé au niveau de la commune, on l’accueille les bras ouverts. »
Fuir les conflits
Dans son pays, Wondwosen Getu, était garagiste. Chrétien orthodoxe, il se disait victime de conflits interethniques. Il y a six ans, il a donc décidé de tout laisser derrière lui pour offrir un avenir meilleur à ses enfants. Il affirme avoir pris la décision de partir après avoir vu « beaucoup de proches mourir ».
Pour acheter les billets d’avion de sa famille, il vend son garage. Mais il ne récupère suffisamment d'argent que pour trois billets. Il part avec ses deux enfants. Sa femme reste au pays qu'elle quitte ensuite à destination des Émirats arabes unis pour tenter de rejoindre son mari et ses enfants. Mais ses demandes de papier pour la France lui sont refusées. La famille Getu vit ainsi séparée depuis six ans.
Depuis, l'Éthiopie a basculé dans un conflit qui s'est transformée en une guerre qui, depuis novembre 2020, a fait des milliers de morts et des millions de déplacés. « J’ai expliqué que c’était la guerre là-bas. Le gouvernement français ne me croit pas, ok. Mais maintenant, je ne sais pas où aller. »
« Ce n’est pas humainement acceptable aujourd’hui de renvoyer une famille en Éthiopie » appuie Raphaël Gérard, qui suit l’affaire de la famille depuis près de deux ans, et qui a une nouvelle fois écrit au préfet mercredi 1er décembre.
L'actuelle guerre dans le nord de l'Ethiopie dure depuis plus d'un an. Elle a éclaté en novembre 2020 après que le Premier ministre, Abiy Ahmed, a envoyé l'armée dans la région septentrionale du Tigré afin d'en destituer les autorités locales, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qui défiaient son autorité et qu'il accusait d'avoir attaqué des bases militaires.
Pour en savoir plus sur le conflit en Éthiopie, voir cet article.