Inconnue du grand public en France, la chasse à l'aigle est une tradition venue d'Asie centrale. Seuls une quinzaine d'aigliers, des chasseurs à l'aigle, existent dans l'Hexagone. Certains d'entre eux ont posé leurs valises dans la commune de Bonnes, dans la Vienne. L'occasion pour les chasseurs locaux d'admirer ces sublimes rapaces.
Ce n'est pas la cloche de l'église de la commune de Bonnes (Vienne) qui a le plus retentit ce jour-là. Des dizaines d'aigles royaux ont glati sur la place centrale du village. Leur présence n'est pas anodine puisqu'ils sont venus accompagnés de leurs maîtres appelés aigliers. Ces hommes sont des chasseurs à l'aigle, une pratique vieille de plusieurs siècles venant des steppes d'Asie centrale.
L'aigle royal, un prédateur redoutable
En France, ils ne sont qu'une quinzaine à pratiquer cette chasse si particulière. Une méthode peu commune, car elle demande beaucoup d'exigences selon Jean-Pierre Liégois, aiglier venu de Loire-Atlantique. "Il y en a peu parce que c’est très dur, c’est très lourd, ça demande de se déplacer énormément. C’est une chasse lourde et difficile. C’est un animal compliqué dans la détention, dans la manipulation".
À l'image du requin ou du lion, l'aigle royal fait partie de ces animaux qui ont une image de puissant prédateur. "Il serre avec ses griffes à 200 kilogrammes au centimètre carré : quand ça serre, ça rentre, explique Jean-Pierre Liégois. En vol horizontal, ça peut aller à une centaine de kilomètres heures et en piqué, cela peut aller de 200 à 250 km/h".
S’il voit, avec l’expérience, que le gibier est trop difficile à prendre, il ne va pas y aller.
Jean-Philippe RousselAiglier venu de Normandie
Pour espérer que le rapace puisse prendre son envol afin de chasser le gibier, l'animal doit être réglé comme du papier à musique. Quelques grammes de graisse en trop et l'aigle reste accroché au bras de l'aiglier. "S’il fait 50 ou 100 g de plus, il ne va pas forcément avoir la motivation pour aller chercher l’animal, raconte Jean-Philippe Roussel, aiglier venu de Normandie. Un aigle va décoller ou ne va pas décoller, selon son humeur, mais également de son poids. Un aigle, c’est très pointu à régler".
L'aigle royal est aussi rusé et intelligent. "Un aigle a tendance à s’économiser, il ne va pas dépenser de l’énergie pour rien. S’il voit, avec l’expérience, que le gibier est trop difficile à prendre, il ne va pas y aller et va garder ses forces pour un autre gibier dont il sera sûr de prendre".
Un spectacle pour les locaux
La chasse à l'aigle est une pratique impressionnante, où ces compagnons de chasse sont préférés au fusil. Pour autant, la plupart des chasseurs à l'aigle reviennent bredouille, les mains vides. "J’ai chassé toutes les semaines avec un aigle depuis octobre et je n’ai eu que six prises. On a traversé la France, on est même parti en Tchéquie. Malgré tout, j’ai fait six prises dans l’année pour une centaine de vols et je suis content, raconte Jean-Philippe Roussel. On ne chasse pas pour manger, on chasse pour l’oiseau. Notre plaisir, c’est de voir l’oiseau prendre son gibier et de le manger tranquillement."
Cette chasse à l'aigle est un moment inoubliable pour les chasseurs locaux, raconte Aurélien Brouard, président de l'ACCA (Association de Chasse Communale Agréée) de Bonnes dans la Vienne. "Cette chasse à l’aigle, c’est une chasse que l’on ne voit pas. La première fois que j’en ai entendu parler, j’étais curieux et j’avais envie de découvrir ça. On a fait venir la chasse à l’aigle : c’est une chasse exceptionnelle, car elle n’est pas courante. Tous qui viennent sont ravis, et ne veulent qu’une seule chose, c’est revenir".
En France, seules quelques chasses comme celle-ci sont organisées chaque année. En moyenne, 5 % des vols se soldent par la capture d'une proie.
Reportage de François Bombard, Romain Burot et Josiane Étienne :