"On travaille sur la nutrition. Il faut être en forme physiquement et mentalement" : la pratique des jeux vidéo se professionnalise

Clubs pour les plus jeunes, instauration de compétitions féminines, programmes d'optimisation de performances... "L'esport", autrement dit la pratique de sport électronique ou jeu vidéo de compétition, prend de l'ampleur en France et notamment en Nouvelle-Aquitaine. Coup de projecteur sur cette nouvelle dynamique à l'occasion de la Gamers Assembly de Poitiers.

Comme chaque année, plus de 2 000 joueurs et joueuses s'affrontent au travers de différentes parties compétitives de jeux vidéo tels que League of Legends, Valorant ou certains jeux de combat comme Street Fighters 6 ou Tekken 8. Parmi ces centaines d'équipes présentes à la Gamers Assembly se trouve Orks Grand Poitiers.

Leur coach, Teddy 'Taidy' Vaudin, avait fait une licence STAPS pour devenir entraîneur de basket. "J’avais déjà pratiqué huit ans de basket avant. Pendant mes études, je me suis rendu compte que l’esport prenait beaucoup d’intérêt pour moi, révèle-t-il. Ensuite, j’ai travaillé et en parallèle, j'ai commencé à faire des tournois amateurs sur League of Legends".

Des similitudes entre sportifs et joueurs esportifs

L'an dernier, il a repris ses études en axant encore plus son projet professionnel sur sa passion. "J’ai passé le diplôme Inter-Universitaire dédié à l'encadrement de la performance et de la santé esportives. J’ai pu rencontrer certains professionnels qui travaillent au quotidien sur la performance esportive en tant que manager comme Romain Bigeard (G2 Esports), Youen Rocaboy ou Clément Thillier (Karmine Corp)".

Selon lui, ce n'est qu'une question de temps avant que l'esport ait autant de considérations que le sport traditionnel. "Je suis content de voir que l’esport suit le chemin du sport traditionnel : quand j’étais joueur, il y a dix ans, on était encore des joueurs qui ne faisaient pas de sport. On se faisait taper dessus parce que l’on jouait à des jeux vidéo. Désormais, on est sur un écosystème qui s’assainit. Je n’imagine pas un monde où l’esport ne devient pas comme le sport d'ici à vingt ou trente ans, avec des compétitions pour les jeunes le week-end ou à la télévision".

Dans le sport, on va essentiellement se concentrer à ingérer des glucides car les muscles ont besoin de ça. Mais dans l’esport, c’est beaucoup plus complexe.

Teddy 'Taidy' Vaudin

Coach LoL de Orks Grand Poitiers

Fini les commandes de fast-food d'après-match et les trois heures de sommeil, les joueurs ont désormais des consignes bien spécifiques. "On travaille sur la nutrition, qui est essentielle. Il faut être en forme physiquement et mentalement. Dans le sport, on va essentiellement se concentrer à ingérer des glucides, car les muscles ont besoin de ça. Mais dans l’esport, c’est beaucoup plus complexe".

"J’accompagne mes joueurs à ce point-là : je leur prépare des menus avec un chef cuisinier, rajoute le coach. Le sommeil aussi rentre en compte. On organise le calendrier de chaque joueur : on essaye de se rapprocher de huit heures de sommeil. On travaille aussi la gestion sociale en créant une cohésion de groupe, pour qu’au moment où vient la compétition, chaque joueur soit au maximum de ses capacités. C’est mon rôle de leur faire accepter des routines de vie, tel un sportif traditionnel".

Vers la création de clubs esport régionaux

Valentin Lacotte, manager de l'équipe, a recruté Teddy et les cinq joueurs pour cette année. Selon lui, et malgré cette professionnalisation, l'esport demeure une activité de niche. "Tant que les gens n’ont pas accepté qu’il s’agit d’un sport ou d’une activité à part entière, cela ne changera rien, estime-t-il. La Gamers Assembly est une bonne chose là-dessus, car cela fait bouger les choses, notamment au niveau économique. Lorsque de plus en plus d’acteurs professionnels s’intègrent dedans, ce sera quelque chose de beaucoup plus concret".

À l'avenir, créer des clubs régionaux pourrait permettre au plus grand public de s'y intéresser, à l'instar de clubs de football ou de basket. C'est le cas de Orks Grand Poitiers, qui a plusieurs clubs autour de la cité poitevine, dans lesquels on retrouve des jeunes de 7 à 17 ans. "Un jeune a envie de jouer, il va avoir un entraîneur qui va le suivre, et lui permettre d’apprendre le jeu, d’évoluer, révèle Valentin Lacotte. Le jeune aura adopté une pratique plus saine, en s’entraînant de manière quotidienne tout en ayant un suivi comme celui de notre club. Des jeunes viennent avec leurs parents, et comprennent qu’ils ont envie de faire ça".

Un avis que partage Désiré Koussawo, président de l'association France Esports. "Sensibiliser les familles et les acteurs publics sur le fait que l’esport peut devenir un outil pédagogique, un outil de développement social et culturel fait partie de nos combats. Nous avons récemment lancé une politique de régionalisation de l’esport : désormais, nous avons des antennes régionales permettant d’avoir des discussions avec les collectivités locales. Cela permet d’échanger et de construire des infrastructures spécifiques pour les jeunes".

La force de l'esport en France : ses communautés

Des évènements comme la Gamers Assembly ou la création de clubs autour de Grand Poitiers ont aussi un coût économique et nécessitent un investissement majeur de la part des acteurs publics. "Grand Poitiers supporte l’association Futurolan (organisateur de la Gamers Assembly, NDLR) ainsi que l’équipe Orks : cela représente 300 000 euros de budget. Tout cela est un vrai choix économique", rajoute Désiré Koussawo.

Véritable passerelle de communication entre le monde de l'esport et les pouvoirs publics, France Esports se veut le plus représentatif possible de l’écosystème et de la pratique e-sportive. "Le passage de la TVA des événements esportifs de 20 % à 5,5 % est un énorme pas pour nous en tant qu’association, car on a milité pour cela", raconte le président de France Esports. "On aide également les grandes équipes comme Team Vitality ou Karmine Corp dans l’obtention de visas pour certains joueurs étrangers. Ces équipes cherchaient à recruter des joueurs turcs ou coréens et cela n’était pas simple. L’esport n’étant pas reconnu comme un sport ne bénéficie pas de visa spécifique".

La plus grande force de l'esport en France et qui fait de l'Hexagone, un des plus grands pays d'esport au monde, ce sont ces communautés de passionnés. "Aujourd’hui, on a une énorme chance, car les communautés sont très dynamiques. Les éditeurs de jeux vidéo le reconnaissent, ils adorent faire des évènements en France. Quand on est capable de remplir l’Accor Arena... la première force de la France, ce sont ces multiples communautés, ce sont ces fans", rajoute Désiré Koussawo.

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