À Vellèches dans la Vienne, le Château de Marmande renferme un trésor, plus de 200 graffitis dont certains remontent au XIIIᵉ siècle. Ces inscriptions, laissées au fil du temps par des anonymes, témoignent d'un passé plus populaire que celui que retracent les archives et les livres d'histoire.
Sur les murs du Château de Marmande, à Vellèches, les ancêtres des tags attirent les curieux. Des blasons, des messages, des dessins de chevaliers et de navires ou encore des motifs géométriques se déploient pour retracer une histoire populaire méconnue.
À l'occasion des journées européennes de l'archéologie, les visiteurs ont pu explorer ce patrimoine et tenter de déterminer l'âge de ces inscriptions en cherchant des indices dans ces inscriptions. "Je trouve ça plus amusant de rechercher des graffitis sur les murs que les choses qu'on fait classiquement comme rechercher les écrits, les archives", a confié Alex-Ann, passionnée d'histoire. "Je trouve ça plus fun."
Ces murs servaient de journaux, plus ou moins, intimes aux soldats et habitants de l'époque. Ces témoignages et symboles ont été redécouverts et sont étudiés par les chercheurs, comme Aymeric Gaubert, doctorant au centre d'études supérieures de la Renaissance de Poitiers : "Le graffiti permet en règle générale d'avoir un point de vue autre que celui qu'on peut trouver dans les archives officielles, c'est-à-dire tout ce qui est des écrits relevant des autorités ecclésiastiques, politiques, etc.", explique-t-il. "Le graffiti permet de changer de regard, de changer d'angle et on fait une forme d'Histoire par le bas, une forme d'Histoire du quotidien."
Longtemps délaissés par les spécialistes, les graffitis se sont perdus dans les restaurations de bâtiments. Depuis 30 ans, ils connaissent toutefois une nouvelle popularité, et font désormais l'objet d'un recensement. Une graffithèque bibliothèque de graffitis, a vu le jour sur internet.
Un moyen d'expression comme un autre
Dans la forteresse oubliée du 10ᵉ siècle, ces inscriptions sont devenues des trésors d’histoire.
"Les gens qui viennent découvrir ici, ils sont souvent très touchés parce qu'ils se rendent compte que ce sont des gens, à la limite, comme eux, ce ne sont pas des artistes", souligne Véronique Kleiner, maîtresse d'ouvrage du Château de Marmande. "C'est quelqu'un qui a laissé un message, un peu comme un message dans une bouteille, On le découvre et il y a une familiarité, une proximité qui se crée et ça, c'est de la culture populaire."
Le graffiti permet de changer de regard, de changer d'angle et on fait une forme d'Histoire par le bas, une forme d'Histoire du quotidien.
Aymeric GaubertDoctorant au centre d'études supérieures de la Renaissance de Poitiers
Cette culture populaire, accessible à tous, permet de visiter autrement ces lieux peuplés de secrets, car le Château de Marmande est loin d'être le seul à renfermer ce patrimoine. Ils se retrouvent dans de nombreux monuments, comme des églises, des forteresses et des chapelles.
"Tous les monuments anciens, s'ils n'ont pas été restaurés ou considérablement restructurés, possèdent des graffitis anciens", ajoute Aymeric Gaubert qui y voit un mode d'expression comme un autre. "Aujourd'hui quand on parle du graffiti, on a en tête le tag, le street art, et on a encore ce réflexe de voir ça comme une atteinte aux monuments publics", conclut-il. "Force est de constater que dans les sociétés passées, les Antiquités, le Moyen Âge, l'époque moderne, dans l'état actuel de nos connaissances, c'est un geste qui n'est pas réprimé, pas perçu négativement comme une atteinte. C'est un moyen d'expression comme un autre."