L’association l'Accorderie a élu domicile à Poitiers dans l’ancienne boucherie du quartier Bel Air.
À chacun son talent
Pour Ghislaine, ses trucs à elle, ce sont plutôt le tricot, le crochet ou les boutures de plantes. Tandis que pour Régine, le scrapbooking, la graineterie et les discussions thématiques ont sa faveur. Chacune organise des ateliers durant lesquels elles vont pouvoir transmettre leurs passions.
De deux à quatre heures par semaine, ça dépend du temps que j’ai.
Ghislaine
L’Accorderie de Poitiers est née en octobre 2021 à l’issue d’un long processus de création. À l’origine en 2017, le conseil citoyen du quartier Bel Air a trouvé dans ce concept d’origine québécoise une solution à diverses problématiques telles que l’isolement, la violence, la précarité, le manque de liens. Une association a été lancée pour la mise en place du projet jusqu’à l’ouverture de l’Accorderie en octobre 2021.
C’est un échange de services avec comme monnaie, le temps. Tout se vaut entre un service rendu un service donné.
Sylvie Fournioux la présidente de l’association l'Accorderie
Sylvie Fournioux ajoute qu'il n'y a aucune hiérarchie des compétences, "tous les savoir-faire se valent".
Contre l’animation d’un atelier de jeux par exemple, Régine demande un peu de jardinage : "C’est ce dont j’ai besoin, et en plus c’est difficile de trouver un bon jardinier. Ça me coûte quatre heures".
Mais il y a différentes formes d’échanges. En dehors du troc individuel où une personne échange un service contre un autre, Il y a aussi le troc collectif : un amateur de photographie va pouvoir partager ses connaissances face à un groupe d’ «accordeurs» dans le cadre d’un atelier découverte, et bénéficier ainsi d’un crédit d’heures, « monnayable » contre d’autres services. Chaque nouvel arrivant doit fournir deux heures de service à l’association et en contrepartie se voit offrir un crédit temps de 15 heures.
La philosophie de ce nouveau lieu, renchérit Sylvie Fournioux, "c’est s’accorder l’un avec l’autre. Il n’y a pas d’idéologie. Nos valeurs sont l’entraide et la valorisation des savoirs et compétences".
L’intérêt économique n’est pas le principal
Pour l’instant, même avec plein d’idées, l’Accorderie de Poitiers n’en est qu’à ses premiers balbutiements, au stade de l’expérimentation ou du laboratoire social. Cependant, ce lieu d’ouverture s’appuie sur une structure déjà établie avec un réseau de lieux implantés notamment dans le grand ouest. Comme à Limoges ou Surgères.
Aujourd’hui, une petite cinquantaine d’accordeurs ont déjà adhéré au projet à Poitiers. L’Accorderie a beau être située dans le quartier de Bel Air, elle a vocation à bénéficier à l’ensemble des Poitevins. Zoé Arnault, pour l’instant l’unique salariée de l’association, a été d’emblée séduite par sa nouvelle mission : "c’est un lieu incroyable pour que les gens fassent des choses ensemble, peu importe le milieu dont ils sont issus".
Un lieu qui réinvente le vivre ensemble : "Ça séduit plein de gens, ceux qui vont en avoir besoin, d’autres qui vont être intéressés par le fait de se donner des coups de main, de créer du lien social".
C’est aussi un moyen de créer de la mixité sociale. Puisque les « accordeurs » peuvent être issus de milieux tout à fait opposés. Leur point commun, c’est souvent un sentiment d’isolement mais "il y a de nombreux profils différents. Des gens ont besoin de se sentir utiles, d’autres se sentent seuls, d’autres ont envie de donner un coup de main et certains disent qu’ils ne savent pas faire grand-chose et ont besoin d’aide... Bref il y a tellement d’histoires différentes !", s’exclame Zoé Arnault.
Parmi ses projets pour 2022, l’Accorderie souhaite développer son activité et son offre d’ateliers notamment. Et puis dès que le contexte sanitaire le permettra, l’association aimerait également organiser une inauguration avec les habitants et les partenaires. Et enfin elle pense à aménager une cuisine dans son local.
L’Accorderie vit grâce a des financements publics (État, ville de Poitiers, Grand Poitiers) et privés (l’assureur AG2R la Mondiale). Au total son budget s’élève à 35.000 €. À moyen terme, l’association envisage d’élargir son champ d’action en s’orientant vers l’accompagnement à la recherche d’emploi. D’ici trois ans, l’objectif est de passer de 50 à 350 « accordeurs ».