La prostitution nigériane est importante en France. A Poitiers, malgré le démantèlement des réseaux, malgré une loi qui pénalise leurs clients, des jeunes femmes qui veulent s'en sortir sont toujours dans la rue, sans abri. Les associations sont débordées et tirent la sonnette d'alarme.
Sa cuisine, son salon, sa chambre d'ami, Jean-Michel les a transformés en centre d'hébergement d'urgence.
Mercy, 22 ans, nigériane, victime d'un réseau de prostitution, vit chez ce retraité poitevin depuis 1 an.
Que dieu bénisse Jean-Michel pour moi, parce que si je n'étais pas chez Jean-Michel, je serai dans la rue aujourd'hui, je remercie dieu pour ça.
Mercy doit être prise en charge prochainement par une association agréée, mais en attendant, c'est Jean-Michel, qui assure, à ses frais, le gîte et le couvert.
Des "filles" laissées à l'abandon
Joy, la copine de Mercy, Nigériane, sans papier, 22 ans, a déjà passé 3 ans sur les trottoirs de Poitiers. Ses proxénètes ont été condamnés et sont en prison. Mais elle, certains soirs, quand il n'y a plus de place d'accueil en refuge, dort dans un ascenseur du parking de la gare.
Je dors ici, quand le 115 n'a pas de place pour moi, je dors dans cette ascenseur.
Un parcours de sortie de la prostitution inexistant ?
Offrir un refuge "aux filles" qui quittent le trottoir... C'était l'idée d'Elsa... Nous l'avions rencontré il y a deux ans, elle ouvrait alors les portes de sa maison à des Nigérianes. 5 au total.
Un an plus tard, Elsa et sa famille sont débordés, les jeunes femmes sont priées de partir.
C'est très dur pour elles. Elles doivent tout apprendre, dans un pays étranger avec des coutumes étrangères, cette adaptation là, elle est extrèmement difficile. Et ce ne sont pas quelques bénévoles qui peuvent leur offrir ces outils là.
La loi oblige les préfectures à mettre en place les parcours de sortie de la prostitution, mais seules quatre femmes en bénéficient dans la Vienne.
C'est un échec selon Rosen Hicher, militante à l'origine de la marche mondiale contre la prostitution...
De retour en France, elle a accepté de nous accompagner, un soir, aux abords de la gare de Poitiers. En une heure à peine, nous comptons 12 jeunes femmes sur les trottoirs, attendant le client.
Je suis en colère car ces jeunes femmes sont abandonnées. Mises à disposition d'hommes, pour des viols tarifiés. Vous trouvez cela normal ? Ce sont des femmes avant tout, des êtres humains !
Malgré le démantèlement de réseaux mafieux et de traite humaine, malgré le vote d'une loi qui pénalise l'achat de services sexuels, la prostitution continue d'investir, chaque soir, les trottoirs de Poitiers.
Sollicités pour participer à notre reportage, le Procureur de la République de Poitiers et la préfecture de la Vienne n'ont finalement pas donnés suite.
Le comité de soutien des victimes de la traite humaine est mobilisé
Les bénévoles dénoncent le manque de moyens des associations mais aussi pour certains, le manque de volonté.
Un appel à la préfecture de la Vienne est lancé notamment par Rosen Hischer, elle explique vouloir "débuter une grève de la faim devant la préfecture de la Vienne dès mardi", si rien ne bouge.
Un SOS aux médias et à la préfecture
Un courrier a été envoyé aux médias pour faire prendre conscience au public du drame vécu par ces jeunes femmes.
Nous tenons à vous informer que plusieurs victimes de la traite humaine, dont quelques-unes ont très récemment présenté leur dossier de sortie de prostitution, sont depuis ce jour et même avant, sans toit, sans nourriture, et dorment dehors près de la gare de Poitiers.
Après avoir frappé aux portes des associations concernées à Poitiers et susceptibles de les accueillir (LAFL, CIDFF, CROIX ROUGE), aucune d’entre elles ne s’est ouverte. D’autres associations (Toit du monde, Relais Charbonnier, CHU), ont été informées. Ces femmes nigérianes, sans ressources, malgré leur ferme volonté de sortir de la prostitution, sont à nouveau livrées à cette dramatique et dangereuse aventure.
Nous craignons très fort qu’elles ne soient obligées, par nécessité vitale, de retomber dans l’ornière dont elles ont voulu sortir.
En vertu de la loi du 13 avril 2016, nous lançons un appel au secours d’extrême urgence aux institutions présentes dans notre capitale régionale, et à la presse.
Le sort de ces personnes reste plus qu’inquiétant et il nous parait indispensable de vous en informer : une solution concrète doit être envisagée dans les plus brefs délais. Une action radicale est envisagée dès le mois d’avril afin d’enrayer cette situation inacceptable.