Poitiers : rencontre avec Guillaume, Trident d'Or et Chef cuisinier de l’armée

Depuis 20 ans, le Chef Guillaume cuisine pour les militaires de la caserne qui surplombe Poitiers. Passionné, il est lauréat des plus prestigieux concours de cuisine du monde, dont celui du Trident d'Or. Il veut transmettre son savoir-faire au service des nouvelles recrues. Rencontre.

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Il ne s’arrête jamais. S’il n’est pas dans les cuisines de la caserne d’Aboville à Poitiers, le Chef Guillaume est à l’étranger pour participer à un concours de cuisine. Ou bien à l’école des Fourriers à Querqueville en Normandie, où il forme de futurs commis.

Ce lundi, il revient tout juste d’un déplacement à Paris. “J’ai participé à une soirée caritative organisée aux Invalides par le CEMAT” (le Chef d'état-major de l'Armée de terre, ndlr), explique le cuisinier. “On a récolté des fonds à destination des soldats blessés au combat”, indique-t-il. 

Durant cette soirée de prestige, il a retrouvé l’ancien chef de l’Élysée Guillaume Gomez, et le très médiatique chef cuisinier Thierry Marx. “On s’était déjà croisé à d’autres concours. Comme il est très proche des armées, on se retrouve souvent. Ce sont des personnalités publiques qui restent avant tout des cuisiniers comme moi”. 

La passion d’une vie

Cuisinier, il l’est depuis presque trente ans, officiellement. Officieusement, tout a commencé dans la cuisine de sa mère, quand il était enfant. “J’étais toujours derrière ma mère quand elle cuisinait”, se souvient celui qui est le dernier d’une fratrie de trois. Il liste, de mémoire, les plats que cuisinait sa maman. “Des blanquettes, des sautés de veau, du bœuf bourguignon".

J’ai toujours profondément respecté le sacrifice des militaires qui s’engagent pour protéger la France.

Chef Guillaume

En 1996, il entame des études de cuisine. Le Chef Guillaume débute comme apprenti dans un restaurant italien de Saumur (Maine-et-Loire). Cinq ans plus tard, commis aguerri et riche de plusieurs expériences dans des établissements culinaires, il postule à l’armée en tant qu’agent de restauration. “Mon beau-frère m’a dit que l’armée recrutait. J’ai toujours profondément respecté le sacrifice des militaires qui s’engagent pour protéger la France”, glisse le civil désormais au service des armées. En 2008, il passe second de cuisine et un an plus tard, il revêt la toque de chef. “Oui, ça a été très rapide”, abonde le jeune chef, qui reconnaît qu’il a parfois eu des “conflits générationnels”. “J’ai chapeauté des gens qui étaient plus âgés que moi. Je me suis senti plus en avance que d'autres. Mais globalement tout s’est bien passé”.

À la maison, quand il est enfant, ils sont cinq. Aujourd’hui, c’est toujours le cas. Marié, le Chef Guillaume est père de trois filles. À la caserne, il cuisine quotidiennement des quantités pour tout un régiment. Ce lundi, il faudra cuire précisément “38kg de côtes de porc, 18kg de cabillaud, 20kg de riz camarguais”. Ajoutez à ça ”trois litres de crème liquide”, pour nourrir les quelques 277 militaires en poste. “Et on ne gaspille rien. On a l’habitude”, précise le Chef. 80% des produits proviennent de l’EDA, l’économat des armées, et les 20% restants des maraîchers du Poitou. “Pour les produits frais, on privilégie le circuit court”. 

Esprit de compétition 

Quelque temps après être devenu chef, un commandant particulièrement satisfait de son travail lui propose de participer à des concours de cuisine militaire. En plus, le Chef Guillaume est un habitué des podiums en individuel. Il est notamment lauréat du prix Tipiak. “Au début, j’avais l’impression d’être un imposteur”, confie le chef de 41 ans. 

Pourtant, l'intuition du commandant est la bonne. À chacune de ses participations, le Chef Guillaume se démarque de ses concurrents. En 2017, il participe pour la première fois au Trident d’or. Ce concours de cuisine inter-armées organisé par le Commissariat des armées est organisé au sein du prestigieux Institut Paul Bocuse de Lyon Écully. Il termine à la troisième place et repart avec le titre de trident d’argent.

Un client mange avant même de goûter le plat : il sent , il le regarde, il voit le plat avant de le manger. Pour toutes ces raisons, il faut que ce soit beau, bon, léger.

Chef Guillaume

Deux ans plus tard, en 2019, c’est la consécration. Pour sa seconde participation au Trident d’or, le Chef Guillaume remporte la compétition en binôme. Une victoire que le Chef doit aux plats qu’il a réalisés, à savoir sa “balade andalouse” et une “canette cuite sur le coffre”, récite-t-il de mémoire trois ans après.

“Faire rayonner la France” 

Cette victoire n’est en réalité que le début de l’épopée du Chef Guillaume au sein des concours culinaires. Désormais, il part à la conquête des compétitions internationales. En 2019, il rejoint l’équipe de France militaire de cuisine pour participer aux championnats du monde de cuisine. Ils se tiennent chaque année à Fort Lee aux États-Unis. C’est l’année de la victoire pour la France. Parmi les 22 équipes internationales, la fournée tricolore est sacrée championne de France grâce à son équipe composée de deux chefs cuisiniers militaires et deux chefs issus de la société civile, dont fait partie le Chef Guillaume.

Dans les concours de cuisine, je défends toujours la cuisine française. Ça fait partie de notre patrimoine. Je veux faire rayonner la France partout où je vais.

Chef Guillaume

Lors des concours de cuisine auxquels il participe, le Chef Guillaume n’a qu’une idée en tête : défendre le patrimoine culinaire français. “J’essaie de faire la différence, d’importer avec moi des techniques, des recettes. C’est comme ça qu’on se démarque”. “Mais bon, je ne peux pas mettre un broyé du Poitou dans tous mes desserts”, lance ce poitevin de cœur, dans un sourire. “Il faut toujours s’adapter et quand je cuisine, je m’adapte. Je pense aussi aux territoires des Outre-mer”, explique le Chef. Il assure qu'il aime tout particulièrement préparer un rougail saucisses typique de l’île de La Réunion ou la fameuse salade tahitienne de Polynésie française. À son poignet droit, un bracelet bleu blanc rouge qu’il n’enlève jamais.

Transmettre et susciter des vocations 

Grâce à ses succès en compétition, le Chef Guillaume jouit d’une toute nouvelle exposition médiatique, qui rejaillit forcément sur la caserne de Poitiers-Saint-Maixent. Interrogée, la capitaine Adeline reconnaît que le Chef est une vitrine pour la caserne poitevine. “Je dis à tout le monde de venir voir comme on mange bien ici. C’est une fierté d’avoir un super chef rien que pour nous”.

Doué aux fourneaux, il l'est aussi et surtout pour transmettre sa passion. En tant que chef de cuisine, Guillaume doit régulièrement former les nouveaux commis. Franck, le directeur des services de la caserne d'Aboville, vante ses qualités de pédagogue. “On manque cruellement de personnel donc ça tourne beaucoup dans les cuisines. Il faut tout le temps expliquer, former, recadrer quand c’est nécessaire. Et le Chef y arrive toujours. Il arrive toujours à s’adapter.”

Depuis quelques années, le Chef Guillaume intervient régulièrement auprès du centre de formation des apprentis de Poitiers. Objectif : mieux faire connaître les corps de métier au sein de l’armée et convaincre les jeunes générations de servir. “On a besoin de recruter, on a besoin de plus de monde en cuisine, et j’essaie de montrer qu’on ne mange pas que des pommes de terre à l’armée. On peut aussi y manger bon et bien”, défend le Chef Guillaume.

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