PORTRAIT. "Être drag, c'est une passion, un combat, une vocation" : la Coloc Drag fait des étincelles à Poitiers

Depuis son lancement en 2021, ce collectif de douze artistes drags enflamme la vie poitevine avec ses shows haut en couleur et porteurs de messages d'inclusivité.

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"Poitiers est le meilleur endroit pour se lancer. Le public y est très bienveillant et la scène queer s’y agrandit de jour en jour, c’est un vrai tremplin dans le milieu."  Depuis septembre 2022, Abby Divinee est l’un des visages incontournables de la Coloc Drag. Silhouette féminine exacerbée, le regard rehaussé par un maquillage coloré, l’artiste est reconnaissable à ses perruques toujours très travaillées. " Je crée mes propres perruques, je leur donne forme, je leur donne vie."

Drag queen, drag king, mais aussi drag alien

Fondée en 2021, la Coloc Drag est devenue un incontournable des soirées poitevines avec ses shows à la croisée de l’humour, de la danse, du théâtre, du chant. À l’origine de ce collectif, Luna Light et ses deux colocataires. " Quand nous nous sommes rencontrés, nous faisions chacun du drag dans notre coin , raconte Luna Light. J’ai convaincu Tata Kahlo et Luna Sangre de me rejoindre à Poitiers où il ne se passait pas encore grand-chose."

En janvier 2021, les trois amis emménagent ensemble et lancent leur projet. " Avec la Coloc, nous transmettons des messages d’acceptation : peu importe d'où tu viens, qui tu es, à nos événements, tu es le ou la bienvenue et libre d'être qui tu es" , explique Luna Light

Être différent, c'est être normal.

Luna Light

Membre du Coloc Drag

Fort de leur succès, la Coloc s’est agrandie et accueille aujourd’hui douze membres aux talents variés. Drag queen, drag king, mais aussi drag alien. Pour Abby Divine, le drag est " une arme politique pour obtenir la reconnaissance des artistes drags et des personnes trans" . Une manière, aussi, de " dénoncer le patriarcat, casser les codes du genre et donner une voix aux personnes invisibilisées" .

"Le drag existe partout"

Les membres du collectif se produisent désormais dans tous types d’évènements : performance en boîte de nuit ou dans des bars, spectacle grand public au kiosque du parc de Blossac, représentation au centre socioculturel Le Local… " C’est très important pour nous que le drag puisse être montré partout" , poursuit Luna Light. Et le public est toujours au rendez-vous. " Les spectateurs viennent de tous milieux, ce sont des personnes âgées, des jeunes, des gens qui ont déjà entendu parler de nous ou non."

La diffusion de Drag Race France (un programme de France Televisions), l’adaptation d’une émission de téléréalité américaine créée par Ru Paul, depuis 2022, a contribué à populariser l’art du drag dans l’Hexagone. Selon les données de Médiamétrie, les épisodes de la deuxième saison, diffusée cette année, ont été suivis par 512 000 personnes, en moyenne. " Drag Race a permis de toucher des personnes qui ne connaissaient pas du tout le drag. Avec la Coloc, nous montrons que cet art n’est pas réservé aux grandes villes , comme beaucoup le pensent, analyse Luna Light. Le drag existe partout."

Parmi ses plus beaux souvenirs de scène, Abby Divinee retient un show très personnel. " Je suis montée sur le plateau dans une robe de mariée prêtée par un ami, qui coûtait plus de 3 000 euros. J’ai interprété le morceau Rise like a Phoenix , chantée par Conchita Wurst à l’Eurovision en 2014 , raconte l’artiste, l’émotion intacte dans la voix. Pour moi, c'était un vrai engagement politique d’interpréter ce grand tube. Et c’était ma première performance chantée !"

Vivre de son activité est encore difficile

Luna Light retient quant à elle les moments d’échanges avec le public. "Combien de fois des spectateurs viennent me voir après une performance pour me remercier de dire qu’on peut être soi-même." Aujourd’hui, l’artiste vit pleinement de son drag, mais non sans concessions. " Le drag est un art qui peut coûter très cher. Vivre en colocation me permet de réduire mes frais quotidiens et le loyer , confie Luna Light. Pour augmenter un peu mes revenus, je prends aussi quelques commandes de tenues ou de perruques, que je confectionne pour d'autres artistes."

Abby Divinee espère, elle aussi, pouvoir bientôt faire de son art son activité principale. " Je suis juriste en parallèle. Pour l’instant, j'arrive à trouver un équilibre, mes horaires de travail sont assez flexibles. Les revenus assez fluctuants selon les évènements et les contrats." D’autant que financer ses costumes de scène, son maquillage, ses déplacements, peut vite devenir très coûteux. "On se produit toujours à perte, au vu de ce qu’on doit avancer pour chaque performance , complète Abby Divine. Ça peut décourager beaucoup de drags qui veulent en faire un métier. Être drag, c'est une passion, un combat, une vocation."

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