Professeur de mathématiques au collège, Jérôme Coillot propose une nouvelle méthode d'apprentissage, plus ludique. En plus des traditionnels compas et règles, l'enseignant fait appel au sens pratique de ses élèves pour mesurer, calculer et apprendre des nombres.
Dans la cour de récréation, la sonnerie se fait entendre. Pour cette classe de sixième du collège Léon Huet de La Roche-Posay (Vienne), il est l’heure de retourner en cours de mathématiques. Leur professeur Jérôme Coillot a mis en place une nouvelle façon d’enseigner, plus concrète, plus divertissante et plus intéressante. Rectangle en bois en main, il se tourne vers ses élèves : “Avec quoi pourrait-on modéliser les diagonales, qui ne fait pas forcément partie de nos instruments ?”.
Pour répondre à cette question, les enfants vont devoir faire appel à leur bon sens. “Nous allons voir comment faire pour être sûr que c’est un rectangle, explique l’enseignant. Nous allons essayer de montrer pourquoi, quand des diagonales de même longueur se coupent en leur milieu, on a forcément un rectangle. Là, on fait des mathématiques.” Ces élèves de sixième apprennent en manipulant les formes et les grandeurs. Loin des pratiques classiques.
Patrons en papier, roue de vélo, stylos
“C’est intéressant parce que, souvent, dans les autres collèges, les cours de maths ne sont pas comme ça. On fait des choses différentes, ça nous amuse et ça permet de voir les maths d’une autre manière”, raconte un élève. “Au lieu que le prof nous montre tout au tableau, on peut essayer et le faire sur le cahier”, poursuit sa camarade.
Redonner du sens aux mathématiques, c'est tout le défi de Jérôme Coillot. Sa méthode : illustrer ses cours en partant de situations quotidiennes, comme celle d'un menuisier. Pour ce faire, il n’hésite pas à utiliser des outils en tout genre. Patrons en papier, roue de vélo, stylos… “J’essaie de lier les maths au concret, de leur donner du sens, de les utiliser pour expliquer le monde, avance l’enseignant. Chaque citoyen est abreuvé de chiffres, c’est important de comprendre tout ce que l’on nous dit et d’avoir un esprit critique.”
Une méthode bien différente de celle enseignée il y a quelques années. “Quand j’étais élève, on étudiait des choses très abstraites : on définissait, le point, la ligne, sans avoir de rapport au concret. Ça marchait quand on était bon élève, moins quand on était mauvais.”
"C’est à nous de nous adapter et de créer un véritable lien"
Le dernier rapport Pisa, qui évalue les compétences des élèves de 15 ans dans 81 ans, dresse un piteux état des lieux. En science, en français ou en mathématiques, les résultats des petits Français sont parmi les plus bas jamais mesurés. Une baisse historique. “Ces dernières années, on a constaté que les élèves s’éloignaient de plus en plus des maths. Ils ont peut-être d’autres centres d’intérêt, analyse Jérôme Coillot. C’est à nous de nous adapter et de créer un véritable lien, un intérêt, en rendant les élèves acteurs et nos enseignements ludiques. Même si ce n’est pas un jeu.”
Depuis 2007, cette initiative s’est généralisée à toutes les classes du collège Léon Huet. Résultat : en moyenne, les collégiens obtiennent un point en plus au brevet, par rapport à la moyenne nationale. “Nos élèves bénéficient de cette méthode depuis le CM1. Quand ils arrivent aux évaluations d’entrée en sixième, ils obtiennent des résultats particulièrement bons, expose Catherine Alix, principale de l’établissement. C’est la preuve que cela fonctionne.”
Côté professeur, Jérôme Colliot affirme “prendre plus de plaisir à enseigner”. “En m’interrogeant sur le sens des mathématiques, j’ai compris beaucoup de choses sur l’étendue de ce qu’elles peuvent apporter, poursuit l’enseignant. C’est le projet auquel je crois, auquel je consacre beaucoup de temps et que j’aimerais voir réussir.” Un projet, basé sur la recherche et les travaux de l'Institut de recherche sur l'enseignement des mathématiques et des sciences (IREM) de Poitiers, soutenu par le rectorat et mis en place dans plus d'une quarantaine de collèges de l'académie de la Vienne.