Escroquerie, infraction au droit à la consommation, le groupe MGC, spécialisé dans les travaux de rénovation chez les particuliers, est sous le coup d'une procédure de mise en liquidation judiciaire au tribunal de commerce à Paris. Des plaintes avaient été déposées dans la région contre le groupe.
Mis à jour le 30 janvier 2018Selon nos informations, les créances connues du groupe MGC s'élèvent à 731 953 euros. Cette somme englobe les salaires en retard, les cotisations URSSAF et diverses dettes.
Le groupe était immatriculé au registre du commerce de Paris mais intervenait sur tout le Grand-Ouest de la France et avait ses bureaux dans la Vienne. Il employait 21 salariés et a enregistré en 2017 un chiffre d'affaires de 6 millions d'euros.Liquidation du Groupe MGC (ex-Marchand spécialisé ds la rénovation) : env. 730.000€ de créances cumulées d’après nos informations, dont plus de 260.000€ rien qu’en cotisations #Urssaf. Le gp est l’objet d’une enquête nota. pour infraction au droit de la conso. @F3PoitouChtes pic.twitter.com/nHNqtbQibL
— Antoine Morel (@F3AntoineMorel) 30 janvier 2018
Après le pôle d'instruction judiciaire de Poitiers, c'est le tribunal de commerce de Paris qui s'intéresse maintenant au groupe MGC. On a par ailleurs appris que c'est la dirigeante du groupe elle-même qui a demandé la mise en liquidation judicaire de son entreprise. Une décision attendues par les créanciers.
Plus d'informations avec le reportage d'Antoine Morel, Guillaume Soudat, Marxime Chauvegie et Alexia Rouy :
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La pose d'isolant, le nettoyage de toiture : les travaux de rénovation chez des particuliers, c'est la spécialité du groupe MGC. Mais cette entreprise poitevine est actuellement au coeur d'une enquête de gendarmerie pour escroquerie et infraction au droit de la consommation. Clients mécontents, travaux surfacturés, usurpation de l'identité d'autres entreprises du secteur : le parquet a rassemblé assez d'éléments pour demander à un juge d'instruction de se pencher sur les pratiques commerciales de cet établissement. Ils ont mené à une procédure de mise en liquidation judiciaire au tribunal de commerce de Paris.
Mais à Chasseneuil-de-Poitou (86), dans un immeuble de bureaux à deux pas du Futuroscope, impossible de joindre la dirigeante du groupe. Ni aucun salarié d’ailleurs. Au troisième étage d’un immeuble de bureaux, la porte, autrefois fermée et sous surveillance vidéo, est aujourd’hui ouverte aux quatre vents. A l’intérieur, les locaux de 350m2 sont quasi vides.
Selon plusieurs témoignages, la gendarmerie et des services de l’Etat sont intervenus dans les locaux de la société il y a une dizaine de jours. Les enquêteurs de la section de recherche de la gendarmerie du Poitou-Charentes agissaient sur commission rogatoire d’un juge d’instruction du tribunal de Poitiers.
Depuis, des commerciaux et des responsables du groupe sont entendus par les gendarmes, parfois sous le régime de la garde-à-vue. Car le groupe MGC et ses filiales (Vecoa, Novia…) sont l’objet de plusieurs plaintes. De particuliers d’abord, qui estiment avoir payé beaucoup trop cher certaines prestations. Mais aussi de la part d'un professionnel, qui a porté plainte pour usurpation d’identité (voir l’enquête précédente diffusé le 30 mai 2017).
Témoignages d'anciens salariés
Pour bien comprendre les techniques commerciales du groupe MGC, nous avons réussi à nous entretenir avec d’anciens salariés d’une filiale, Vecoa.
Bryan*, technicien polyvalent, a travaillé deux ans pour eux : « Je faisais un peu de tout, traitement des bois, isolation des combles, lavage des couvertures et des façades, pose de VMC. On ne travaillait que chez des personnes âgées... »
Avant, Bryan travaillait comme maçon, il a rejoint l’entreprise car il avait entendu dire que c’était bien payé. Mais très vite, il nous raconte qu’il doit parfois cacher l'identité de sa société.Quand tu partais au travail le matin, tu laissais ta conscience sur la table puis tu la reprenais le soir (un ancien salarié)
« On n'intervenait pas toujours au nom de notre société, raconte-t-il. On devait alors dire aux clients qu’on avait racheté la société qui était intervenue chez eux avant et qui avait fait de la merde. Nous, on allait faire du bon boulot, mais il fallait repayer. »
Quand il découvre que l’isolant est déjà posé chez un client par exemple, Bryan nous explique que le commercial lui aurait alors demandé de faire semblant de travailler.
« Des fois il y avait des chantiers bidons, poursuit-il. C’est la première entreprise qui m’a dit de télécharger Candycrush sur mon téléphone pour passer le temps dans les combles ! Car des fois, le boulot avait déjà été fait. Des trucs que les clients ont payé deux fois, pour rien. »
Tout l'Ouest de la France
Quand on évoque ces méthodes, tous nous font la même réflexion : « Quand tu partais au travail le matin, tu laissais ta conscience sur la table puis tu la reprenais le soir », nous explique Julien*. Et Laurent* d’ajouter : « Là où j’ai de la peine, c’est pour tous les gens qui se sont faits avoir, parce qu'il y en a un paquet… De Brest à Mont-de-Marsan, y’a du monde… »
D’après des fichiers clients que nous avons pu consulter, le groupe MGC intervenait dans tout le Grand Ouest de la France.
En juin 2016, par exemple, deux ouvriers sont intervenus une demi-journée chez un octogénaire de Corrèze. Le Monsieur a déboursé 4730 euros TTC pour le démoussage et l’hydrofugation de sa toiture de 120m2. Après vérification sur différents sites Internet qui proposent des devis en ligne, nous constatons que c’est deux fois le prix pratiqué en moyenne (qui est entre 15 et 20 euros TTC le m2).
En tant qu’employeur, le groupe MGC est aussi dans le collimateur de la justice, prud’homale cette fois. Des employés auraient des salaires en retard. Les deux filiales du groupe qui les employaient ont vu l’argent de leurs comptes se volatiliser l’été dernier. Faute de pouvoir payer leurs salariés et leurs fournisseurs, les deux filiales ont été placées, soit en redressement, soit en liquidation. La maison-mère, le groupe MGC, a alors refusé de reprendre les salariés.Il y a (...) un vaste écran de fumée déployé par le groupe MGC autour de la construction et de la faillite rapide de ses filiales (un avocat)
D’après Maître Philippe Gand, qui défend les intérêts de ces techniciens, « le groupe ne voulait plus assumer la charge des six salariés qu’elle avait recrutés et manifestement elle les a transférés à une filiale à laquelle elle a immédiatement coupé les vivres. Il y a manifestement un vaste écran de fumée déployé par le groupe MGC autour de la construction et de la faillite rapide de ses filiales, dans lesquelles les salariés sont un peu trimballés »
Pendant ce temps, non loin de Poitiers, les travaux de rénovation vont bon train à Frozes, dans la demeure que vient d’acquérir, via une SCI familiale, la dirigeante du groupe. Ici, les ouvriers déclarent être payés dans les temps et recevoir tous les matériaux nécessaires.
Nous cherchons à entrer en contact avec la cheffe d’entreprise, en vain.
« Elle est au Maroc », nous explique-t-on sur place. Car le groupe MGC est aussi implanté de l’autre côté de la Méditerranée, via un centre d’appel créé au Maroc par Monsieur Marchand.
Nous tentons alors de joindre Mme Marchand par téléphone dans une propriété de Marrakech au nom de son mari, mais c’est une autre femme qui nous répond : « Salam alaykoum ! Monsieur et Madame sont absents, rappelez ce soir... Ou bien vous voulez le numéro du chauffeur ? »
Malgré de nombreuses tentatives, nous n’avons jamais réussi à entrer en contact avec Monsieur ou Madame Marchand, des entrepreneurs poitevins décidément très discrets.
*Noms d’emprunt