Au deuxième jour du procès, les débats permettent de mieux mesurer le degré d'installation de la mafia nigériane sur les trottoirs de Poitiers.
Au terme d’une longue enquête, Victor comparait actuellement devant la chambre correctionnelle de Rennes. Il est accusé acheminer des femmes du Nigéria, dans le procès qui réunit 18 autres accusés pour les motifs de proxénétisme aggravé et association de malfaiteurs. A l’audience, il dément tout lien avec l’organisation criminelle Supreme Eiye Confraternity, la mafia nigériane. Il dit même ne rien savoir de la prostitution. Pourtant les écoutes téléphoniques ne laissent guère de doute. L’une d’elles, datée du 21 janvier 2016, permet d’entendre Victor expliquer à son interlocuteur : "Tu sais, l’argent qu’il faut pour envoyer une fille ici, c’est beaucoup d’argent, l’argent pour l’envoyer ici coûte 10.000€."
Solidarité ou proxénétisme ?
Un profil récurrent dans ce dossier tentaculaire. En tout, trois suspects, résidant à Poitiers seraient en lien avec la mafia d’après les enquêteurs. A chaque fois, l’homme est associé à une "mama", une prostituée devenue proxénète comme Sarah. A l’entendre, elle ne faisait qu’aider ses colocataires, elles-aussi prostituées. Selon son avocat, Me Loïc Cabioche, "est-ce que pour ces femmes, qui sont toutes nigérianes, cette limite entre les deux, entre une solidarité naturelle, pour des femmes qui sont dans une situation de prostitution, et le proxénétisme, est ce que cette limite était bien claire, bien intégrée ? Ça va être la question qui va se poser au tribunal."Dans les écoutes téléphoniques, Sarah est cependant beaucoup plus explicite comme en témoigne la transcription d’une écoute réalisée le 21 mai 2016 : "Si la fille arrive en France sans problème et que la fille rembourse mon argent, j’arrêterai là. Je ne ramènerai personne d’autre, parce que je peux pas avoir de problème avec la police."
Dans ce dossier, une quarantaine de prostituées a été auditionnée par les enquêteurs dont 14 mamas identifiées rien qu’à Poitiers. Des femmes à la fois victimes de la traite humaine et mère maquerelle. Elles encourent 10 ans de prison.