Épuisée par ses soucis de santé, une étudiante retourne vivre chez son père. Contrainte de rester à domicile, sa seule possibilité de travailler se révèle être derrière son écran d'ordinateur. Elle devient camgirl. "Reprendre corps" est le premier roman de la Néo-Aquitaine Déborah Costes. C'est aussi l'un des romans remarqués de la rentrée littéraire. Elle est notre invitée livre.
"Triste monde où le sexe est omniprésent et où aucun (...) homme n'ose parler de ses fantasmes à sa partenaire. Moi, je leur donne cette autorisation. Et j'en ai rien à foutre.", lâche la narratrice de Reprendre corps (Globe), le premier roman de Déborah Costes publié en cette rentrée littéraire.
Originaire du Sud-Ouest où elle a grandi, Déborah Costes n'en fait pas mystère : sa narratrice, c'est elle. Contrainte d'abandonner ses études pour des raisons de santé. Et tout aussi contrainte de trouver un travail pour subvenir aux besoins financiers du foyer paternel où elle trouve refuge. Derrière son écran d'ordinateur, une seule possibilité de travail s'offre réellement à elle, le travail du sexe. Elle devient camgirl, puis escort et prostituée.
Son parcours va alors devenir celui d'une jeune femme explorant les bas-fonds de la sexualité humaine. "C'est du théâtre, du marketing, un jeu de rôle. (...) Je vis de ça, c'est mon métier. (...) Je me sexualise, je ne suis pas sexuelle", poursuit la narratrice qui, à chaque page, reprend la main sur ce qu'elle vit et déclare : "Personne n'a le droit de me taire. Personne n'a le droit de raconter mon travail à ma place."
Entretien avec Déborah Costes. Équipe : Clément Massé, Stéphane Bourin, Marc Hennebert, Aurélie Grignard et Dominique Moreno.
À travers son récit, elle confronte les tabous d'une société patriarcale, scrute les fantasmes de ses clients hommes, leur vision de la prostituée et de son corps, semble ne jamais rien lâcher, telle une combattante. Sa parole s'affirme et, très vite, dessine les contours de la femme qu'elle est, et de ce corps dont elle tente de reprendre possession, "cheffe d'entreprise", clame-t-elle, "pauvre" et "précaire", "objet masturbatoire" et, à travers les mots, si elle parvient à exorciser les clichés et la négation de sa personne, elle affirme sa place dans la société. Au-delà de ce récit aux frontières de l'autofiction, le lecteur assiste avant tout aux débuts prometteurs d'une écrivaine.
Reprendre corps de Déborah Costes (Globe), 17€.
"L'invité livre", c'est le samedi dans le ICI 19/20, à partir de 19h25.