Alors qu'une immense majorité de victimes d'agression sexuelle ne portent pas plainte, Lola Reynaud a trouvé la force de dénoncer son agresseur qui a depuis été condamné. Son message : il faut dépasser sa peur de ne pas être cru(e) et parler.
La peur d'être prise pour une menteuse. Voilà ce qui a conduit Lola Reynaud à longtemps garder pour elle ce qui lui est arrivé l'été de ses 14 ans. Alors qu'elle suit un stage équestre dans une manade en Camargue, l'adolescente poitevine est abusée par un jeune homme de quatre ans plus âgé qu'elle, qui la contraint à des relations sexuelles. Elle n'en dit rien pendant des mois.
"La première question que je me suis posée le jour où c'est arrivé et même pendant, c'est : va-t-on me croire ? " se souvient-elle aujourd'hui.
Je me demandais : si je pars en courant maintenant, est-ce que je vais être crue ? En appelant mon frère ou en parlant à mes parents, est-ce que je vais être crue ? Je n'avais aucune preuve, c'était sa parole contre la mienne.
L'histoire de Lola Reynaud aurait pu s'arrêter là, une histoire sans enquête ni condamnation, comme dans l'immense majorité des cas. En France, on estime que 80% des victimes de violences sexuelles, des femmes dans leur immense majorité, ne poussent jamais la porte d'un commissariat ou d'une gendarmerie. Par peur des conséquences, d'être mal reçu(e) ou bien encore de ne pas être cru(e).
"Ce gendarme, je le remercie"
Celle qui est aujourd'hui une jeune maman de 24 ans se souvient parfaitement du jour où elle s'est rendue à la brigade de Neuville-de-Poitou. C'était moins d'un an après son agression. Alerté par une infirmière scolaire qui a noté des traces de mutilation et des troubles de l'attention, le proviseur de son lycée avait entamé la procédure en son nom.
"C'était beaucoup d'angoisse et de stress parce que je savais que j'allais devoir tout dire devant le gendarme, ce que je n'avais jamais fait."
Les moindres détails de ce qui m'était arrivé, mes proches n'en savaient rien. Et comme j'étais mineure, je savais que mes parents allaient devoir relire ma déposition. J'avais vraiment peur de leur jugement.
La tenue qu'elle portait ce jour-là, le visage de l'adjudant Thierry qui la reçoit, les questions qu'il lui pose, elle se souvient de tout et surtout d'avoir été "prise au sérieux tout de suite".
Ce gendarme, je le remercie. Je suis allée le lui dire après le jugement du tribunal et je lui redis encore aujourd'hui, même si c'est tant d'années après les faits.
Des paroles de reconnaissance qui détonnent un peu en cette période où fleurissent nombre de témoignages de victimes moins flatteurs pour les policiers et les gendarmes.
Honte pendant des années
Et pourtant, tout n'a pas été forcément facile pendant les longues années qu'a duré la procédure. Pour aboutir à la condamnation à un an de prison avec sursis de son agresseur, Lola Reynaud a été auditionnée de nombreuses fois et dû répondre à des questions qui résonnent encore dans sa tête.
Elle raconte qu'un jour on lui a demandé : "quelle tenue portiez-vous pour qu'il ait envie de vous ?" "En l'occurence, je portais un jogging et un tee-shirt mais je me souviens très bien m'être demandée si mon jogging n'était pas trop moulant. Ces questions on ne doit pas se les poser !"
La honte qu'elle dit avoir ressentie "pendant de nombreuses années" l'a aujourd'hui quittée. Lola Reynaud peut enfin parler ; elle veut témoigner à visage découvert "pour que les victimes ne se sentent plus coupables" et osent parler.
Moi je n'ai pas eu le cran d'aller à la gendarmerie toute seule. Si on ne m'avait pas aidée, je n'aurais peut-être jamais porté plainte, mais grâce à une infirmière scolaire, un proviseur, un professeur, je l'ai fait. Si quelqu'un fait le premier pas pour vous dans la chaîne, il faut saisir cette opportunité.