Rejoindre Milan à pied en deux mois, c'est le défi que s’apprête à relever Cédric Cannone, pour militer pour les droits des personnes sourdes. Ce poitevin sourd de naissance a décidé de partager son aventure sur les réseaux sociaux, et espère obtenir des avancées concrètes du gouvernement dans la reconnaissance de la langue des signes.
"Voilà, ça, c’est mon carton pour le soir, quand j’aurai terminé ma marche. J’irai aux maisons, je me présenterai. Mais souvent, les personnes ne connaissent pas la langue des signes. Il suffira juste que je montre ma pancarte, je leur demanderai de bien vouloir m’héberger non pas chez eux, mais dans leur jardin pour que je puisse installer ma tente. Et si en plus, on peut faire connaissance et boire un coup, ça sera le bonus !"
Un sac lourd de huit kilos sur le dos, Cédric Cannone s'apprête à partir seul à pied, pendant deux mois, entre Paris et Milan, pour sensibiliser la population à son handicap, auquel il a déjà consacré deux livres.
"Je m'appelle Cédric, j'ai 45 ans et je suis sourd. Toute ma vie, on m'a forcé à agir comme un entendant. On m'a privé de ma langue, la langue des signes, et j'en porte encore les stigmates." C'est ainsi qu'il se présente dans son ouvrage intitulé Le silence du girafon.
Milan ville symbolique
Troisième congrès international pour l'amélioration du sort des sourds, le congrès de Milan organisé en 1880 débouche sur l'adoption en Europe des méthodes d'enseignement oral, au détriment de la langue des signes. La conséquence sera majeure : sans langue des signes dans les lieux d’éducation, un enfant sourd issu de parents entendants n’aura plus la possibilité d’apprendre correctement la langue des signes, puisqu’elle se transmet essentiellement dans les écoles. Un évènement considéré aujourd'hui encore comme "une douloureuse tragédie" pour les sourds.
"À la suite du congrès de Milan de 1880, il n’y a jamais eu d’interdiction légale de la langue des signes en France. Le choix de l’utiliser au sein des écoles pour sourds pour les enseignements a été laissé à la discrétion des directions de chacune d’entre elles. Cependant, celles qui allaient dans ce sens se voyaient retirer leurs subventions allouées par l’État. L’objectif implicite de la mesure était de juguler la langue des signes en faveur de la diffusion du français oral" explique Yann Cantin, maître de Conférence à l’université Paris 8, Docteur en Histoire (EHESS), et spécialiste de l’histoire des sourds.
Pour une reconnaissance de la langue des signes
Depuis, les mentalités ont évolué, mais pour Cédric, le combat continue : "Je veux montrer qu’il ne faut pas oublier la communauté sourde. Il ne faut pas oublier le combat qu’on a eu et que ce n'est pas fini. Et je veux une écoute, je veux qu'on puisse discuter. Parce qu’en 1880, il y a eu ce congrès de Milan, et tout reste très flou aujourd’hui. La langue des signes n’est toujours pas dans la constitution et ce n’est pas normal. Nous cherchons juste du confort de vie quotidienne et on a besoin de concret, la communauté sourde attend ce concret" défend-il.
Voir le reportage de Marie Colin et Marine Nadal
Cédric utilise les réseaux sociaux pour communiquer. Il prévoit de publier plusieurs vidéos au cours de son périple, une autre façon pour lui de sensibiliser.
Cédric veut interpeller le gouvernement, et partager son vécu. Pour lui, ne pas avoir de voix ne l'empêche pas de se faire entendre.
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