Plus de 75 ans après son vol par les soldats allemands pendant l'occupation de Poitiers en 1944, un tableau attribué au maître français du 17e siècle, Nicolas Poussin, vient d'être retrouvé en Italie. La peinture à l'huile a été rendue aux héritiers de ses propriétaires, annoncent les carabiniers.
Un tableau attribué à Nicolas Poussin, qui avait été volé par les soldats allemands lors de l'occupation de Poitiers en 1944, a été découvert chez un antiquaire dans le nord de l'Italie, ont annoncé les carabiniers ce jeudi 1er avril.
L'œuvre a été restituée à la famille de son propriétaire légitime.
È stata restituita dai #Carabinieri del #TPC ai legittimi proprietari l’opera di Nicolas Poussin trafugata dalle truppe di occupazione tedesche dall’abitazione di una famiglia ebrea durante la Seconda Guerra Mondiale. #PossiamoAiutarvi pic.twitter.com/oeZhG4zqpa
— Arma dei Carabinieri (@_Carabinieri_) April 1, 2021
Une œuvre mise à l'abri à Poitiers en 1938...
Cette huile sur toile du 17e siècle, intitulée "Loth avec ses deux filles lui servant à boire", appartenait à un habitant de Strasbourg, René Bloch, industriel et exploitant de scieries et de filatures.
En 1938, cet amateur d'art confie sa collection, qui comprend aussi du mobilier, à son cousin qui habite Poitiers, afin de la protéger des convoitises des Nazis, car il craint une invasion allemande.
Lui-même prend la direction de la Bretagne en 1939, avant de trouver refuge aux États-Unis, où il décédera en 1942, selon les informations de Jérôme Benezech, directeur du CIVS, la commission d'indemnisation pour les victimes des spoliations.
Mais le cousin poitevin de René Bloch est victime de la terrible rafle des 30 et 31 janvier 1944 à Poitiers, menée par les Français sur ordre des Allemands, lors de laquelle 481 personnes seront déportées vers les camps de la mort. Le tableau disparaît alors entre les mains des Nazis.
... et recherchée depuis 1947
Dès la fin de la guerre, l'œuvre est inscrite dès 1947 dans le "Répertoire des biens spoliés en France durant la guerre 1939-1945", un immense catalogue, construit en grande partie grâce au travail de Rose Valland durant l'occupation.
Le tableau de Nicolas Poussin, ainsi que sa photographie, figurent dans l'un des tomes du répertoire publié en 1947.
Un tableau reconnu lors d'une exposition aux Pays-Bas
Depuis, la famille de René Bloch, notamment sa fille qui vit en Suisse et est âgée de 98 ans, tente de retrouver sa collection volées par les Nazis.
En 2000, une requête est déposée auprès de la CIVS. Pendant ce temps, le tableau circule de mains en mains.
En 2019, il est reconnu par un expert lors d'une expositions aux Pays-Bas, selon les informations commmuniquées par les enquêteurs italiens à l'AFP.
Il aurait été acheté en France en 2017, par un antiquaire italien, qui l'a revendu à un confrère. C'est ainsi que les carabiniers retrouvent finalement la peinture au domicile de ce dernier près de Padoue.
100.000 oeuvres spoliées par les Nazis en France
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Nazis se sont livrés en France à un pillage systématique des collections d'art privées, pour remplir des musées allemands.
Dès la fin de la Guerre en 1945, un ordonnance prévoit la restitution des biens aux victimes de spoliation.
En 2013, selon une mission d'information sénatoriale sur les œuvres d'arts spoliées par les Nazis, seules 61.233 oeuvres avaient été retrouvées, sur les 96.812 réclamations recensées depuis la fin du conflit.
Un grand nombre d'entre-elles ne sont donc pas encore revenues aux mains de leurs propriétaires ou de leurs héritiers, et certaines refont surface de temps en temps.
"On sait, et on le découvre chaque semaine, chaque mois, qu'il y a un nombre important d'œuvres qui sont encore, soit chez des particuliers, soit dans des musées aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, ou parfois même en Europe" souligne Jérôme Benezech, qui dirige la CIVS,
"Ce n'est pas la première, ni la dernière affaire de ce type. C'est souvent par hasard, lors d'une exposition ou d'une vente, qu'il y a des personnes qui identifient des œuvres spoliées. [...] Et je ne parle même pas des œuvres que personne ne réclamera, car toute la famille a été décimée".
Pour faciliter le retour des œuvres, une nouvelle "mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945" a été créée en 2019.
→ regardez le reportage d'Antoine Morel et Thomas Chapuzot