Urgence pour l'environnement: depuis Poitiers, agir, c'est possible !

Chaque petit geste compte. C'est l'esprit en tout cas qui anime les membres des conseils communaux des enfants et des jeunes de Buxerolles, près de Poitiers. Les habitants aussi s'impliquent.

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180 kilos de déchets ramassés en moins de deux heures à travers la troisième ville de la Vienne, limitrophe de Poitiers. C'est le bilan de l'opération menée à Buxerolles, en mars dernier sous l'impulsion du conseil communal des enfants. Les 17 classes des deux écoles ont participé à l'opération.

Sur leur compte Twitter, les CM2 de l'école Planty ont posté une photo de leur collecte. 

A l'échelle de la France, les chiffres donnent le tournis : 81.000 tonnes de déchets sauvages sont dispersées chaque année dans la nature, principalement par la fenêtre des voitures. Ca correspond à 60 kilos par seconde.

Face à l'urgence environnementale, les ONG, de plus en plus alarmistes, multiplient les campagnes de communication. Certaines choisissent l'humour pour faire passer leur message. Comme dans l'animation suivante, où un mangeur de glace se retrouve nez à nez avec...

Au plan local, les premiers engagements des habitants de Buxerolles sur ce sujet des détritus sont nés il y a quelques années.


Plusieurs associations se sont alarmées des chemins envahis par les déchets dans le secteur de la Vallée. Un week-end de nettoyage a été organisé en 2011, et puis, au fil du temps, cette mobilisation s'est transformée en semaine.
- Sylvette Caillet, élue municipale

Une action facile, conviviale, un résultat visible


Ces premiers nettoyages, baptisés "Stop déchets", ont donc été menés dans cette zone en sortie de ville, non loin de la rocade qui contourne Poitiers (voir carte ci-dessous). Y participaient déjà écoles et habitants, "avec un réel engouement les premières années". Sylvette Caillet poursuit : "Les gens venaient pour se promener, se rencontrer et ensuite prenaient conscience du tonnage collecté. Et, au fur et à mesure, de plus en plus voulaient apprendre."
 

Avec les marches de ramassage, les personnes ont l'impression de faire quelque chose de concret.

C'est devenu un rituel, chaque printemps, au mois de mars, une semaine est consacrée à l'environnement à Buxerolles. Le ramassage en est l'action la plus visible. Pour Louise Lemblé, secrétaire de l'association Zéro déchets Poitiers, "ce genre d'opération est typiquement ce qui marche bien, ce qui est le plus marquant. Les personnes ont l'impression de faire quelque chose de concret".
 

En plus de cette mobilisation, les enfants ont préparé des pancartes détaillant la durée de dégradation des déchets. Installées sur différents ronds-points de la ville, elles ne devaient rester en place que le temps de cette fameuse semaine. Mais les habitants ont apprécié l'initiative et souhaité les conserver. Elles sont désormais regroupées sur un seul rond-point.
 

Jade Turmel, 16 ans, est l'une des élues du conseil communal des jeunes. Elle n'a pas participé à cette opération menée par les écoliers-élus, mais elle adhère à 100% : "Ces pancartes, je les ai remarquées direct, ça m'a appris des choses... Quand j'ai vu tous les zéros... Ouh la la, ça met beaucoup d'années !"

7.869 ans pour une pile abandonnée dans la nature, c'est la décomposition la plus lente inventoriée sur ces cinq panneaux préparés par les écoliers de Buxerolles, dans la Vienne.

Cette question des déchets, les adolescents de ce conseil y sont sensibles. De même, Adam Forgemoux, 13 ans, ne jette aucun détritus en dehors des poubelles : "Mon père, il me tuerait !". Pas de problème de ce genre non plus au collège "il y a plein de poubelles partout !".

Le renfort des poules

Autre initiative menée par les huit jeunes de ce conseil, ils ont eu l'idée de proposer aux habitants d'adopter des poules pondeuses chez eux. L'objectif était de réduire la quantité de déchets alimentaires jetés dans les poubelles. Le financement de l'adoption, assuré par la mairie, a permis aux candidats de récupérer gratuitement un couple de volatiles.L'un des jeunes élus, Adam Sururu, a toujours voulu avoir des animaux à la maison. L'idée a germé d'une discussion avec sa mère.

"On réfléchissait à comment réduire nos déchets, les poules en mangent beaucoup et on s'est souvenus d'une opération similaire dans une autre ville. Roule ma poule est née comme ça !". Hélas, sans jardin, il ne pouvait pas héberger lui-même de gallinacées. Coup de chance, le jour où les habitants sont venus récupérer leurs poules, l'une d'elles, Sylvie, a proposé à la cantonnade de prendre deux poules supplémentaires pour qui voudrait. Adam en a profité ! 

"Régulièrement, j'apporte nos déchets chez Sylvie et Florence, ça me fait une promenade, et puis je suis devenu ami avec elles. Je m'occupe moi-même de mes poules", raconte Adam.

Même problème pour Jade, elle habite avec sa famille en appartement et n'a pu adopter elle-même. Cette opération a néanmois été riche d'enseignements pour elle.
 

Fanchon Brebion, l'animatrice citoyenneté jeunesse de la ville, explique : "Nous avions prévu une dizaine de poules. Au final, face au nombre de familles candidates, on en a commandé plus d'une quarantaine à l'éleveur ! Chacune des 23 familles adoptantes (dont l'une des écoles élémentaires de la ville) s'est engagée en signant une charte qui stipule qu'elle dispose bien d'un jardin de 30 mètres carrés minimum et d'un poulailler... Et que les poules auront un nom !".

C'est génial !

Depuis deux mois, Delphine Barret et ses deux enfants ont adopté leurs poules. Elles finissent leurs assiettes, les restes de pain, mangent les épluchures. "Je jette moins dans la poubelle, ça part direct aux poules, c'est génial. Elles réduisent nos déchets, nous donnent des bons oeufs frais. Il y a une forme d'économie à travers ça."

Depuis, Delphine fait la promotion des poules autour d'elle. En plus de ces aspects pratiques, cela créée une animation au jardin. "Au début, les enfants ont absolument voulu les faire monter à l'échelle, ils faisaient des démonstrations pour leur faire comprendre ! Ils les carressent comme des chats et sont émerveillés. Ca les implique." 

via GIPHY

 

Que des avantages !

Pour Sylvie et Florence, il n'y a que des avantages ! Les deux cousines hébergent quatre poules, deux pour elles et deux pour Adam. "La récolte des oeufs n'est pas encore très régulière, car les poules sont encore jeunes, mais elles se sont bien adaptées."

Au menu des volatiles, salades, pelures de fruits, gras de jambon... "Et des os de poulet ! C'est ce qu'elles préfèrent !!!" En moyenne, Sylvie et Florence les nourrissent ainsi avec entre 300 et 500 grammes par jour, autant de moins dans leur poubelle. "Nous leur donnons aussi le gazon coupé ! Ca nous évite d’aller à la déchetterie, elles grattent dedans, elles jouent avec..."

Quel impact de ces actions sur l'environnement ?

Pour Caroline Leménicier de l'association Vienne Nature, "il est très compliqué de quantifier et de mesurer la sensibilisation du grand public".
 

Les gens nous alertent sur la disparition de telle ou telle espèce. C'est peut-être le signe d'un passage à une prise de conscience collective

Elle constate que "dans nos sorties, on assiste à une réelle prise de conscience individuelle, elle est de plus en plus forte. C'est d'autant plus vrai lorsque les participants entendent parler des enjeux climatiques ou des travaux du CNRS de Chizé".

Récemment, les chercheurs deux-sévriens ont publié un rapport sur l'effondrement massif de la biodiversité, et en particulier la nette diminution des populations d'oiseaux dans nos campagnes.
 

"Les gens constatent d'eux-mêmes l'absence d'insectes et le recul des oiseaux. Et là, c'est nouveau, ils nous appellent et nous alertent sur la disparition de telle ou telle espèce. C'est peut-être le signe d'un passage à une prise de conscience collective", poursuit Caroline Leménicier, de Vienne Nature. Autre indice pour elle, l'augmentation du nombre d'adhérents, de la participation aux activités, avec souvent une liste d'attente.

C'est à travers l'une de ces formations botaniques que Liliane Haudébault, retraitée, a commencé sa petite révolution environnementale personnelle.

"Je vis à la campagne, entourée de plantes, je voulais savoir comment elles vivaient et pouvoir les nommer. Je constatais qu'elles disparaissaient, comme les oiseaux"

 

Cette formation, elle l'aurait faite sans l'urgence climatique, mais ça lui a servi à remettre les choses en ordre. "Les sureaux, par exemple, beaucoup les coupent, alors qu'ils sont utiles aux insectes. Pareil pour le lierre, seule plante qui nourrit les oiseaux l'hiver. Ce n'est pas une plante parasite des arbres !"

Je n'achète plus d'eau de javel, ni de produits d'hygiène avec des conservateurs

Ce premier "retour à la nature" lui a donné envie de changer de comportement vis à vis de l'environnement. "Sur les petits trajets, moins de trois km, je vais à pied ou à vélo plutôt qu'en voiture. Je n'achète plus d'eau de javel, ni de produits d'hygiène avec des conservateurs. Je me fournis en légumes au marché et plus en grande surface."

Certains de ses amis randonneurs partagent le constat d'une nature amoindrie mais sont fatalistes, d'autres veulent changer les choses.

"Il est plus facile de constater la dégradation de l'environnement que de susciter la prise de conscience." se lamente-t-elle.

Quels moyens politiques ?

Florence Jardin, élue Grand Poitiers en charge gestion des déchets, partage ce constat très ambivalent. "Il y a une prise de conscience". Les jeunes (des enfants aux jeunes adultes) sont sensibles à tout ça. Mais il y a aussi toujours des incivilités, comme des dépôts sauvages, "On balance". Tout le monde a entendu les messages de prévention. Mais certains pensent : "On me doit tout, je paye, on ramassera derrière moi". D'autant qu'à part le flagrant délit, verbaliser ces actes est rare. De ce point de vue, les initiatives des jeunes sont rassurantes."
 

Beaucoup d'espoirs sont donc fondés sur le renouvellement des générations. "A condition d'en permanence informer, poursuivre le travail dans les écoles, les centres de loisirs. Beaucoup de choses se passent." Sur son site internet, l'agglomération relaie ces messages

D'un point de vue comptable, il n'y a pas vraiment de diminution du déchet à la source, notamment à cause des emballages plastiques.

"On a peu de leviers à ce niveau, à part encourager l'achat de recharges (emballages réutilisables), privilégier la deuxième vie des objets". En parallèle aux déchetteries, existe ainsi une recyclerie. Y sont récupérées des choses réutilisables ou réparables, revendues à petit prix.

Autre progrès, des particuliers de plus en plus nombreux récupèrent auprès de la mairie, ou achètent, des composteurs pour leurs déchets alimentaires. "La pratique se développe, c'est autant de gagné sur le traitement ultérieur. De même, les déchets verts ne doivent plus être considérés comme un déchet, mais une ressource à mettre dans son jardin (en broyage, ou dans le fameux compostage)".

Actuellement, 33.000 tonnes de déchets recyclés sont collectés chaque année, dont 30% de déchets verts. L'objectif est de réduire cette dernière catégorie, cette vidéo cherche à convaincre les habitants.
 

Au cours du mandat précédent, l'agglomération a atteint son objectif de réduction de 7% de l'ensemble des déchets. Elle vise - 10% pour l'actuelle mandature.

Grand Poitiers agit aussi dans ses cantines scolaires. L'organisation des repas a été repensée pour lutter contre le gaspillage alimentaire.

Les entreprises sont, elles aussi, invitées à agir à leur niveau. Un troisième programme d'accompagnement du monde économique a permis de mettre en lien plusieurs sociétés. Elles pratiquent une forme d'économie circulaire. Les déchets papiers des unes sont déchiquetés pour servir de rembourrage dans les colis des autres.

Louise Lemblé constate elle aussi cette volonté des entrepreneurs de proposer des solutions. "Les images chocs des baleines avec des plastiques dans le ventre font leur effet."
 

Et vous ? Par où allez-vous commencer ?

A l'association Zéro déchet Poitiers, des réunions régulières rassemblent une trentaine d'adhérents. Parmi les premiers conseils donnés, l'association suggère de se donner un objectif à la fois.
 

"Il faut commencer par un truc motivant", explique Louise Lemblé. "Par exemple, ne plus acheter de bouteille d'eau en plastique mais utiliser au quotidien une gourde. On peut aussi passer aux cosmétiques solides à la place des gels douche et des shampooings. A l'usage, il n'y a pas de retour en arrière. C'est comme l'arrêt de la cigarette."

Ces changements ont aussi l'avantage d'alléger le budget des familles. Louise Lemblé explique : "A panier comparable, elles peuvent réaliser 35% d'économie, en passant des "emballés" au vrac. L'équipement préalable, en serviettes en tissus et emballages réutilisables, est vite amorti..."

Chaque initiative, même individuelle, révèle qu'il n'y a "pas d'action inutile", affirme Florence Jardin.
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